L’UdeS 10e en recherche au Canada
Mutualisation : le modèle d’une rare efficacité derrière sa fulgurante ascension
Mais quel est donc le secret de l’Université de Sherbrooke, qui s’est classée 10e dans le palmarès des universités canadiennes les plus prolifiques en matière de recherche en 2023? Une seule visite de certains laboratoires suffit pour comprendre comment cet établissement est parvenu à décupler ses capacités de recherche en misant sur la mise en commun des infrastructures et des expertises.
La force du groupe prend une signification particulière à l’Université de Sherbrooke. Dans les centres et les instituts de recherche en passant par les plateformes de recherche, un dénominateur commun unit leur fonctionnement : tous les domaines confondus, les travaux en vase clos tendent à disparaître pour laisser place à la mise en commun des équipements, des espaces de travail et des savoir-faire.
Un peu à la manière d’un carrefour giratoire, cette structure permet une meilleure fluidité des projets et un flux continu dans le partage de connaissances. Cette approche contribue à générer du savoir à la vitesse grand V et à maximiser les retombées des fonds publics et des investissements provenant d’entreprises privées.
La formule n’est pas unique à l’UdeS, mais l’établissement en est assurément le fer de lance. S’il est difficile de placer la première initiative sur une ligne du temps, l’aménagement il y a 11 ans d’un pavillon consacré à la recherche sur le cancer donne un bon aperçu de l’efficacité de la formule, tout comme la création de l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT).
Éclater les installations, multiplier les résultats
Dans les faits, la mutualisation a été intégrée à l’UdeS pour l’une des premières fois en 2012, au 3IT. Un an plus tard, la formule était testée à nouveau au Pavillon de recherche appliquée sur le cancer, aujourd’hui connu sous le nom de l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS).
À l’aménagement traditionnel découpé en plusieurs laboratoires isolés s’est substitué un espace de travail commun ouvert à des dizaines d’équipes de recherche. Les avantages de cette organisation se sont vite matérialisés : en rassemblant tout l’équipement en un seul endroit, il devenait alors possible de réaliser plusieurs tests simultanément, de sorte que l’équivalent de deux mois de travail pouvait désormais se conclure en… une journée. Sans compter que les résultats de certaines manipulations pouvaient dorénavant servir à plus d’un projet, le décloisonnement des espaces engendrant naturellement le regroupement des savoirs.
Un modèle sur lequel on bâtit savoirs et carrières
Depuis, le modèle s’est perfectionné et teinte toutes les façons de faire à l’UdeS, même la construction des nouveaux bâtiments.
Le pavillon de l’Institut quantique (IQ) de l’UdeS, inauguré en 2022, a été entièrement conçu selon cette philosophie. Oubliez les longs corridors étroits bordés de portes closes; le bâtiment est composé de lieux ouverts favorisant les interactions, les échanges et la collaboration. Son cœur abrite une aire consacrée aux conférences, séminaires et autres formations, et deux grands laboratoires collectifs accueillent les équipes de recherche. L’un d’eux, le FabLab quantique, contient une dizaine de stations donnant accès à de l’équipement hautement spécialisé autant aux chercheurs et chercheuses de l’UdeS qu’aux partenaires d’autres organisations publiques et privées. L’infrastructure, considérée comme l’une des mieux équipées en sciences quantiques au Canada, voire en Amérique du Nord, est même offerte en location à des équipes externes.
Cette vision audacieuse porte déjà ses fruits : universités et entreprises se tournent vers les équipements et l’expertise de l’Institut quantique pour mener d’ambitieux projets interdisciplinaires, lesquels suscitent parfois de nouvelles collaborations, et même l’embauche d’étudiantes et d’étudiants de l’UdeS.
Ainsi, pour la relève, la mutualisation donne non seulement accès à de nombreux équipements de pointe en début de parcours, mais elle agit aussi comme tremplin pour les jeunes carrières en recherche.
Normalement, les chercheuses et chercheurs parviennent à s’équiper de la sorte au bout d’environ dix ans de carrière. Grâce à la mutualisation des infrastructures, ici, ils ont accès à tout ça dès leur arrivée.
Professeur Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures
En plus de contribuer à une recherche féconde et à la propulsion de carrières en recherche, cet écosystème est également rentable à bien des égards.
