Création du Carrefour d’innovation en technologies écologiques à Granby
Le pouvoir de la fibre naturelle
Quand un mouleur de la Beauce voit ses revenus diminuer considérablement à cause d’une nouvelle législation qui l’oblige à n’utiliser que 5 % de matériaux composites non recyclables dans la fabrication de ses pièces de camionnage, il doit entrer en mode solution. C’est là que les chercheurs peuvent intervenir, et ça donne souvent d’heureux résultats. Comme une diminution de 80 % de matières résiduelles enfouies et une augmentation de 25 % des propriétés mécaniques de ses pièces.
Impressionnant ce que trois ingénieurs passionnés unis par la science des matériaux peuvent accomplir en un an : voir leurs idées se matérialiser en un lieu physique dédié à la rencontre entre le monde académique et industriel. Mathieu Robert et Saïd Elkoun sont deux professeurs de la Faculté de génie. Ajoutons à leurs idées et à leur imagination la rencontre avec un ingénieur spécialisé en textiles innovants basé à Granby, François Simard, président de Protec-Style, et on arrive à créer un Carrefour d’innovation en technologies écologiques. Rien de moins.
L’Université de Sherbrooke établira dès l’automne 2015 un Carrefour d’innovation en technologies écologiques (CITE) à Granby, tout près de l’actuel Centre d'innovation et de technologies industrielles de Granby (CITIG). Initiative de l’UdeS et de Protec-Style, la création de ce Carrefour permettra un maillage dynamique entre la recherche et le développement technologique. La Faculté de génie en sera le maître d’œuvre, assurant les activités de recherche avec l’objectif de répondre aux besoins d’innovation et de formation des entreprises manufacturières de la région dans le secteur des matériaux écologiques.
Nouveaux matériaux écologiques
«Plusieurs entreprises travaillent avec les polymères. Ce qui nous distingue, c’est l’idée de textile à saveur écologique. On veut inventer des nouveaux matériaux», explique le professeur Robert. Le domaine de recherche ciblé par le Carrefour vise la création de matériaux les plus écologiques possible, biodégradables ou recyclables, dans une optique de diminution de l’enfouissement de matériaux non récupérables. On veut aussi valoriser la matière naturelle pour faire des nouveaux matériaux plus performants et ainsi pouvoir remplacer les matériaux à base de combustibles fossiles ou qui demandent une grande énergie pour être produits, comme la fibre de verre ou la fibre de carbone. Les fibres ciblées dans leurs recherches sont les fibres d’asclépiade, de lin, de bambou, toutes des fibres faciles à cultiver.
Au carrefour de la recherche, de la formation et de l’entrepreneuriat
Mathieu Robert s’exalte: «Cette initiative permettra l’atteinte de trois objectifs majeurs : premièrement, faire de la recherche, deuxièmement, offrir de la formation – à la fois pour les ingénieurs déjà en place dans les entreprises partenaires et pour les étudiants de la Faculté de génie – et, troisièmement, favoriser l’entrepreneuriat. Le contexte sera vraiment favorable aux entreprises dérivées.» Fait intéressant, les entreprises motivées par le développement écologique ne compétitionnent pas entre elles. «Souvent visionnaires et innovatrices, elles ont une vision de société, elles recherchent un but commun. C’est tellement motivant! Et on tenait au mot Carrefour. Les besoins réels des partenaires industriels sont rencontrés, c’est un mariage naturel.»
«Lorsque l’on m’a présenté le projet, j’ai su en moins de cinq minutes qu’il s’alignait parfaitement avec notre orientation stratégique », a ajouté le doyen de la Faculté de génie, le professeur Patrik Doucet. Ce pas de plus de l’Université vers l’industrie représente vraiment une première. Les infrastructures manquent pour ce genre de partenariat.» La Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke se démarque entre autres par sa capacité à compléter la chaîne de l’innovation, en partenariat avec l’industrie ou par l’entrepreneuriat technologique. L’objectif: retourner rapidement à la société son investissement en recherche, accélérer le passage des idées vers l’industrie. «Réaliser qu’une fibre peut absorber du pétrole dans un bécher en laboratoire, c’est une chose, mais réussir à transposer une découverte dans une application à grande échelle, dans la vie réelle, c’en est une autre. Le transfert technologique, c’est exactement cela.»
Ce genre de partenariat, la Faculté en veut d’autres. Un peu comme elle l’avait fait par le passé avec le Centre de technologies avancées (CTA) ou le Centre de collaboration MiQro Innovation (C2MI), elle croit à son rôle de rapprocher davantage la recherche de l’industrie. En ce sens, le doyen est d’ailleurs convaincant: «En Estrie, on est le 2e plus grand pôle en Amérique du Nord pour la recherche, le développement et la fabrication de pièces et produits en élastomères, plus connus sous le nom de caoutchouc. On ne part pas de rien. Par contre, le caractère novateur du Carrefour tient de l’idée de développement à grande échelle, de création d’un nouveau tissu économique dans la région.»
Une relève naturelle et… renouvelable
Les étudiants du baccalauréat, de la maîtrise et du doctorat se rejoindront en ces murs. Des projets reliés à l’utilisation des ressources renouvelables pour faire de nouveaux matériaux sont d’ailleurs déjà en cours à la Faculté. «Par exemple, on a un projet d’un béton plus naturel, qui atteindrait une haute performance avec des fibres naturelles, un autre sur le recyclage de matériaux composites thermodurcissables et un autre sur la cristallisation de biopolymères et l’utilisation de nanocristaux d’amidon, extraits de la biomasse, pour le renforcement de ces biopolymères et donc pour l’élaboration de nouveaux matériaux nanocomposites», complète le directeur du Département de génie mécanique, le professeur Saïd Elkoun.
Retombées
Avec des impacts environnementaux et économiques évidents, la création de ce Carrefour deviendra une référence dans un contexte de société appelée à se renouveler. Poursuivre des actions orientées vers le développement de ressources renouvelables, la formation d’ingénieurs conscientisés et l’élaboration d’un écosystème entrepreneurial : projet de partenariat tout à fait approprié pour la Faculté de génie, qui lui sied à merveille. Prochaine étape : pelletée de terre !