Des économistes de l’UdeS scrutent l’efficience des clubs de football français
Millions ne rime pas toujours avec champions
Gérer une équipe de sport professionnel est une affaire de gros sous. Mais investir des millions pour embaucher des joueurs vedettes assure-t-il de meilleures performances sur le terrain? Pas nécessairement, ont constaté la professeure Valérie Vierstraete et l’étudiant Élisé Wend-Lassida Miningou, du Département d’économique de la Faculté d’administration. En scrutant le budget et les résultats d’équipes de première et de deuxième division du championnat français de football (soccer), les chercheurs ont observé que des clubs au budget plus modeste ont une efficience plus grande que des équipes plus riches. Considérant l’argent investi, ces formations réussissent mieux, en termes de performance sur le terrain et d’assistance, que d’autres équipes qui dépensent considérablement plus.
Surenchère et déficits
Les deux auteurs ont présenté leur étude à la Société canadienne de science économique. La professeure Vierstraete dit avoir décidé d’étudier la question «pour le plaisir», inspirée par une «famille qui vit par le soccer»! Malgré l’anecdote, la question de l’efficience appelle des analyses pertinentes. La passion du football en France ressemble à celle du hockey chez nous, avec un contexte de surenchère des salaires et de déficits au sein de plusieurs équipes professionnelles. Des clubs de football français peinent à obtenir des résultats intéressants malgré les ressources considérables qu’ils investissent.
Dans cette étude, la question de l’utilisation efficiente des ressources consacrées au football a été observée pour des clubs de première et de deuxième division entre la saison 2002-2003 et la saison 2007-2008. L’efficience est définie comme la capacité pour un club donné de réaliser les résultats les plus élevés possibles pour un niveau de dépenses donné ou la capacité de réduire les dépenses au minimum possible étant donné les résultats atteints.
Les clubs riches moins efficients
L’originalité de cette nouvelle étude tient notamment au fait que l’on a analysé tant les clubs de première que de deuxième division, les premiers étant considérablement plus riches que les seconds.
Le championnat de football en France fonctionne selon le principe d’une ligue ouverte : l’ensemble des clubs qualifiés peut prétendre au championnat. Par un système de promotion (relégation), les vainqueurs de ligue inférieure peuvent accéder au circuit supérieur d’une année à l’autre. Ainsi, les meilleures équipes de seconde division aspirent à joindre la première. Un principe similaire s’applique aux meilleures équipes de première division, qui aspirent au championnat européen. En principe, les clubs qui montent peuvent espérer des revenus plus importants, mais devront assumer des dépenses considérables pour maintenir leur compétitivité.
Ce qui donne à penser que la richesse d’un club en fait sa force. Mais l’étude de l’UdeS montre le contraire. «Par exemple, en 2007-2008, le club de Paris-St-Germain a le 3e budget de la 1re division, mais ses résultats sur le terrain le placent au 16e rang. Son efficience est donc assez faible et selon notre analyse, ce club aurait pu réduire ses dépenses de près de 80 % pour atteindre un niveau de résultats comparable», illustre Valérie Vierstraete.
Or, pour démontrer l’efficience, le montant des ressources consacrées à l’achat de matériel, la rémunération des joueurs ou autre personnel entourant l’équipe doit être conséquent avec les résultats obtenus. Et selon l’étude, les clubs «pauvres» se tirent mieux d’affaire.
«On a aussi constaté que certains clubs qui participent aux compétitions européennes ont un niveau d’efficience peu élevé. Malgré le fait qu’ils ont investi beaucoup dans des joueurs talentueux pour compétitionner sur le circuit européen, ils ne parviennent pas à améliorer leurs résultats au championnat français», ajoute Élisé Miningou. Leur efficience n’a toutefois pas été comparée à celle des équipes d’autres pays.
Efficience à la baisse
Dans l’ensemble, l’étude montre que les clubs français sont généralement inefficients et que les clubs de la division 1 – plus riches – sont moins efficients que les clubs de la division 2. Comme les données ont été analysées sur une période de six saisons, les chercheurs remarquent que l’efficience semble avoir diminué dans le temps.
Par ailleurs, dans les deux ligues, l’inefficience est attribuable pour une plus grande part à des problèmes managériaux qu’à des problèmes liés à la taille des clubs. À cet égard, la professeure Vierstraete signale que les conclusions de cette étude doivent être vues dans le contexte précis des résultats analysés (outputs). Ici, on considérait les résultats selon le classement au championnat et la capacité des clubs à attirer des spectateurs, proportionnellement à la capacité d’accueil de leurs stades respectifs.
«Un responsable de club pourrait nous répondre que notre analyse ne correspond pas aux objectifs propres de son organisation», dit l’économiste. Par exemple, une formation pourrait rechercher davantage la rentabilité financière plutôt que la performance sportive.
Mais l’étude permet néanmoins d’offrir une vue d’ensemble qui montre que certains clubs – dont les dépenses sont disproportionnés face à leurs résultats – auraient sans doute avantage à revoir leur gestion ou leur mode de recrutement, surtout dans un contexte déficitaire.
Les travaux en économie du sport continuent d’intéresser les deux auteurs. La professeure Vierstraete dirigera un étudiant à la maîtrise qui compte analyser l’efficience des clubs de la ligue argentine, selon leurs performances en attaque et en défense.
Pour sa part, Élisé Miningou aimerait bien pouvoir analyser la performance des joueurs selon leurs salaires. «Mais le salaire des joueurs est difficile à obtenir, réplique Valérie Vierstraete, alors n’y comptons pas trop!», rigole-t-elle.