Une valeur ajoutée qui se chiffre aussi en dollars
Comme il ne nous viendrait pas à l’idée d’acheter une bétonnière à 400 000 $ pour servir uniquement à refaire le terrassement de notre maison, la plupart des équipements à l’UdeS sont destinés dès l’achat à desservir un grand nombre d’équipes de recherche et à contribuer à l’avancement de plusieurs projets distincts. Sachant que leur investissement servira à des dizaines de chercheuses et chercheurs plutôt qu’à quelques-uns, les organisations qui financent les projets ont l’assurance que leur argent sera bien utilisé.
Cette logique est appliquée par exemple au 3IT. Au lieu d’y retrouver divers petits laboratoires individuels contenant plusieurs exemplaires du même appareil, on y trouve cinq plateformes de recherche divisées en domaines d’expertise : énergie solaire et démonstration extérieure, mécanique, microtechnologies, nanotechnologies, et robotique. Ces plateformes sont dirigées par du personnel hautement qualifié.
Les atouts de cette structure sont nombreux. Entre autres, les économies générées par l’achat d’un seul exemplaire de chaque appareil et par la location des équipements aux équipes de recherche permettent l’embauche à temps plein de personnel spécialisé capable de manoeuvrer, d’entretenir et de réparer les plateformes.
L’investissement de départ est ainsi optimisé. Les économies réalisées permettent de financer l’achat d’équipement très perfectionné, ce qui confère toujours aux chercheuses et chercheurs de l’UdeS une longueur d’avance dans leur domaine.
Par ailleurs, en plus d’être un argument de taille dans les demandes de subventions, la mutualisation renforce le maillage de disciplines et enrichit la formation étudiante.
Un concentré d’expertises
Cette mise en commun des équipements de recherche et des savoir-faire se rencontre un peu partout à l’UdeS, des serres CORSEVE à l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS), sans oublier le réseau des plateformes de recherche.
Ce réseau contenant 23 plateformes de recherche stimule un partage de ressources à l’échelle institutionnelle, une façon de faire qui serait « très rare », selon le vice-recteur à la recherche et aux études supérieures de l’UdeS.
Son fonctionnement est simple. Divisé en trois grands domaines, soit Sciences numériques, Sciences et génie et Sciences de la santé, ce réseau met à la disposition de la communauté de recherche et des entreprises québécoises des installations auxquelles est rattachée une offre de services spécialisée, comme du moissonnage de données ou des analyses, ainsi qu’un accès à des instruments, à de la technologie et à de l’expertise de pointe.
Nul besoin de maîtriser la technologie convoitée ni même de comprendre la science derrière le champ d’expertise visé : le projet peut être complètement pris en charge par l’équipe qui gère la plateforme.
Les humanités numériques, situées à la Faculté des lettres et sciences humaines, en sont un bon exemple. Opérée par une équipe de trois spécialistes en informatique, cette plateforme offre des services professionnels de constitution de corpus de bases de données et de développement d’outils numériques, comme des cartes interactives. Pour les équipes de recherche qui devraient normalement embaucher du personnel à même leur équipe pour le traitement numérique de leur corpus, cette plateforme comble un besoin d’expertise qui facilite les travaux et assure une certaine stabilité dans l’avancement du projet. Parfois, certains outils créés pour des projets antérieurs sont simplement adaptés à celui en cours, ce qui accélère les travaux.
La pertinence du réseau des plateformes de recherche de l’UdeS ne fait aucun doute. En 2023, il s’est vu octroyer plus de 2,3 M$ dans le cadre de la Stratégie québécoise de recherche et d'investissement en innovation, soit un peu plus du tiers de la somme attribuée par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), pour quatre projets appelés à bonifier l’offre de services dans des domaines d’avenir.
« Il y a aussi tout l'aspect de la formation lié aux plateformes de recherche, ajoute le professeur Perreault. Imaginez la richesse de l’apprentissage pour une étudiante ou un étudiant qui fait appel à ces plateformes lors de sa formation. C’est un accès privilégié à une expertise très pointue. »
En innovant dans l’organisation de sa recherche, l’Université de Sherbrooke a rassemblé ses forces tant sur le plan des expertises qu’en matière d’infrastructures. Elle s’est ainsi donné les moyens de toujours faire plus pour le bien de la société en élevant sa recherche… à la puissance dix.
UdeS 10e en recherche au Canada
Le mariage judicieux du partenariat, de la mutualisation et de l’interdisciplinarité constitue une force unique à l’UdeS. Découvrez comment cette manière innovante de construire du savoir l’a propulsée au top 10 des universités les plus prolifiques en recherche au Canada.