Sommets Vol. XVI No 2 - Printemps 2003

Mario Sévigny et les cours d'éduc

par Catherine Labrecque

Mario Sévigny incarne la nouvelle vague d'éducateurs physiques. Ses cours ne visent pas à former des athlètes. Le ballon de volley-ball est troqué contre le ballon de plage, le sifflet accroché à son cou ne sert que de trousseau de clés. Que le ballon entre dans le panier, la rondelle dans le filet, cela importe peu. Par contre, que les élèves affichent un sourire, qu'ils redemandent de bouger, et qu'on leur permette de le faire le plus longtemps possible, voilà ce qu'il prêche. Chaque minute compte.


Mario Sévigny
Président de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec
Activité physique 1982

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Joggant avec ses élèves autour de l'école La Poudrière à Drummondville, Mario Sévigny lance entre deux enjambées : "J'ai comme objectif de les amener à faire 10 km de course à pied. Je leur dis qu'à 60 ans ils doivent pouvoir bouger pendant une heure. C'est certain qu'ils peuvent en faire autant à 16-17 ans!" Avec le courant d'air Sévigny se déplace une nouvelle philosophie entourant les cours d'éducation physique dans les écoles.

Davantage que son parcours professionnel, la personnalité de Mario Sévigny semble l'avoir promu comme président de la Fédération des éducateurs et éducatrices physiques enseignants du Québec. Bien sûr, il connaît le terrain pour avoir été professeur au primaire et au secondaire, entraîneur, arbitre, chorégraphe, fondateur d'un tournoi, d'une ligue et d'une association de professionnels de l'éducation physique. Évidemment, il a des idées de changement, nées du constat alarmant du taux de sédentarité des jeunes auprès desquels la télévision et les jeux vidéo ont de plus en plus la cote. Mais il y a plus. Une énergie, une aura de dynamisme, d'aisance et de conviction se dégage du personnage au fur et à mesure qu'il gesticule, s'anime, hausse la voix pour revendiquer une approche dans laquelle le sport rime avec plaisir, non pas avec compétition et encore moins avec violence.

Remontons à la source, alors que Mario Sévigny se voyait déjà éducateur dans une cour d'école. "S'occuper d'êtres humains pour les mettre en forme, leur permettre de s'amuser, m'amuser moi-même, ça semblait être une carrière de rêve!" évoque-t-il en se rappelant pourquoi il a choisi ce domaine d'études assez nouveau dans les années 1970. Au début des années 1980, à la fin de son baccalauréat en sciences de l'éducation à l'Université de Sherbrooke, on lui a rappelé le faible taux de placement comme éducateur physique dans les écoles. On estimait à seulement deux, peut-être trois, le nombre de personnes qui décrocheraient un emploi à temps plein dans sa cohorte. Confiant, il avait alors demandé à son voisin : "L'autre, est-ce que c'est toi? "

De 75 à 150 minutes

Si l'optimisme et la persévérance frappent chez ce sportif, il avoue devoir en posséder une bonne dose pour revendiquer. Alors qu'il parle de son rôle auprès des jeunes, des notions de santé et de sécurité qu'il leur inculque, Mario Sévigny montre très tôt ses couleurs. "Les éducateurs physiques pourraient faire mieux s'ils avaient plus de temps." Cette phrase, il l'extrapole, la dit, la répète, la reformule, l'écrit, la prêche. Le discours est habile, les arguments bien pesés, le personnage dynamique et convaincant. La barre est toutefois haute : passer d'environ 75 minutes à 150 minutes de cours d'éducation physique et à la santé pour tous les élèves du primaire, du secondaire et du collégial au Québec. Mario Sévigny devra se battre pour chaque minute. C'est d'ailleurs sa spécialité. Si une discipline sportive naissait dans ce domaine, il monterait sûrement sur un podium. "Il faut être un bon communicateur, avoir de la facilité à entrer en relation avec les gens", affirme-t-il quand on lui demande quels traits de personnalité nécessite son travail de revendicateur.

