La Chaire de recherche du CRSNG du professeur Brahim Benmokrane est renouvelée pour un 4e mandat
L’importance des polymères renforcés de fibres dans le béton armé
Si c’est vrai que l’on retrouve 40 milliards de mètres cubes de béton armé sur la planète, on comprend bien l’ampleur du défi du professeur Brahim Benmokrane. Rares sont les chaires de recherche qui peuvent se targuer d’exister depuis plus de 15 ans et qui sont renouvelées pour un 4e mandat consécutif. La Chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les armatures en matériaux composites novateurs en polymères renforcés de fibres (PRF) pour les infrastructures de béton poursuivra ses objectifs pour un autre mandat de 5 ans. L’octroi du CRSNG et la contribution financière des partenaires industriels pour appuyer le renouvellement de la Chaire totalisent près de 2,3 millions de dollars auxquels s’ajoutent d’importantes contributions en nature sous forme de produits et de services à l’appui des activités de recherche de la Chaire.
Le professeur Benmokrane est à la tête de la Chaire depuis ses débuts, en 2000. Le béton armé existe quant à lui depuis les années 1900. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, «armé» ne veut pas dire «protégé»… On renforce le béton avec de l’acier. Encore maintenant. Mais avec le climat, le sel, l’eau et la circulation, les armatures d’acier se corrodent et prennent 5 fois l’expansion de leur dimension initiale, faisant craquer et éclater le béton. Les coûts des réparations associées se chiffrent en milliards de dollars. Il faut donc trouver de nouvelles techniques ou matériaux afin de contrer ce problème qui s’attaque à tout le réseau routier du Québec.
15 ans de recherche active
La Chaire a orienté ses activités vers une solution qui semblait répondre aux caractéristiques demandées : renforcer le béton avec des armatures en PRF. Le terme PRF décrit un groupe de matériaux composés de fibres synthétiques ou organiques, comme les fibres de verre, de carbone, d’aramide ou de basalte, imprégnées dans une matrice de résine. Ces matériaux composites offrent plus d’avantages que l’acier: un quart de la densité de l’acier, l’absence de corrosion même dans un environnement agressif, une plus grande résistance à la traction que l’acier et une durée de vie de plus de 150 ans. « Grâce aux travaux de la Chaire, ces nouvelles armatures sont utilisées dans des applications structurales comme les ponts routiers, les viaducs, les stationnements. Mais on table sur l’amélioration continue. On veut toujours aller plus loin », affirme le professeur.
La Chaire se penche sur l’étude de ces nouveaux matériaux en procédant à des essais de vieillissement accéléré, la mise au point de modèles de prédiction de la durée de vie et le développement de nouveaux produits innovants. Une comparaison avec les membrures en béton armé d’acier, comme des dalles de ponts et de stationnements, des murs et des colonnes de bâtiments a été faite, et de nouvelles équations de calcul ont été mises au point pour les normes de conception canadiennes et internationales : « Notre laboratoire de recherche sur l’armature en PRF est l'un des plus grands au monde et reçoit la visite de nombreux chercheurs et industriels internationaux. Les résultats de ces recherches ont par exemple été utilisés dans les documents réglementaires des ministères des Transports au Canada et aux États-Unis et font l’objet de documents académiques pour la formation d’ingénieurs et d’étudiants dans de nombreux pays », poursuit M. Benmokrane.
Plusieurs centaines de ponts routiers et autres structures - telles que chaussées d’autoroutes en béton, stationnements étagés, usines de filtration d’eau potable, structures portuaires, structures souterraines et dalles de plancher pour hôpitaux - utilisant les technologies et le savoir développés par la Chaire ont été réalisés avec succès au Québec, au Canada et à l'étranger au cours des dernières années. Ces réalisations ont eu un impact significatif sur l’avancement de la technologie de PRF à travers le développement de nouveaux produits et de nouvelles applications sur le terrain. Ces travaux ont contribué de façon marquante à l’entrée des matériaux composites dans le domaine du génie civil. Avec un bilan de 419 publications scientifiques, 27 ouvrages et chapitres de livres et 112 étudiants et stagiaires postdoctoraux formés, on attaque la suite avec assurance.
