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10 septembre 2019 Rosalie Cyr
Portrait de postdoc — Mathieu Massicotte

Jouer aux blocs Lego, version quantique

Photo : Mathieu Massicotte

Originaire de Drummondville, Mathieu Massicotte a fait un long chemin pour se rendre à Sherbrooke. Des labos de Montréal à ceux de Barcelone, en passant par une incursion dans le monde des start-ups, il a roulé sa bosse jusqu’à l’Institut quantique pour y entreprendre un stage postdoctoral. Féru de matériaux 2D comme le graphène, Mathieu s’est donné pour objectif d’explorer leur potentiel dans le domaine des technologies quantiques. Pour y parvenir, dit-il, « il faut apprendre à jouer avec des blocs Lego de l’épaisseur d’un atome ».

De Montréal à Barcelone

Hésitant d’abord entre le génie et la physique, Mathieu tranche en choisissant le génie physique à Polytechnique de Montréal, où il complète son baccalauréat. Puis, il se dirige vers une maîtrise en physique à l’Université McGill. C’est là qu’il commence à étudier le graphène, un matériau aux propriétés physiques exceptionnelles. «Et d’une grande beauté ! », ajoute Mathieu en faisant allusion aux flocons qu’il synthétise sur du cuivre.

L’étudiant déménage par la suite à Barcelone, en Espagne, où il y effectue son doctorat en photonique à l’Institut des Sciences Photoniques (ICFO). Durant sa thèse, il cherche à comprendre comment le graphène et les autres matériaux 2D convertissent la lumière qu’ils absorbent en électricité. « Ce processus est extrêmement rapide ;  il prend à peine quelques picosecondes », précise Mathieu. Ces travaux, espère-t-il, ouvriront la voie à une nouvelle génération de photodétecteurs ultra-rapides à base de matériaux 2D.

Une passion pour la bidimension

Mathieu est passionné par tout ce qui touche aux matériaux 2D. « Ce qui est particulièrement excitant avec ces matériaux, c’est qu’on peut les empiler les uns sur les autres, une couche atomique à la fois, pour créer des matériaux artificiels avec des propriétés complètement nouvelles. Pour le physicien, la conception de ces hétérostructures s’apparente à une séance de jeu avec des blocs Lego, mais dans une version quantique et atomique. «  À cette échelle, les blocs interagissent de manière complexe et dans les bonnes conditions, de nouvelles propriétés peuvent émerger », explique Mathieu qui cite l’exemple de la supraconductivité dans le graphène décalé d’un angle magique. « L’hétérostructure est plus que la somme des couches qui la constituent », conclut-il.

Il y a également un aspect très créatif à ce domaine. Mathieu voit dans les matériaux 2D un rapprochement intéressant entre l’art et la science en ce que l’ensemble de cette famille de matériaux est au scientifique ce que la palette des couleurs est au peintre. Le défi est de bien les agencer !

D’un point de vue pratique, mettre en place l’infrastructure pour étudier les matériaux 2D à l’Institut quantique et contribuer à faire connaître les récents développements et découvertes dans le domaine des matériaux 2D aux membres de l’IQ, tout en transmettant son enthousiasme et sa vision, comptent parmi les défis que Mathieu souhaite relever. Le prix de l’European Physics Society (EPS-Quantum Electronics and Optics Division) qu’il a récemment obtenu en lien avec sa thèse de doctorat témoigne bien de sa passion pour le sujet.

Un détour entrepreneurial

Une fois son doctorat complété, Mathieu décide d’explorer d’autres avenues que celle de la recherche universitaire. Il s’intéresse au processus de commercialisation des innovations, c’est-à-dire « comment une invention passe du laboratoire au marché ».  De retour au Québec, il se joint à l’équipe de TandemLaunch, un incubateur d’entreprises en démarrage qui aide des chercheurs à identifier des technologies porteuses pour lancer des entreprises. Aux côtés de son équipe, Mathieu cofonde la compagnie Edgehog qui se spécialise dans les solutions antiréfléchissantes pour les écrans et autres dispostifs opto-électroniques.

Un retour aux sources/à la terre

Après un an à travailler dans une entreprise en démarrage, Mathieu désire plonger à nouveau dans le monde de la recherche. Choisir l’Université de Sherbrooke a été une décision toute naturelle pour lui considérant son amour des Cantons de l’Est et de la campagne, et l’impression très favorable que l’Institut quantique lui avait laissée lors de son passage. « J’avais visité l’IQ auparavant et j’avais été impressionné par tout ce qui s’y passait : les nouveaux projets, le nouveau bâtiment, les nouveaux professeurs, etc. J’ai immédiatement compris qu’il y avait beaucoup d’effervescence et de potentiel ici. », dit-il.

Pour le moment, Mathieu planche principalement sur deux projets combinant matériaux 2D et technologies quantiques. « Le premier consiste à utiliser les matériaux 2D pour développer une diode électroluminescente quantique capable d’émettre des photons uniques, tandis que pour le second on se sert d’une technologie quantique, les résonateurs supraconduteurs, pour étudier les matériaux 2D », explique-t-il.

En ce qui concerne son avenir, Mathieu envisage plusieurs options de carrière. Bien que le travail en milieu universitaire le passionne encore, la recherche en petite ou grande entreprise demeure tout de même une possibilité. L’enseignement et la vulgarisation scientifique représentent aussi des chemins professionnels intéressants pour le physicien. Enfin, tout dépendant des circonstances familiales du nouveau parent, Mathieu devrait terminer son postdoctorat à l’Université de Sherbrooke en 2020 ou en 2021. Bon séjour parmi nous Mathieu !

 

 

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