La recherche fondamentale en biologie cellulaire amorce un virage important
Une découverte majeure : les protéines alternatives
Une équipe de recherche de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke ajoute un degré de profondeur à l’étude des protéines et de leur rôle moléculaire en affirmant que le nombre de protéines répertoriées chez l’humain a été jusqu’à présent largement sous-estimé. Les nouvelles protéines détectées, nommées protéines alternatives, pourraient jouer un rôle dans de nombreux mécanismes cellulaires, notamment pour l’ataxie spinocérébelleuse de type 1, une maladie neurodégénérative.
Un gène n’égale plus une protéine
Toute l’information essentielle au bon fonctionnement de nos cellules est contenue dans l’ADN. Ce précieux matériel génétique bien à l’abri dans le noyau de nos cellules est nécessaire à la production des protéines, grosses molécules aux formes très diverses accomplissant la majorité du fonctionnement cellulaire. Afin de générer les protéines, les gènes doivent d’abord être transcrits en ARN messagers (ARNm). Ceux-ci sont ensuite acheminés du noyau jusqu’au cytoplasme et sont décodés par les ribosomes, de véritables petites usines de synthèse des protéines. Un dogme persiste à ce jour concernant ce mécanisme : les ribosomes produisent une seule protéine pour chaque ARNm, appelée la protéine de référence, et celle-ci joue un rôle bien précis dans la cellule.
«On peut désormais affirmer que le dogme est inexact, explique le professeur Xavier Roucou. L’information transmise par les ARNm aux ribosomes peut être décodée de plusieurs manières par ces derniers, menant à la production de plusieurs protéines alternatives complètement différentes de la protéine de référence. En vérité, à partir d’un seul ARNm, on peut produire non pas une mais plusieurs protéines distinctes. Et qui dit plusieurs protéines dit plusieurs fonctions!»
Un impact majeur en recherche
Cette découverte fondamentale est déterminante dans l’étude des mécanismes de synthèse des protéines, mais aussi dans la manière dont on étudie les mécanismes moléculaires menant au développement d’une maladie. Les maladies sont généralement causées par le dérèglement d’une ou de plusieurs protéines-clés. Dans plusieurs pathologies, la protéine en cause est encore inconnue. Or, les recherches jusqu’à maintenant ne se sont concentrées que sur les protéines de référence.
La découverte du laboratoire du professeur Xavier Roucou vient changer le paradigme et propose de nouvelles options aux chercheurs. Les protéines alternatives permettront peut-être d’expliquer certaines pathologies méconnues, et à long terme, cette découverte ouvre la voie à une meilleure compréhension des maladies et de leurs causes.
Recherche spécifique et générale
Le laboratoire de Xavier Roucou publie coup sur coup deux études parallèles dans des journaux scientifiques importants. La première étude, publiée dans le Journal of Biological Chemistry, a permis d’identifier une protéine alternative spécifique liée à l’ataxie spinocérébelleuse de type 1. La deuxième étude, publiée dans PLoS One et exhibée dans plusieurs conférences orales présentées lors de congrès internationaux, explique et fait la démonstration que la synthèse de ces protéines alternatives est généralisée à l’ensemble des ARNm.
«Nos études suggèrent que les protéines alternatives pourraient être impliquées dans de nombreuses maladies, explique le professeur Roucou. Plus spécifiquement, nous avons étudié la protéine alternative Alt-Ataxin-1, et il s’est avéré qu'elle interagissait étroitement avec l’Ataxin-1, impliquée dans le développement de l’ataxie spinocérébelleuse de type 1, une maladie neurodégénérative dont la prévalence est évaluée à 5 individus sur 100 000.»
À propos de l’équipe de recherche
Xavier Roucou, Ph. D., est professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé et chercheur au Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. Les membres de son laboratoire ayant participé aux études sur les protéines alternatives sont les étudiants Benoît Vanderperre, Danny Bergeron, Cyntia Bissonnette, Catherine Lapointe et Solène Vanderperre ainsi que les professionnels de recherche Guillaume Tremblay et Julie Motard.