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3 octobre 2023 Céline Larivière-Loiselle
Portrait de membres de l'Institut quantique - Benjamin Bacq-Lebreuil

MODÉLISER L’INVISIBLE : LA QUÊTE DE LA STRUCTURE ÉLECTRONIQUE

Photo : Photo fournie

Né en France et ayant fait ses armes en physique à l’ENS Paris-Saclay, Benjamin Bacq-Labreuil est maintenant postdoctorant à l’Institut quantique de Sherbrooke. À l’intersection des mathématiques, de la physique et de la chimie, Benjamin s’intéresse aux propriétés de la matière à l’état solide, un chemin qu’il n’a pas toujours envisagé. « Première année de master, la matière condensée, c’est le seul cours où j’ai raté l’examen », confesse-t-il avec une touche d’humour. Un cours fascinant avec la professeure Silke Biermann a toutefois changé la donne. Sous la tutelle de cette dernière, il a achevé une thèse sur les propriétés des oxydes de cuivre, une famille de matériaux au cœur desquels les électrons interagissent si intensément qu’ils ne peuvent pas être considérés individuellement. Poussé par l’enthousiasme et les recommandations de ses pairs, il rejoint l’IQ en octobre 2022, où il poursuit ses recherches sur ces matériaux au sein des équipes des professeurs André-Marie Tremblay et David Sénéchal.

Comprendre la nature des matériaux par leur structure électronique

À Sherbrooke, Benjamin travaille à l’élaboration de méthodes théoriques et numériques pour modéliser la structure électronique des matériaux. C’est en somme comprendre comment les électrons sont organisés, quels états d’énergie ils peuvent occuper. Ce sont ces propriétés qui déterminent les caractéristiques fondamentales des matériaux : sont-ils métalliques, isolants, semi-conducteurs? Même la couleur d’un matériau est régie par sa structure électronique.

Les oxydes de cuivre et le défi de la supraconductivité

Le jeune chercheur met l’accent sur une catégorie particulière de matériaux : les systèmes à électrons
fortement corrélés, parmi lesquels figurent les oxydes de cuivre. Ce sont des systèmes très complexes à modéliser. « C’est un des gros pans de recherche de la matière condensée aujourd’hui », explique Benjamin. « Dans ces systèmes, où les interactions entre électrons sont très fortes, on ne peut plus faire les mêmes approximations que celles faites communément pour les métaux. Il faut alors développer des méthodes beaucoup plus robustes pour essayer de les modéliser ».

L’attrait des oxydes de cuivre réside principalement dans leur propriété supraconductrice à des températures plus élevées que les supraconducteurs conventionnels. Alors que le mercure devient supraconducteur à 4 kelvins, certains oxydes de cuivre peuvent atteindre cet état à environ 150 kelvins, soit au-dessus de la température d’ébullition de l’azote. Cette caractéristique représente un enjeu de taille pour l’avenir des technologies énergétiques, mais son origine reste encore mal comprise.

L’outil numérique : une nouvelle voie pour la recherche

L’objectif de Benjamin est de combiner un programme permettant d’étudier la supraconductivité, développé par le professeur David Sénéchal, avec un autre code, produit par le professeur Kristjan Haule à l’Université Rutgers, qui calcule les propriétés électroniques d’un matériau grâce à sa structure cristalline. Le programme final devrait permettre d’évaluer le « paramètre d’ordre supraconducteur », qui détermine la force de la supraconductivité — ou à quel point les électrons peuvent former des «paires de Cooper» et donc un état supraconducteur — à partir de la seule structure cristalline du matériau. Un tel outil numérique constituerait une première et offrirait une nouvelle voie pour comprendre la relation entre la configuration d’un matériau et sa supraconductivité.

Si le défi est de taille, Benjamin demeure confiant. Une fois cet outil numérique en place, il ouvrirait une multitude de directions de recherche, permettant d’explorer différents types de supraconducteurs et même des architectures plus complexes, comme les hétérostructures composées de couches atomiques en 2D. « Si on a l’outil qui est prêt, on peut partir un peu n’importe où. Le code, il est général. Il mange une structure cristalline de départ, mais tu peux lui donner n’importe quoi », souligne-t-il avec un enthousiasme palpable.

En résumé, le travail de Benjamin Bacq-Labreuil se situe à l’avant-garde de la physique de la matière condensée, explorant les mystères des systèmes à électrons fortement corrélés dont font partie les oxydes de cuivre. Son approche innovante, combinant des démarches théoriques et numériques, vise à déchiffrer la configuration électronique des matériaux, clé de leurs propriétés fondamentales. Par ailleurs, sa recherche sur l’élaboration d’une méthode numérique capable de prédire le paramètre d’ordre supraconducteur à partir de la seule structure cristalline d’un matériau pourrait grandement contribuer à améliorer notre compréhension de la supraconductivité. Avec détermination et inventivité, Benjamin continue de repousser les frontières de notre connaissance scientifique, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives notamment pour l’avenir des technologies énergétiques.

 

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