Collaboration
Parmi les collaborateurs de la Chaire, notons sept partenaires industriels et les deux paliers de gouvernement. Et d’autres pourraient s’y joindre, selon les résultats obtenus. « Pultrall, entreprise spécialisée dans la fabrication d’armatures en matériaux composites à Thetford Mines, a actuellement le produit le plus avancé au monde, notamment grâce à la Chaire, et est le plus gros producteur mondial, précise le professeur. Elle exporte dans plusieurs pays. »
Cinq objectifs pour cinq ans de mandat
La Chaire a de nouveaux objectifs, avec un axe orienté vers les utilisateurs, concepteurs et propriétaires d’ouvrages. Mandat de cinq ans, cinq objectifs : 1) Amélioration des renforcements de PRF existants et développement de nouveaux PRF à l’aide de techniques de fabrication innovantes et à haut rendement; 2) Études sur la durabilité, le cycle de vie et le rapport performance/coûts; 3) Essais à grande échelle en laboratoire sur des prototypes en béton armé avec les produits de PRF et développement de modèles de calcul; 4) Applications sur le terrain et monitorage des structures; 5) Transfert technologique aux ingénieurs et à l’industrie de la construction.
Développer de nouvelles applications pour élargir le marché à des coûts moindres serait une bonne façon de résumer ses objectifs. « En phase de développement, on retrouve entre autres actuellement des traverses de chemin de fer, des pieux pour grands ouvrages, des voussoirs pour les tunnels, des dalles préfabriquées pour les ponts - afin d’accélérer les travaux de construction - ainsi qu’un tunnel de 2 km à Miami, qui passera en-dessous de la mer, et un premier pont à haubans au Canada dans le nord-ouest de l’Ontario», détaille le professeur Benmokrane.
Personnel hautement qualifié
Au cours de son 4e mandat, la Chaire permettra de former 40 étudiants de 2e et 3e cycles et stagiaires postdoctoraux. Depuis sa création, cette chaire a permis l’embauche de deux professeurs-chercheurs au Département de génie civil, et un troisième pourrait être recruté prochainement. Évidemment, tous les travaux de la Chaire seront normés, de sorte que les ingénieurs puissent bien les utiliser. Un congrès international sera d’ailleurs organisé en 2016 ou 2017, et réunira des chercheurs, des maîtres d’œuvre, des industriels, des maîtres d’ouvrage et des bureaux d’ingénieurs autour de la thématique de la Chaire.
La Chaire a contribué à la réputation internationale qu’a acquise l’Université de Sherbrooke dans le développement des infrastructures de béton. Cette Chaire, qui a atteint une belle phase de maturité, est citée comme exemple de réussite par le CRSNG. Elle permettra assurément au Canada d’accroître encore plus sa compétitivité et son leadership dans le développement et l’utilisation de la technologie PRF pour béton.
Portrait du chercheur
La reconnaissance du professeur Benmokrane dans son domaine dépasse les sphères internationales universitaires et s’étend dans les industries et autres firmes professionnelles. Il est invité partout dans le monde comme conférencier dans des organisations professionnelles et des institutions académiques et il siège sur des comités scientifiques et éditoriaux internationaux de premier plan. Il est considéré comme le chef de file mondial dans le domaine de l'utilisation d’armature en PRF dans les structures en béton. Il préside deux comités techniques CSA sur les codes de conception et co-préside deux autres. Durant les 5 dernières années, il a donné plus de 40 séminaires dans plus de 15 pays, et ses étudiants et stagiaires postdoctoraux ont présenté leurs recherches dans plus de 35 conférences nationales et internationales.
Le professeur Benmokrane est également directeur du Centre de recherche sur les infrastructures de béton (CRIB), un des regroupements stratégiques du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FQRNT), qui regroupe 31 professeurs-chercheurs et plus de 250 étudiants aux cycles supérieurs et chercheurs postdoctoraux de six universités québécoises. En 2016, il a créé le Centre de recherche de l’Université de Sherbrooke sur les matériaux composites (CRUSMaC), qui a été reconnu par l’Université comme centre de recherche d’excellence dans le cadre de son Programme interne de financement des infrastructures de recherche (PIFIR).
Prix et récompenses jalonnent son cheminement, comme en témoignent les nombreux reportages médiatiques sur le prestigieux parcours du professeur Benmokrane. Parcours parsemé de plusieurs reconnaissances, dont trois exemples marquants : il a été intronisé membre de la Société royale du Canada en reconnaissance de ses contributions exceptionnelles à la vie intellectuelle du Canada; lors du congrès international CONMAT'15 The Fifth International Conference on Construction Materials: Performance, Innovations and Structural Implications, le Prix hommage «Life-Time Achievements» lui a été décerné par ses pairs pour ses réalisations en recherche et développement dans le domaine des matériaux pour la construction; et il a reçu le Prix Synergie pour l’Innovation du CRSNG, appuyé d’un montant de 200 000 $, soit le plus gros montant reçu pour un prix par un chercheur de l’Université de Sherbrooke.