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Dossier sur l’anxiété de performance au travail

Anxiété de performance au travail : Marie-Pierre et Claude nous racontent

À travers différents articles rédigés par Lauriane Maheu, candidate au doctorat en psychologie du travail et des organisations (Ph.D.-RI), le Centre universitaire de formation continue (CUFC) vous propose de découvrir ce qu’est l’anxiété de performance au travail. Motivée par le souci du bien-être de la personne dans son milieu de travail, Lauriane a entamé dans le cadre de son doctorat un projet de recherche sur l’anxiété de performance au travail, un sujet peu étudié, mais bien présent dans nos organisations.

Le premier article dressait le portrait d’une équipe de recherche et de son étude visant le développement d’un questionnaire évaluant l’anxiété de performance au travailLe deuxième portait sur la distinction entre le stress, l’anxiété et l’anxiété de performance. Il saura vous aider à démystifier ces concepts parfois mélangeants. Le troisième décrit l’anxiété de performance au travail afin de vous aider à reconnaitre les signes chez vous, chez votre collègue ou chez votre employé. Pour terminer, ce quatrième article présente des témoignages de personnes touchées de près ou de loin par l’anxiété de performance au travail. En bonus, vous pouvez également télécharger le livret illustré qui résume les 4 articles.

​Pour ce quatrième article, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec deux personnes touchées par l’anxiété de performance au travail. Par leurs témoignages, Marie-Pierre* et Claude* illustrent avec authenticité et transparence les différentes facettes de l’anxiété de performance au travail. Je tiens à leur exprimer ma sincère gratitude pour m’avoir généreusement offert leur temps et avoir accepté de partager leur expérience. Leur partage fut extrêmement riche. J’espère qu’à la lecture de ces paragraphes, vous comprendrez davantage l’anxiété de performance, mais aussi que vous vous sentirez moins seul face à ce phénomène que bien des gens vivent.

Introduction de Marie-Pierre et Claude
Marie-Pierre est à la tête d’une équipe de soutien à l’enseignement et, plus spécifiquement, en ce qui a trait au numérique éducatif. Pour elle, l’anxiété de performance est un phénomène nouveau : elle n’avait jamais vraiment ressenti une pression de performer avant d’intégrer son poste actuel.

Claude a touché à plusieurs domaines d’emploi depuis qu’il est adolescent. Aujourd’hui, il est en transition d’emploi après avoir été remercié. Fort d’introspection, il a toujours cherché à se comprendre et à se développer puisqu’il a « géré ça toute sa vie » le stress et l’anxiété.

Quand les attentes personnelles sont irréalistes

Le désir de rencontrer des standards personnels semble être une cause de l’anxiété de performance au travail. Claude l’a bien réalisé, et ce, depuis qu’il est jeune : « J’ai toujours voulu être le meilleur. Ça m’a causé du stress de performance à l’école. » Il avait mis ses attentes et ses rêves élevés , mais avec le recul, il réalise qu’elles « étaient irréalistes ». Parfois, la cause est aussi liée à l'exigence que l'on s'impose d'atteindre les attentes d'autrui, comme Claude qui « ne veut pas passer pour un faible », il veut « bien paraitre » et « plaire ».

Pas qu’une question de personne

Marie-Pierre a commencé notre rencontre en mentionnant qu’elle n’avait jamais vécu de l’anxiété de performance auparavant : « Je n’ai jamais eu d’anxiété de performance avant cet emploi. C’est vraiment mon milieu de travail qui vient me mettre une pression. » Pour elle, il était essentiel de présenter qu’il n’y a pas que des facteurs personnels qui peuvent engendrer de l’anxiété de performance. Les facteurs environnementaux sont tout aussi importants. La mesure de performance quantitative, les collègues ou les clients critiques et difficiles, les pratiques de gestion du supérieur, les performances devant autrui et la culture organisationnelle sont des facteurs qui semblent causer de l’anxiété de performance au travail.

