Découverte d'un signal contre le nématode
Un biologiste de la Faculté des sciences s'attaque au ver de la pomme de terre
Le biologiste Peter Moffett, de la Faculté des sciences, et ses collaborateurs ont trouvé un signal moléculaire qui pourrait protéger la pomme de terre d'un parasite dévastateur : le nématode doré. Ses résultats de recherche ont été récemment publiés dans la revue PLoS Pathogens.
Depuis 2006 au Québec, agriculteurs, agronomes, exportateurs et tous ceux qui gravitent autour du tubercule le plus consommé dans le monde luttent avec acharnement contre ce parasite de la pomme de terre d'un millimètre de longueur en forme de ver.
Même si cette guerre est loin d'être terminée, le professeur Moffett croit avoir remporté une première bataille. Avec son équipe, il vient d'identifier une faille dans l'attaque biologique d'une variété de nématodes.
Le nématode blanc, proche cousin du nématode doré, émet un signal moléculaire, aussi appelé un éliciteur. S'il était reconnu par la pomme de terre, ce signal pourrait alerter le système immunitaire du tubercule et ainsi protéger efficacement les plantations. «Concrètement, la découverte de cet éliciteur pourrait faciliter et accélérer la mise au point de plants de pommes de terre résistants au parasite redouté», explique le professeur Moffett.
Un ver redouté par l'industrie mondiale de la pomme de terre
Des variétés de nématodes sont depuis longtemps présentes en Europe, au Japon, en Amérique du Sud ou encore plus près, dans l'État de New York. Le Québec était épargné jusqu'à ce qu'un cultivateur de Saint-Amable sonne l'alarme en 2006. Il y avait de quoi s'inquiéter, car le nématode peut persister dans les sols durant 25 ans et affecter de manière importante les rendements des récoltes de pommes de terre ainsi que d'autres cultures hôtes, comme la tomate et l'aubergine.
Pour contenir ce ravageur à l'échelle internationale, les mesures de protection peuvent être assez draconiennes : embargo, changement de culture, pesticides, recherche de cultivars résistants, certification phytosanitaire. Ces mesures engendrent rapidement des coûts très élevés à la plus importante culture légumière du Canada, dont l'excédent commercial atteignait 846 M$ en 2007.
Des solutions existent, mais elles ne sont pas idéales. La pulvérisation des sols d'un puissant pesticide, le bromure de méthyle, est dommageable pour l'environnement. Le développement, par croisement conventionnel, des cultivars résistants et adaptés au climat, à l'industrie et aux habitudes des consommateurs prend facilement 10 ans, alors que les nématodes peuvent changer d'ici là.
Une méthode efficace pour lutter contre le ver de la pomme de terre
«Maintenant que l'on connaît ce signal moléculaire, on pourrait trouver les variétés de pommes de terre qui possèdent les gènes pour le reconnaître efficacement et ainsi signaler la présence du nématode au système immunitaire», dit Peter Moffett.
D'après le biologiste, la mise au point de cultivars résistants pourrait être grandement accélérée par rapport aux méthodes classiques, qui restent assez empiriques. Ces dernières nécessitent du temps, beaucoup de moyens et une main-d'œuvre importante, car il faut manipuler les nématodes, infecter les cultures de pommes de terre et attendre plusieurs mois l'évaluation de la résistance par des critères essentiellement visuels. «Plutôt que de manipuler les nématodes, il suffirait d'asperger les plants d'une solution contenant l'éliciteur pour obtenir avec certitude une réponse en une semaine», avance le chercheur.
Des patates résistantes sur mesure
Grâce à des collaborations aux États-Unis, en France et aux Pays-Bas, les chercheurs sont parvenus à comprendre comment des variantes de nématodes sont capables d'éviter la reconnaissance par certains plants de pommes de terre.
«Maintenant que nous connaissons les protéines reconnues par les pommes de terre, nous pourrions identifier des sources de résistance contre ce pathogène, explique le professeur Moffett. Il faudrait par exemple tester les immenses banques de matériel génétique de pommes de terre qu'on trouve dans le monde. En utilisant ces sources de résistance naturelle, nous pourrions éviter l'utilisation de pesticide, les pertes de production et les pertes d'accès aux marchés d'exportation», ajoute-t-il.
Plus largement, cette découverte ouvre la porte à la mise au point de gènes de résistance sur mesure. «Maintenant que nous avons appris comment les récepteurs reconnaissent les éliciteurs, on peut imaginer créer un jour des gènes de résistance contre chacun des pathogènes», avance le chercheur.