Quand l’apprentissage automatique rencontre les algorithmes génétiques quantiques

Par Adam Smith

L’apprentissage automatique représente une frontière fascinante dans la technologie, où les ordinateurs apprennent à prendre des décisions ou à faire des prédictions sur la base de données. Imaginez qu’on apprenne à un ordinateur à reconnaître des chats sur des photos en lui montrant des milliers d’images de chats. C’est essentiellement ce que fait l’apprentissage automatique dit « profond », en utilisant des modèles complexes inspirés de la structure du cerveau humain. Évidemment, l’apprentissage automatique va bien au-delà de la reconnaissance des chats. Les modèles d’apprentissage automatique sont utilisés entre autres pour échanger des actions, filtrer les courriels indésirables de votre boîte de réception, assister les médecins à diagnostiquer des problèmes médicaux et soutenir les véhicules à conduite autonome. Les ordinateurs quantiques pourraient rendre l’apprentissage automatique encore plus puissant grâce à une voie prometteuse : les algorithmes génétiques quantiques.

Traduire les expériences en modèles

Le processus d’entrainement des modèles d’apprentissage automatique est contrôlé par des « hyperparamètres » : on peut les visualiser comme les cadrans et les boutons que les ingénieurs ajustent pour optimiser une expérience. Ils peuvent déterminer la structure du modèle d’apprentissage automatique, la vitesse d’apprentissage de l’ordinateur ou encore la manière dont celui-ci hiérarchise les différents types d’informations.

L’optimisation des hyperparamètres est un aspect essentiel, car elle peut améliorer considérablement la précision et l’efficacité d’un modèle. Tout comme une recette parfaite transforme des ingrédients simples en repas gastronomique, le réglage minutieux de ces hyperparamètres peut transformer un algorithme de base en un outil puissant, ce qui fait de cette optimisation une étape clé dans l’exploitation du plein potentiel de l’apprentissage automatique.

Cependant, les hyperparamètres affectent les modèles d’apprentissage automatique de manière imprévisible, et l’évaluation d’un ensemble d’hyperparamètres implique un apprentissage complet du modèle, ce qui est souvent long et coûteux en ressources informatiques.

Pour s’attaquer à cette difficulté, on peut recourir aux algorithmes génétiques, une approche fascinante de l’optimisation des hyperparamètres qui s’inspire du processus de sélection naturelle. Imaginez un ensemble de solutions possibles, dont chacune représente un groupe différent d’hyperparamètres pour un modèle d’apprentissage automatique. Comme dans la nature, où seuls les individus les mieux adaptés survivent pour transmettre leurs gènes à la génération suivante, les algorithmes génétiques sélectionnent les solutions les plus performantes pour en créer de nouvelles. Ils combinent des éléments des solutions les plus performantes et introduisent même des changements aléatoires ou des mutations, de façon similaire aux variations génétiques naturelles. Au fil des itérations, les solutions évoluent pour être de plus en plus efficaces.

Créer des modèles quantiques

Dans les dernières années, l’informatique quantique a réalisé des avancées significatives. Les algorithmes quantiques opèrent sur des états quantiques et exploitent les propriétés de superposition et d’intrication, ce qui leur permet de considérablement surpasser les algorithmes classiques pour certaines tâches. La superposition permet à un état quantique de représenter plusieurs solutions à la fois, et l’intrication introduit des corrélations entre les états qui peuvent être exploitées pour résoudre les problèmes plus efficacement.

Les algorithmes génétiques quantiques sont une adaptation quantique des algorithmes qui exploitent ces principes, permettant une recherche plus efficace dans l’espace des configurations d’hyperparamètres possibles. Ainsi, au lieu de stocker une population classique d’ensembles d’hyperparamètres, les algorithmes génétiques quantiques exploitent une population d’états quantiques, où chacun superpose de nombreuses configurations d’hyperparamètres. Lors de la mesure, les états quantiques s’effondrent en un ensemble classique d’hyperparamètres à partir desquels un modèle d’apprentissage automatique peut être formé.

Prévoir efficacement les inondations

Au lieu de travailler sur la reconnaissance des chats, notre recherche s’est concentrée sur une application un peu plus utile des algorithmes génétiques : l’optimisation d’un modèle d’apprentissage automatique prédisant les régions à risque d’être inondées dans les bassins versants du Canada.

Trois variantes d’algorithmes génétiques quantiques ont été identifiées pour une analyse comparative : l’algorithme génétique inspiré par les quanta (QIGA), l’algorithme génétique hybride quantique (HQGA) et l’algorithme génétique avec échantillonnage génétique quantique (GAQS). Comme son nom l’indique, le QIGA s’inspire des principes de l’informatique quantique, mais il fonctionne efficacement sur un ordinateur classique – ce qui est utile étant donné les limites actuelles des ordinateurs quantiques. Les deux autres algorithmes utilisent une approche hybride quantique-classique pour guider les solutions possibles vers un modèle optimal. À titre comparatif, nous avons également procédé à l’optimisation des hyperparamètres à l’aide d’une technique classique de pointe connue sous le nom d’optimisation bayésienne.

Notre étude a montré que les modèles optimisés à l’aide d’algorithmes génétiques quantiques étaient plus précis que ceux optimisés à l’aide de méthodes purement classiques dans l’identification des régions sujettes aux inondations (voir la Figure 1).

Figure 1 : Précision de validation du meilleur modèle trouvé par chaque technique d’optimisation. La barre bleue représente le meilleur modèle possible dans l’espace de recherche des hyperparamètres.

 

De plus, le modèle a nécessité moins d’entrainement avec les algorithmes génétiques quantiques qu’avec une approche classique, ce qui a amélioré la rapidité et l’efficacité de l’optimisation.

Un début prometteur

Notre exploration des algorithmes génétiques quantiques pour l’optimisation des hyperparamètres souligne le potentiel prometteur de cette technique. Les améliorations apportées par les algorithmes génétiques quantiques offrent la possibilité de créer de meilleurs modèles d’apprentissage automatique, tant pour la prédiction de la vulnérabilité aux inondations que pour l’application à d’autres domaines tels que les diagnostics médicaux et les prévisions financières.

Avec la capacité en constante évolution de l’équipement informatique quantique, les algorithmes génétiques quantiques apparaissent comme une alternative convaincante et efficace aux méthodes d’optimisation classiques, offrant une nouvelle façon de naviguer dans le paysage complexe des espaces d’hyperparamètres.

Bien que nos résultats montrent que les algorithmes génétiques quantiques peuvent apporter des améliorations à la fois sur le plan de la précision des modèles et de l’efficacité d’optimisation, il reste encore beaucoup de recherche et d’expérimentation à mener pour découvrir et exploiter pleinement les capacités de cette nouvelle technique. Qui sait comment nous redéfinirons les limites de ce qui est possible dans l’optimisation hyperparamétrique de l’apprentissage automatique !

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