Claude aborde dans le même sens. Dans son emploi de vendeur où il faisait du porte-à-porte, il était fréquemment confronté à des réactions désagréables : « Ce n’était pas facile. C’était très stressant dû à la réaction des clients. » De plus, il devait atteindre des critères de performance, ce qui le forçait à faire « de la vente à pression », une pratique qu'il n’appréciait pas particulièrement.

Coûts de l’anxiété de performance

Comme mentionné dans le 3e article de ce dossier spécial, l’anxiété de performance n’est pas sans conséquence. Il y a des coûts pour les organisations. Une culture engendrant une grande anxiété de performance peut mener d’excellents employés vers la porte de sortie. Marie-Pierre fait partie des talents que son employeur perdra en raison des pratiques de gestion de son supérieur : « Le manque d’écoute et de priorisation coûtent cher parce qu’on perd de bonnes personnes.  Si je prends ma situation, moi, je suis en démarche en ce moment pour changer d’emploi. »

Outre le départ d’employés performants, il y a aussi l’absentéisme et le présentéisme qui peuvent apparaitre lorsqu’une trop grande pression de performance se fait ressentir. Marie-Pierre mentionne avoir vu « plus de journées d’absence de maladie » (absentéisme) en lien avec une plus grande anxiété de performance chez ses employés. Cette augmentation serait liée selon elle à une nouvelle exigence de son supérieur : son équipe doit maintenant « générer des revenus pour combler les déficits financiers ». De son côté, Claude rapporte des comportements qui réfèrent à du présentéisme. Par exemple, dans la dernière année d’un emploi, il dit avoir ressenti « un stress incroyable ». Pour l’aider à se concentrer, il allait diner chez lui et prenait un verre d’alcool. Il revenait l’après-midi et vers 15 h, pendant que les autres travaillaient, il allait stationner sa voiture dans un stationnement sous-terrain où c’était tranquille. Il pouvait dormir une demi-heure ou une heure.  Un autre exemple, cette fois dans son emploi en vente commerciale, il dormait dans la voiture, il pouvait dormir 1 heure ou 2 avant de reprendre son travail. Il lui est même arrivé qu'il passe un après-midi complet assis dans sa voiture à jouer à un jeu parce qu’il « n’était pas capable de sortir et de commencer à faire ses portes ». Il avait vraiment un « malaise ».

Au plan plus personnel, Claude rapporte que depuis qu’il est adolescent, il utilise l’alcool pour gérer son stress et son anxiété. L’alcool, « ça le calme, ça le relaxe. Ça fait son affaire », sauf qu’avec le temps c’est « le foie qui commence à en arracher ». Il y a donc également des répercussions physiques, auxquelles s’ajoutent des difficultés de sommeil.

Outiller les gestionnaires aux nouvelles réalités et attentes

La santé mentale est de moins en moins tabou et la santé psychologique au travail est devenue centrale dans nos organisations. À titre de gestionnaire, Marie-Pierre sent qu'on attend d'elle qu'elle soit transparente, qu’elle communique bien, qu’elle soit à l’écoute, compréhensive et sans jugement. Elle croit en l’importance d’avoir ce style de gestion, mais elle ne se sent pas toujours outillée pour conjuguer avec ces nouvelles réalités et attentes.
Une situation a été particulièrement marquante pour elle. Elle a été confrontée au suicide du conjoint d’un membre de son équipe. Ce dernier souhaitait en discuter, mais sachant les vécus des autres membres, Marie-Pierre ne pouvait pas simplement annoncer la nouvelle. Toute une démarche a été instaurée pour s’assurer que personne ne retourne à la maison en détresse. Marie-Pierre sentait qu’elle se devait de tout mettre en place afin d’assurer le bien-être de son équipe. « Parce qu’après ça, quand je retourne chez moi, il faut que je sois capable de me regarder dans le miroir. Que si jamais il arrive quelque chose, que je sois capable de vivre avec. » Elle devait être forte, parce qu’un gestionnaire, « c’est quand même sensé être fort ». Ainsi, en plus de vivre elle-même des émotions en lien avec l'événement, elle vivait des craintes quant aux répercussions possibles de sa gestion de la situation. L’histoire semble bien se terminer, mais Marie-Pierre s’est sentie démunie dans ces circonstances et face à son anxiété générée par son désir de vouloir gérer la situation parfaitement.

