L’expérience positive de la gestion de cas
Comment des infirmières tendent la main au patient et à sa famille
Madame Thibault est âgée de 45 ans, elle souffre de diabète et d’asthme. Depuis l’an dernier, elle a vécu un épisode dépressif à la suite de la perte de son mari. Elle est également aux prises avec des crises d’anxiété. Son état de santé s’est récemment dégradé. Au cours de la dernière année, madame Thibault s’est présentée dix fois à l’urgence de son hôpital.
Il y a quelques semaines, Pauline, infirmière gestionnaire de cas complexes du groupe de médecine de famille (GMF) de madame Thibault, a pris contact avec elle pour établir ses besoins en matière de soins. Pauline a organisé une rencontre entre l’infirmière et la travailleuse sociale du CLSC, l’infirmière de la clinique d’enseignement de l’asthme de l’hôpital et la psychologue de madame Thibault. Madame Thibault et sa fille ont participé à cette rencontre. Le médecin de famille et le pharmacien de madame Thibault ont également été consultés. Ensemble, et en respectant la volonté de madame Thibault, ils ont développé un plan d’action pour mieux cibler les actions à entreprendre. De cette façon, madame Thibault peut recevoir les soins dont elle a besoin tout en évitant de surcharger le système. Madame Thibault a appris à gérer ses glycémies et à s’administrer son insuline elle-même et elle contrôle mieux ses périodes de dépression et d’anxiété par la prise de médicaments adéquats et des suivis réguliers. La fille de madame Thibault trouve que sa mère semble se sentir beaucoup plus en sécurité.
Le rôle des gestionnaires de cas n’est pas nouveau. Il a été démontré que leur travail dans les établissements de santé peut diminuer le recours aux urgences et à l’hôpital. Au Québec, depuis quelques années, certains milieux de soins ont recours à ce type d’approche pour le suivi des clientèles en gériatrie, en santé mentale et plus récemment, pour les grands utilisateurs de service de santé souffrant de maladies chroniques.
La gestion de cas est une méthode de dispensation des services selon laquelle un intervenant, ici l’infirmière du GMF, évalue les besoins du patient et ceux de ses proches. Dès lors, elle planifie, coordonne, négocie et représente les droits de son patient pour l’obtention des services diversifiés pouvant répondre à ses besoins complexes. L’infirmière gestionnaire de cas est le premier contact privilégié en soins de première ligne et elle agit comme intermédiaire entre le patient et le système de santé.
Deux chercheuses de l’Université de Sherbrooke (UdeS) et de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) ont mis sur pied une intervention de gestion de cas en première ligne, dans des GMF du Saguenay-Lac-Saint-Jean, destinée aux grands utilisateurs de services de santé atteints de maladies chroniques. Les résultats de leur recherche, publiés le 9 novembre dernier dans la revue Annals of Family Medicine, démontrent que les patients et leur famille ont noté une amélioration de l’accessibilité aux soins et de leur coordination, une meilleure communication, une plus grande implication dans les décisions relatives à leur santé et une meilleure transition de leurs soins à la suite de l’intervention. Pour y arriver, la Dre Catherine Hudon M.D., médecin de famille à l’installation CHUS du CIUSSSS de l’Estrie-CHUS, professeure-chercheuse à la FMSS et au CRCHUS et la Pre Maud-Christine Chouinard inf., professeure au Département des sciences de la santé de l’UQAC et chercheure au CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ont conduit des entrevues individuelles auprès de patients et des groupes de discussion avec les membres de leur famille.
Plus précisément, les Pres Hudon et Chouinard se sont intéressées à l’expérience des patients et de leur famille quant à l’intégration des soins. Elles ont noté que l’expérience des patients et de leur famille face à la gestion de cas était en général très positive. L’infirmière gestionnaire de cas pouvait les informer, les éduquer, les supporter et les aider à naviguer dans le système de santé tout en défendant leurs intérêts.
« Comme clinicienne, je rencontrais ces patients sur une base régulière. J’avais saisi que le système n’était pas optimal pour eux, souligne Pre Hudon. Alors, j’ai eu besoin de m’y attarder, de comprendre : « Comment pouvait-on offrir plus? Comment pouvait-on faire mieux? »
Dans certains services d’urgence et de certains hôpitaux, 4 % des patients utilisent jusqu’à 40 % des ressources.
L’implication du patient : le réel défi de la prise en charge
Les participants ont également proposé différentes façons d’améliorer les interventions de gestion de cas, comme de s’assurer que les patients aient bien compris ce qu’est la gestion de cas, d’offrir l’opportunité aux patients et à leur famille de poser des questions durant le processus, de trouver une façon de réduire le nombre de visites et les coûts de transport qui y sont associés et de proposer des visites à domicile pour les patients qui ont des incapacités fonctionnelles importantes.
Selon les chercheuses de l’étude, ces résultats démontrent que la gestion de cas par une infirmière en soins de première ligne peut effectivement répondre aux besoins complexes d’une clientèle très vulnérable et semble pouvoir améliorer la coordination et l’intégration des services de santé. « La clé réside dans la concertation de tous les intervenants, y compris le patient » souligne Pre Chouinard. L’infirmière gestionnaire de cas en GMF évolue dans un contexte de proximité en lien étroit avec les ressources professionnelles et communautaires du réseau local de services.