Santé : savoir être présent auprès des patients
De réels effets physiologiques sont observables chez les patients envers qui les professionnels de la santé ont su démontrer un engagement senti et dont le besoin de se sentir important a été répondu. Ces résultats ont été présentés par le professeur Jacques Quintin, de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, au Congrès de l’Acfas, le 8 mai.
Ce professeur d’éthique indique que ce qui fait la différence, ce n’est pas tant le choix de l’acte – tel sourire, telle parole ou tel toucher – mais bien l’acte de présence proprement dit. «C’est principalement la qualité de la présence auprès d’un patient qui est recherchée, soutient-il. Si le contact est sincère, senti et vrai, c’est là qu’on arrive à créer l’expérience de l’engagement, du lien véritable.» Cette qualité de présence n’a pas qu’un effet psychologique sur le patient. Elle influence directement la physiologie du patient.
«C’est intéressant, car on peut le prouver maintenant», affirme Jacques Quintin. Il cite d’ailleurs Zarifian, un psychiatre français, qui avance que les chirurgiens qui assistent leurs patients avant et après une opération constatent beaucoup moins de complications postopératoires que ceux qui se contentent du geste technique parfait. «Un médicament peut procurer un effet supérieur lorsqu’une relation de confiance est établie avec le personnel soignant. La manière d’être, l’accompagnement, l’attitude. Tout est là», résume-t-il.
Dans les salles de classe
Les cursus d’enseignement en soins de santé devraient non seulement tenir compte de l’importance de cet échange relationnel mais aussi trouver une façon de sensibiliser les étudiantes et étudiants. Mais il y a un mais. «Ça ne s’enseigne pas, explique le professeur. Comme c’est difficile à évaluer, on préfère parler de sensibilisation.» Au-delà des compétences, les enseignants devraient multiplier les occasions d’en parler et espérer que les modèles professionnels gravitant autour des étudiants poursuivent le travail de conscientisation.
Dans les cours d’éthique, les enseignants insistent sur l’importance du souci de l’autre, de se sentir responsable, d’avoir de bonnes intentions. «Si tous ces éléments sont en place, les chances pour que ça dérape sont minimes», souligne Jacques Quintin. Près de 95 % des plaintes des patients sont reliées à des problèmes de communication. «Présenter toutes les informations ne suffit pas, poursuit-il. Si le patient ne s’est pas senti important, s’il s’est senti bousculé, on est passé à côté de quelque chose.»
Lorsqu’une bonne relation existe avec le personnel soignant, les patients passent alors plus facilement par-dessus les irritants qu’ils peuvent subir. «Il faut miser beaucoup sur la qualité relationnelle et non pas sur des comportements précis», insiste-t-il.
Et si ça devenait forcé? Si on percevait que c’est artificiel? «Même un sourire forcé a un certain effet, poursuit le professeur Quintin. Que l’attitude soit faussée ou non, si le patient a l’impression, par exemple, qu’un médecin est engagé envers lui, on observera des effets positifs. Ce n’est pas tant l’intervention, mais le sens donné à l’intervention, comment elle est perçue par le patient, qui compte.»
Cinéma et lecture au service de l’empathie
Jacques Quintin a constaté avec étonnement que l’art est l’un des moyens privilégiés pour développer une sensibilité à l’égard de l’autre. «Les arts ont le pouvoir de modifier les perceptions et les attitudes des personnes envers le monde. Ils poussent à l’observation de soi, tout comme ils aident dans le rapport avec autrui», explique-t-il.
Ce pouvoir est intuitivement connu depuis longtemps, et les scientifiques commencent maintenant à le valider. «Même les professionnels de la santé devraient être en contact avec les arts. Cela favorise l’empathie, puis un transfert est ensuite possible vers les patients. Le cinéma d’ailleurs est très puissant pour créer ce genre de sentiments», poursuit le professeur.
Le contact virtuel
Qu’en est-il des contacts virtuels à l’ère des médias sociaux? «Ça demeure virtuel, tranche le professeur. C’est comme du fast-food, c’est très pauvre en nutriments! Les contacts humains constituent toujours ce qu’il y a de plus important dans les relations.»
Et la prochaine étape? «Je veux aller plus loin, faire une recension plus profonde des écrits, et peut-être réorienter ces principes vers d’autres champs, comme l’éducation», conclut le professeur. Pour lui, la définition d’un bon professionnel de la santé repose sur la qualité de l’accueil. Donner à l’autre l’impression qu’on a tout notre temps peut faire toute la différence.