Les conseils de Marie-Pierre et Claude
Marie-Pierre : « on n’est pas notre anxiété de performance! Il y a des choses sur lesquelles on a un certain pouvoir. Il y a des choses et des leviers dont on peut disposer. Ça, je crois que c’est important d’en prendre conscience, et d’accepter qu’à un moment donné on ne puisse pas tout contrôler. Il y a des choses qui peuvent nous appartenir, mais c’est aussi possible que l’environnement, dans lequel nous sommes, contribue à notre anxiété. À un moment donné, il faut faire un examen de conscience et de dire : “ OK, qu’est-ce qui m’appartient, qu’est-ce qui ne m’appartient pas ? ” et prendre les décisions pour soi par la suite. »
Claude : « Vie le moment présent. Réalise que le temps passe plus vite qu’on pense. Utilise ton temps en fonction de tes rêves, mais sois réaliste dans tes rêves. Une journée à fois. »

En conclusion

C’est tout à fait normal de vivre de l’anxiété de performance, d’autant plus dans des cas comme ceux présentés ci-dessus. Toutefois, il semble essentiel d'offrir plus de soutien et de formations aux gestionnaires afin qu’ils se sentent compétents et accompagnés dans la mise en pratique de styles de gestion adaptés aux différentes situations qu’ils rencontrent;  qu’ils bénéficient d’une trousse à outils leur permettant de prendre soin d’eux lorsqu’ils accompagnent un employé en difficulté et pour apprendre à vivre avec leur propre anxiété de performance.

De plus amples recherches sont également nécessaires afin de mieux cerner ce phénomène, ses causes, ses conséquences, ses manifestations, sa prévalence et les meilleures stratégies d’adaptation. Si cela vous intéresse, vous pouvez participer au projet de recherche ci-dessous.

Sur une note plus personnelle, je tiens à remercier le CUFC de m’avoir offert l’opportunité de rédiger ce dossier spécial sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Ce fut tout un défi professionnel de vulgariser le tout dans quatre articles. Je tiens également à remercier encore une fois Marie-Pierre et Claude pour leur partage ainsi que vous, cher lecteur. Si je peux vous avoir outillé que d’une seule petite façon (par exemple par la normalisation, la sensibilisation, la capacité à reconnaitre les signes, etc.), mon objectif aura été atteint. Au plaisir de vous réécrire!

Contribuez à la recherche
Vous souhaiteriez participer à ce projet ? L’équipe est toujours à la recherche de participants pour répondre à deux questionnaires : un premier questionnaire d’environ 45 minutes, et, deux semaines plus tard, un questionnaire d’environ 30 minutes.
Pour participer, vous devez :
- Être âgé de 18 ans et plus;
- Occuper un emploi à temps plein ou temps partiel;
- Être en poste depuis 3 mois.
Vous n’avez qu’à cliquer sur le lien suivant ou à le copier/coller dans votre barre de recherche : https://questionnaire.simplesondage.com/f/s.aspx?s=c213b104-3a2b-4fc7-98a5-aad5a5eae71b.

En participant, vous courrez la chance de gagner l’une des quatre cartes-cadeaux Visa. Votre participation est grandement appréciée et n’hésitez pas à partager le questionnaire à votre entourage afin que notre équipe atteigne les 500 participants.

Notez que ce projet a été approuvé par le comité d’éthique à la recherche – Lettres et Sciences humaines (2022-3583). Pour n’importe quelle question concernant l’étude, n’hésitez pas à contacter la coordonnatrice de l’équipe de recherche, Lauriane Maheu, lauriane.maheu@usherbrooke.ca.

*Les prénoms ont été modifiés par souci de confidentialité.