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Liaison, 8 février 2007
CAROLINE TRUDEAU
Étudiante au baccalauréat en communication, rédaction et multimédia
Le trou dans
le mur, Michel Tremblay
Après plus d’une soixantaine de romans, de récits et de
pièces de théâtre, Michel Tremblay n’a toujours pas perdu la main et
réussit encore une fois à nous captiver et à nous faire voyager autant
dans le temps que dans d’autres mondes avec ce tout dernier roman,
Le trou dans le mur.
Ce n’est pas uniquement l’histoire qui vous captivera jusqu’au tout
dernier mot de ce malheureusement trop court livre de 240 pages, mais
c’est surtout la plume de Michel Tremblay. Virtuose des monologues, il
nous fait ici la preuve de son talent avec cinq récits captivants
d’anciens spécimens du
redlight
montréalais.
Comme s’il voulait souligner ses 40 années de métier – son
premier livre
Contes pour buveurs attardés a été publié en 1966 – il décide
dans ce roman de ramener à la vie l’un de ses premiers personnages,
François Laplante, héros du livre
La cité dans l’œuf,
paru en 1969. À ce moment-là, François avait pénétré dans un autre monde
où il avait vécu plusieurs mésaventures qui finalement ont été considérées
comme des hallucinations. Nous le retrouvons donc plusieurs années plus
tard, alors qu’il est âgé dans la soixantaine et qu’il est sous traitement
psychologique.
François doit ingurgiter chaque jour de nombreuses pilules
afin de contrôler ses hallucinations et de maintenir l’équilibre de son
esprit. Depuis plusieurs années, il doit se soumettre à une vie de routine
monotone et qui l’ennuie. Puis un jour, il découvre, dans le mur du
Monument national, une vieille porte de bois qui, il en est certain,
n’existait pas auparavant. Cette porte lui permet alors d’avoir accès à un
monde parallèle, celui du purgatoire de la
main.
François y découvre un bar à la Toulouse-Lautrec situé sous le Monument
national et est invité à écouter la confession de cinq personnages qui ont
évolué dans le
redlight de Montréal dans les années 50 et 60.
À partir de ce moment, les genres se mélangent; le
fantastique de l’univers est balancé par le réalisme des histoires qui y
seront racontées. Après chaque excursion, François est confronté à
lui-même : est-il encore victime d’hallucinations, malgré la médication?
Mais tout semble si réel, autant les récits qui lui sont contés que les
répercussions sur son environnement lorsqu’il en sort. Tout au long du
roman, le lecteur se posera la même question, sans jamais y trouver une
réponse définitive. Cependant, que nous demeurions quelque peu dans le
doute ne nuit aucunement au plaisir de cette lecture dont l’intérêt se
trouve principalement dans les cinq confessions.
On entendra d’abord la confession de Gloria, une chanteuse
de musique latino-américaine, puis celle de Willy Ouellette, un joueur de
ruine-babines, celle de Valentin Dumas, un acteur de théâtre français,
celle de Jean-le-Décollé, un travesti, et enfin celle de Tooth-pick, le
bourreau de la main.
Au terme de chaque récit, François doit décider s’il leur donne
l’absolution et leur permet alors de monter au Monument national pour
rejoindre tous les disparus du
redlight ou
s’il les contraint à rester dans le bar, à boire jusqu’à ce qu’une autre
personne daigne venir écouter leur histoire.
Michel Tremblay nous fait alors la démonstration de
l’étendue de son talent. Les cinq récits, écrits sous la forme de
monologues, sont un pur délice. Le lecteur a l’impression d’assister
lui-même à ces confessions, d’être impliqué dans la décision de François.
Lorsque les «fantômes» s’adressent à François, nous nous sentons également
interpellés, comme s’ils réagissaient à nos propres actions. Tremblay
réussit à faire transparaître l’essence de chaque personnage par le
rythme, le vocabulaire et la syntaxe qui sont propres à chacun.
Le thème de la mort est bien entendu au cœur de ce roman, ce
qui s’explique par le fait que Michel Tremblay se serait servi de ce livre
comme d’un exutoire alors qu’il était en rémission d’un cancer de la
gorge. Cependant, le fait que la mort soit traitée plus souvent avec
humour qu’avec gravité permet d’alléger la lecture. On prend plaisir à
écouter la vie haute en couleur de ces personnages insolites.
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