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Regard sur l'actualité

Qui gagnera la Maison-Blanche?

Photo : Pixabay

À l’approche du 8 novembre 2016, la campagne présidentielle américaine tire à sa fin. Les candidats Hillary Clinton et Donald Trump, qui se suivent de près dans les sondages, ont une dernière chance de conquérir les États qui ne sont pas encore gagnés pour leur parti respectif. La professeure Karine Prémont de l’École de politique appliquée a analysé cette campagne fort médiatisée, lors d’une conférence tenue le 27 octobre dernier.


Un enjeu méconnu

Après un retour sur les bons et mauvais coups du président sortant, Barack Obama, la professeure Prémont a nommé ce qui était, selon elle, l’enjeu principal de la campagne actuelle. « Le plus important est le siège vacant à la Cour Suprême ». Avec deux exemples aux antipodes, soit la pénalisation de l’avortement ou la légalisation de la marijuana, la professeure Prémont nous a fait comprendre avec un brin d’humour que le type de pouvoir au Congrès, soit majoritairement républicain ou démocrate, influencera grandement l’adoption de certains projets de loi.

« Rappelons qu’en mars dernier, le Sénat a refusé l’audition de Merrick Garland comme successeur au feu juge conservateur Antonin Scalia et a bloqué le processus de nomination. Avec un Sénat majoritairement républicain, le président Obama a eu de la difficulté à faire avancer plusieurs projets de loi qui lui étaient sans cesse éconduits par les membres du Congrès. » Advenant la possibilité que Clinton soit présidente, mais que le Congrès soit majoritairement républicain, Karine Prémont se veut rassurante. « L’ancienne Première Dame est beaucoup plus appréciée des républicains qu’Obama, et apte à faire des compromis que celui-ci. Elle a donc déjà de meilleures relations au Congrès que le président actuel. » Selon la politologue, si la victoire est obtenue par Hillary Clinton, il est probable que celle-ci nomme Barack Obama comme juge à la Cour suprême, ce qui pourrait avoir un effet considérable au sein du jury.

D’autres facteurs à ne pas négliger

« On décèle aujourd’hui une hostilité envers l’expertise, ce qui vient miner la démocratie », selon la professeure Karine Prémont.
« On décèle aujourd’hui une hostilité envers l’expertise, ce qui vient miner la démocratie », selon la professeure Karine Prémont.
Photo : Michel Caron

Outre l’enjeu du siège vacant au Congrès, il y a également ce que Karine Prémont appelle les inconnues. « Qui ira voter? Étant donné le grotesque personnage que peut représenter Trump, plusieurs pourraient, par honte, cacher qu’ils voteront pour celui-ci, mais le feront tout de même. Plusieurs républicains n’appuient pas Trump, mais changeront-ils vraiment leur fusil d’épaule pour voter démocrate? Fait intéressant, Donald Trump n’est appuyé par aucun des anciens présidents républicains, alors qu’Hillary l’est par deux! »

Quant aux enjeux plus connus, il y a l’économie (le plus important pour 92 % d’Américains), l’immigration et la régularisation des clandestins, les armes à feu ainsi que les tensions raciales. La politicologue a soulevé le triste point qu’aucune question n’a été posée sur les changements climatiques lors des débats présidentiels. C’est, selon elle, beaucoup plus inquiétant que le terrorisme.

L’effet des sondages nationaux

Malgré le fait que plusieurs s’entendent pour une victoire d’Hillary Clinton, ce n’est pas totalement gagné pour celle-ci. « Oui, les sondages nationaux ont souvent donné l’avance à Clinton, mais il ne sert à rien de s’énerver avec les sondages! Ce n’est pas comme ça que se gagne une campagne; il faut regarder ce qu’il se passe avec les États et le nombre de Grands Électeurs obtenus. Les plus importants sont les États pivots. » Ces États pivots par exemple, sont la Floride, la Pennsylvanie, le Colorado. Ils ne sont ni démocrates, ni républicains, ils varient constamment. Ce sont eux qui détermineront le gagnant ou la gagnante de cette campagne présidentielle.

Clinton, victime du double standard

Concernant les candidats, ils ont leurs forces et leurs faiblesses. Par exemple, le fait qu’Hillary Clinton soit discriminée par son genre est une réalité inquiétante qui nuit à sa campagne. « Ce qui s’avère être une qualité chez un homme, par exemple être ambitieux, être en quête de pouvoir, devient un défaut pour une femme. On dit de Clinton qu’elle a une ambition démesurée, une avidité de pouvoir, qu’elle est trop émotive. On la critique même sur son apparence physique, ses vêtements, ce qui ne se produit pas ou presque pour un homme », -à l’exception de la coiffe de Trump.

En conclusion, la professeure Prémont soulève une réflexion importante concernant l’ère postfactuelle dans la société actuelle. « Les médias sociaux ont nivelé les opinions. Ils encouragent l’émotion, la réactivité aux dépens de la vérité. Ce qui est important, c’est de le dire rapidement et en premier. On décèle aujourd’hui une hostilité envers l’expertise, ce qui vient miner la démocratie. »

Karine Prémont est professeure à l’Université de Sherbrooke et chercheuse à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM. Elle a publié plusieurs ouvrages sur la politique étrangère des États-Unis (dont La télévision mène-t-elle le monde?, PUQ, 2006 et Les secrets de la Maison-Blanche, PUQ, 2011), de même que sur le processus électoral américain (Petit guide des élections présidentielles américaines 2012, avec Élisabeth Vallet, Septentrion, 2012).