Gérer les émissions de carbone de l’aviation civile : un défi mondial
L’UdeS accueillait des acteurs de la politique, du droit et de l’industrie aéronautique lors du 11e Colloque du Réseau francophone de droit international, au Campus de Longueuil, le 3 mai
Le contrôle des émissions de carbone dans l’industrie aérienne est apparu sur l’écran radar dès l’adoption du protocole de Kyoto, en 1997. Après le succès mitigé du système de crédit carbone implanté en Europe ces dernières années, le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale a intensifié ses travaux en vue d’adopter, d’ici la fin de 2015, un traité international prévoyant un mécanisme mondial de gestion des émissions du carbone basé sur la logique de marché.
Faisant écho à ce thème très actuel, la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke a organisé, le 3 mai, le 11e Colloque du Réseau francophone de droit international. La rencontre, présentée au Campus de Longueuil, réunissait des acteurs de premier plan dont Jean Charest, ex-premier ministre et ex-ministre fédéral de l’environnement, ainsi que des représentants de l’industrie aéronautique, d’organismes internationaux liés à l’aviation civile, à l’environnement et aux marchés boursiers, notamment.
Vers un système viable
«Cela fait de nombreuses années que les États négocient la mise en place d’un régime qui prendrait en compte les émissions de gaz à effet de serre produits par les aéronefs du domaine civil. L’Union européenne a récemment ajouté à son système de crédit carbone le secteur de l’aviation civile, mais devant des protestations monstres des États-Unis et de plusieurs pays, elle a décidé de suspendre l’application de son régime, le temps que l’Organisation de l’aviation civile internationale avance ses travaux vers un régime international», résume Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit et responsable du programme de droit international et politique internationale appliquée.
Elle explique que le régime mis en place en Europe a été critiqué notamment parce qu’il prenait en compte le calcul des émissions de gaz à partir du point de départ des avions, y compris s’ils décollaient de l’étranger. «Selon ce système, un transporteur devait payer pour la pollution engendrée à l’extérieur de la zone européenne, dit Geneviève Dufour. Cela soulevait diverses questions de droit international liées au fait d’exiger des compensations pour des vols extraterritoriaux. Cela annonçait d’autres problèmes : si par exemple le Canada avait décidé d’adopter une législation similaire, les transporteurs auraient eu à payer une double compensation.»
Les pays européens ont accepté de suspendre leur mesure et de laisser une chance aux négociations internationales, dit David Pavot, chargé de cours et responsable académique du programme de droit international et politique internationale appliquée. «Dans les négociations internationales, l’Union européenne et ses pays membres apparaissent comme leaders, même s’ils sont contestés pour leur législation, dit-il. Selon certains bruits de couloir, les négociations pourraient avancer si l’Union européenne accepte que sa législation s’applique uniquement sur son territoire.»
Mais David Pavot ajoute du même souffle qu’il y a d’autres enjeux à prendre en compte pour éviter qu’un système puisse être contourné. «Il faut retenir qu’en bout de ligne, c’est le passager qui va payer la note et aussi que la majeure partie des routes du trafic aérien se trouvent dans les pays du Nord, dit-il. Or, on a déjà évoqué l’idée d’exonérer les pays en voie de développement d’un système de crédit carbone. Le risque, c’est que les compagnies décident d’emprunter de nouvelles routes pour se soustraire au système.» Geneviève Dufour ajoute : «Et si on allonge les routes, ou que l’on multiplie les escales, on risque d’alourdir le bilan environnemental et de rater les cibles liées aux changements climatiques.»
Réunir les spécialistes des différents enjeux
Selon Kristine Plouffe-Malette, co-organisatrice du colloque et doctorante en droit, la rencontre a fourni une occasion unique de réunir des sommités qui ont été appelées à aborder la problématique sous des angles très différents mais complémentaires.
«Les personnes conviées au colloque sont toutes concernées par les questions liées aux changements climatiques et à l’industrie aérienne, dit-elle. On retrouve des chercheurs, des gens des instances politiques, du milieu boursier, d’organisations non gouvernementales, mais aussi des représentants de fabricants d’avion et de composantes, dont Pratt & Whitney, CAE, Airbus et Bombardier, qui pourront traiter des possibilités technologiques d’améliorer les avions pour réduire le bilan environnemental.» Parce qu’en effet, ces nouvelles générations d’avions comptent parmi les solutions pour les transporteurs, qui auront intérêt à réduire leur bilan environnemental.
Droit international et politique internationale appliqués
Parmi les conférenciers, Sarah Gorguos, diplômée de la maîtrise en droit international et politique internationale appliquée de l’Université de Sherbrooke, a donné le point de vue d’une ONG, après avoir creusé la question dans le cadre d’un stage réalisé l’an dernier au cabinet McCarthy-Tétreault.
«Ce colloque donne un bel exemple de mise en application de ce qu’apprennent nos étudiants dans ce programme, qui leur offre une approche bidisciplinaire et un contact avec les acteurs sur le terrain», souligne Geneviève Dufour. «Pour les étudiants, c’est une formidable opportunité de réseautage», ajoute David Pavot.
Dans le cadre du colloque, l’UdeS a également présenté le concours international de plaidoirie Charles-Rousseau, auquel prenaient part quatre étudiants de la Faculté de droit.