Selon Mario Sévigny, les minutes supplémentaires de cours d'éducation physique se transforment en avantages pour les jeunes et la société. "D'une manière générale, cette augmentation permettrait aux élèves d'acquérir de saines habitudes de vie dès leur entrée à l'école. L'aspect préventif compte beaucoup. Les enfants qui apprennent à être actifs représentent des malades de moins à l'âge adulte. Du même coup, c'est une façon de prévenir l'obésité et le décrochage scolaire chez les jeunes. S'ils bougent, ils développent une meilleure concentration et une plus grande confiance en soi." Pourquoi choisir l'école comme lieu de promotion de la santé? "Parce que l'école exerce une grande influence dans la vie des enfants. Ils y acquièrent des connaissances et peuvent y développer des habitudes de vie saines. L'école prône une meilleure qualité de vie, c'est le lieu le plus démocratique pour l'apprentissage du sport. Une fois la pratique de l'activité physique acquise chez les jeunes, ils ont des chances de vouloir répéter l'activité à long terme et d'influencer ensuite leur entourage."

Au-delà du temps accordé à l'activité physique dans les écoles, la condition physique d'une population nous ramène à un aspect plus fondamental : "Avec mes interventions, je veux amener sur la place publique un débat de fond sur le genre d'êtres humains que nous voulons au Québec." Mario Sévigny rêve d'une société qui bénéficierait d'une qualité de vie supérieure, qui profiterait de déductions d'impôts sur la pratique saine d'activités physiques et qui abolirait le principe d'utilisateur payeur pour le sport. Ces mesures placeraient le Québec sur la scène internationale en lui donnant un statut avant-gardiste en matière de santé préventive. Mario Sévigny compte bien persévérer pour que ses idées rejoignent les priorités des dirigeants. "On veut des salles de musculation dans les écoles quand d'autres voudraient des ascenseurs."

Alimentation, sécurité et chaussures

Cette nouvelle façon de penser l'éducation physique contribue à redorer la profession qui n'a toujours pas d'ordre professionnel. "L'image des pousseux de ballons avec un sifflet dans la bouche a terni la profession d'éducateur physique enseignant. Il a fallu deux ou trois ans pour que le changement d'approche s'effectue. La nouvelle approche dépasse l'activité physique proprement dite, avec le volet théorique sur l'alimentation et les chaussures. Nous voulons ainsi donner une vision autre que celle d'encourager les élèves à se défoncer dans un contexte de compétition."

Entouré de jeunes avides de cours d'éduc, Mario Sévigny exerce la profession qu'il juge idéale pour se rapprocher de l'être humain. À travers des activités physiques jumelées à un contexte de jungle, de cirque ou de jeux de rôles, Mario Sévigny amène les élèves à dépasser leurs capacités, à sortir leurs forces qui passent inaperçues derrière un bureau. Prochaines activités : course dans le bois, pour conjuguer exercice, sensibilisation à l'environnement et yoga, tout en se procurant un petit moment de détente.

 

 

Les minutes de l'éducation physique au Canada

D'une manière générale, le temps consacré à l'éducation physique dans les écoles du Canada diminue. Même si les ministères provinciaux émettent des recommandations sur le temps minimal à allouer à cette activité, les écoles ont le dernier mot selon leurs ressources et leurs priorités.

Au Québec, le ministère recommande 120 minutes par semaine pour les élèves du primaire et 100 minutes pour ceux du secondaire. En moyenne, 60 minutes par semaine sont accordées au primaire et 75 minutes au secondaire. Au cégep, trois sessions sur quatre comportent un cours d'éducation physique.

En Alberta, les écoles offrent environ 150 minutes par semaine d'éducation physique. En Saskatchewan, la moyenne est de 30 minutes d'éducation physique par jour.

À Terre-Neuve, 120 minutes d'éducation physique sont recommandées par semaine ou par cycle de six jours. Entre 60 et 80 minutes y sont consacrées.

Au Nouveau-Brunswick, 100 minutes par semaine sont recommandées; on y accorde environ 60 minutes.

 

VOX POP

Pourquoi devrait-on encourager le sport?

On devrait d'abord encourager le sport sécuritaire et sanitaire dans une perspective positive de développement. C'est un outil de socialisation qui permet d'inculquer des valeurs humaines et favorise le dépassement de soi.

M. Sévigny

 

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