Nanotechnologies dans les produits de consommation
La toxicité des nanoparticules serait sous-estimée
La nanotechnologie s’est insérée dans plusieurs des produits que nous consommons : peintures à séchage rapide, cosmétiques aux propriétés exclusives, ordinateurs miniaturisés, etc. Or, que connaît-on de la toxicité de ces composés une fois libérés dans l’environnement? Professeur en chimie de l’environnement, Jean-Philippe Bellenger met en doute les conclusions des études scientifiques.
En raison de leur utilisation à la fois répandue et récente, les nanoparticules font l’objet de plusieurs recherches toxicologiques.Toutefois les conditions dans lesquelles s'exécutent ces recherches ne sont pas représentatives de ce qui se déroule véritablement au sein de l'écosystème, croit le professeur Jean-Philippe Bellenger, de la Faculté des sciences.
Le chercheur en chimie affirme que les analyses de toxicité des nanoparticules métalliques se limitent à une fraction seulement de la réalité. Pour pallier ces lacunes, Jean-Philippe Bellenger propose une approche susceptible de modifier la perception des scientifiques à l’égard de la nanotechnologie et de sa toxicité dans l’environnement.
Se nourrir de raisins en plastique
En temps normal, un composé chimique est jugé nocif lorsqu'il s'en prend physiquement à la membrane des cellules. Cependant, cette approche ne considère pas les transformations chimiques que peuvent subir les nanoparticules dans l’environnement. Autrement dit, les scientifiques ne ciblent que la concentration à laquelle une substance attaque une cellule – telle un poignard – sans examiner la possibilité que cette dernière puisse ingérer le composé bien avant – à la manière d’un poison – et y succomber.
Pour mettre au jour l’importance des interactions chimiques, Jean-Philippe Bellenger a étudié une souche de bactéries en présence de nanoparticules de tungstène. Employé comme pigment dans les peintures, le tungstène est un métal non nécessaire à la croissance des bactéries. Le professeur de chimie a démontré qu’un type de bactéries, appelé Azotobacter vinelandii, réagit à la présence du tungstène en sécrétant des substances dont la structure évoque une toile d’araignée. Ces «filets», qu’on nomme sidérophores, capturent les nanoparticules de tungstène afin de les solubiliser.
Or, une fois que le tungstène nage dans la solution, les cellules de la bactérie ne différencient plus celui-ci des autres nutriments indispensables à sa survie. La bactérie tente donc de l’utiliser à tort, tel un être humain qui chercherait à se nourrir de raisins en plastique. Cette assimilation d’un «faux» nutriment finit par nuire au bon fonctionnement de la bactérie et cause sa mort à des concentrations bien plus faibles que celle nécessaire pour directement toucher sa membrane.
Proposer une nouvelle approche
En somme, afin d’offrir l’heure juste sur les effets de la nanotechnologie, la recherche environnementale devra prendre une autre tangente en intégrant une nouvelle notion : les interactions entre bactéries et nanoparticules. «L’approche actuellement employée pour les études environnementales n’est peut-être pas la meilleure pour estimer avec justesse les effets des nanoparticules sur l’environnement», résume le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biogéochimie terrestre.
Les résultats de cette recherche, parue dans Environmental Science and Technology, livrent un message bien important : «Pour esquisser un véritable portrait des effets de la nanotechnologie sur l’environnement, nous devons cesser de constater, et travailler à comprendre les réactions qui entrent en jeu avec les bactéries», conclut Jean-Philippe Bellenger.