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Deux décennies de découvertes : la cQED célèbre son vingtième anniversaire

Il y a vingt ans cette année paraissait les articles qui ont jeté les bases de l’électrodynamique quantique en circuit, ou cQED. C’est un domaine où l’observation d’effets quantiques, autrefois limitée à l’infiniment petit, s’élève à une échelle macroscopique, ouvrant des perspectives inédites pour l’information quantique. La cQED ne se contente pas de repousser les frontières de notre compréhension fondamentale de la quantique ; elle est aussi un terrain de jeu pour l’innovation technologique, promettant des ordinateurs capables de résoudre des problèmes aujourd’hui insaisissables. C’est l’histoire d’une rencontre entre théorie et ingéniosité technique, un chapitre fascinant qui redéfinit notre rapport avec le monde quantique. 

L’atome artificiel : un pivot conceptuel 

Au tournant des années 2000, les scientifiques parviennent à isoler des atomes et à les faire interagir avec des photons uniques dans des environnements confinés. Ces atomes, une fois contrôlés, peuvent  fonctionner comme qubits, les unités de base de l’informatique quantique. Or, l’assemblage de plusieurs de ces qubits, essentiel à la création d’un ordinateur quantique fonctionnel, présente  d’énormes défis techniques. En 2004, un groupe de chercheurs  reconnait que des circuits électriques supraconducteurs peuvent être amenés à imiter le comportement des atomes réels en interaction avec la lumière à l’échelle quantique.  «C’est quelque chose qui n’avait jamais été dit aussi clairement avant – on s’est rendu compte qu’on a trouvé le bon langage pour décrire ces systèmes.», souligne Alexandre Blais, directeur scientifique de l’Institut quantique et premier auteur de l’article en question. Avec cette approche, dans l’article qu’ils publient à ce sujet,  il devient possible de contrôler, faire interagir et mesurer les qubits supraconducteurs jouant le rôle d’atomes artificiels. C’est l’aube de la cQED.

David Schuster, Alexandre Blais, R. J. Schoelkopf, Steven Girvin, Andreas Wallraff. (Photo fournie)

 

L’harmonie théorique et pratique : des prédictions d’une précision inégalée 

Ce cadre théorique a permis d’établir un pont robuste avec l’expérience, entraînant des prédictions d’une justesse remarquable. « Pour la première fois dans le domaine, ça fonctionne : la correspondance entre les calculs théoriques et l’expérience est incroyable », se remémore-t-il. Au-delà d’une proposition théorique, c’était l’ébauche d’une architecture réelle d’ordinateur quantique, alignant tous les composants nécessaires pour le construire. 

Le transmon : catalyseur du progrès 

L’arrivée du transmon, en 2007, marque un autre tournant décisif. Ce type de qubit supraconducteur surmonte de nombreuses limitations et facilite l’intégration d’un nombre accru de qubits, propulsant ainsi l’utilisation de la cQED. Le développement de la cQED prend une vitesse fulgurante, attirant l’attention et les ressources de géants technologiques comme Google et IBM, qui ont adopté et adapté ces systèmes. Google prétend même avoir atteint la suprématie quantique — ce point où les ordinateurs quantiques pourront résoudre des problèmes impossibles à effectuer par des ordinateurs classiques. « Quand je fais des prédictions sur comment le domaine va se développer, je me trompe toujours, mais toujours de la même façon : ça va chaque fois plus vite que je pense », commente le chercheur. 

Perspectives 

Ces propositions fondamentales, qui ont germé il y a 20 ans, ont aujourd’hui des applications imprévues, notamment dans la recherche de la matière noire — cette substance hypothétique élusive expliquant plusieurs observations astrophysiques. « Quand on a développé ces idées-là, on ne pensait pas à la détection de la matière noire ! On essayait de trouver la meilleure façon de mesurer et de contrôler un qubit. C’est vraiment le propre de la recherche fondamentale — les surprises. Et je sais qu’il y en aura d’autres, parce qu’il y a une communauté incroyable qui travaille là-dessus maintenant. Cette communauté va dans des directions qu’on ne soupçonnait pas au début. Je pense que ça va rester vraiment passionnant encore longtemps », conclut Alexandre Blais avec enthousiasme. 

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