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Contribuer à une communauté effervescente en programmation quantique
Pour avoir une communauté dynamique en informatique, rien ne vaut le code ouvert, car il permet à chaque personne de reprendre un logiciel existant et de l’adapter comme elle le souhaite. Malgré l’actuelle course au développement des ordinateurs quantiques, le domaine de la programmation quantique n’y fait pas exception.
Cet esprit de partage peut même se voir récompensé par un coup de pouce financier, comme ça a été le cas pour Aleksandr Berezutskii, étudiant au doctorat depuis septembre 2020 dans le groupe de Stefanos Kourtis, professeur au Département de physique et membre de l’Institut quantique. En effet, Aleksandr a reçu en juillet 2023 une microbourse de 4000 $ US de l’organisme Unitary Fund pour le développement de mdopt, un logiciel de correction d’erreurs lors du décodage, qui a été créé dans le cadre de son projet de doctorat. Unitary Fund est un organisme à but non lucratif qui soutient chaque année plusieurs projets de technologie quantique pouvant bénéficier au plus grand nombre possible de personnes. Cela inclut des logiciels open source, du matériel éducationnel ou des ateliers.
« Aleksandr est très allumé et a beaucoup d’initiative! C’est lui qui a eu l’idée d’appliquer pour cette bourse, étant donné que la vision et les intérêts de l’organisme s’alignent avec les nôtres. C’était souhaitable pour nous que le logiciel soit non seulement en libre accès, mais en code ouvert », explique le professeur Kourtis.
« Le champ du calcul quantique avance de façon très communautaire et j’aime cette communauté, il y a beaucoup de gens intelligents avec qui on peut travailler. L’industrie est très effervescente en ce moment, il y a beaucoup d’efforts, beaucoup de recherche… Ça aussi, c’est motivant! Et puis, développer un logiciel ouvert, c’est important pour que des gens l’utilisent! » souligne Aleksandr.
Kallie Ferguson, directrice d’écosystème chez Unitary Fund, renchérit : « Les projets en code ouvert profitent à tout le monde, et c’est pourquoi c’est si populaire en programmation classique. La programmation quantique est un domaine naissant, une seule compagnie n’aura pas la solution à tout. »
Compenser l’imperfection des puces
Pour comprendre ce que fait mdopt, il faut d’abord savoir que les ordinateurs quantiques, bien qu’ils soient prometteurs, ne sont pas encore assez performants pour résoudre des problèmes réels tels que les questions d’optimisation ou la simulation de molécules. C’est notamment parce que les états quantiques préparés avec la puce sont imparfaits et fragiles, alors on perd l’information dans du bruit, c’est-à-dire des perturbations qui rendent le système plus difficile à lire.
Si on craint de voir l’information traitée trop déformée par les erreurs, on peut opter pour la stratégie de travailler avec plusieurs copies de la même information. On répète alors plusieurs fois les opérations et on considère que la réponse reçue qui est « majoritaire » doit être la bonne. Plus on envoie de copies de l’information, plus on peut avoir confiance dans la réponse obtenue majoritairement.
Toutefois, cette stratégie n’est pas idéale. Pour réduire la nécessité de répéter aussi souvent les mêmes opérations, la recherche en information quantique peut étudier d’une part l’amélioration du matériel des puces (« hardware »), et d’autre part, elle peut développer des outils logiciels (« software ») afin de réduire le bruit. C’est dans cette dernière approche que s’inscrit le projet d’Aleksandr.
Plus précisément, son doctorat s’intéresse aux réseaux de tenseurs quantiques, c’est-à-dire des instruments mathématiques servant à résoudre des problèmes avec des circuits quantiques. Pour effectuer ce travail très spécialisé, Aleksandr a dû produire ses propres outils de programmation, dont le logiciel mdopt, un peu comme un artiste qui doit préparer des mélanges de couleurs spécifiques avant de pouvoir peindre une toile. Or, les mélanges de peintures peuvent ensuite être réutilisés dans d’autres projets ou par d’autres personnes, et il en est de même pour mdopt!
Aleksandr souligne en outre que son logiciel est « agnostique au hardware », c’est-à-dire qu’il pourra aider à la correction d’erreurs lors du décodage avec différents types d’ordinateurs quantiques. C’est tout un avantage, considérant qu’on ignore encore quel matériel (hardware) se trouvera dans le premier ordinateur quantique qui sera assez robuste pour être appliqué à de vrais problèmes.
D’ici là, mdopt est testé grâce à des simulations d’algorithmes quantiques, et les résultats démontrant l’efficacité du logiciel devraient être publiés dans une revue scientifique au cours de la prochaine année. Aleksandr précise toutefois que plusieurs utilisateurs externes se sont déjà servis du logiciel, qui est disponible sur GitHub (https://github.com/quicophy/mdopt), et qu’il a même déjà reçu plusieurs étoiles, soit l’équivalent de mentions « j’aime » sur cette plateforme. « Ça me fait vraiment plaisir de voir que mon logiciel est déjà apprécié! »
« C’est agréable de voir du bon matériel en code ouvert être apprécié et utilisé par la communauté, commente également Kallie Ferguson. Le logiciel d’Aleksandr était un cas facile à trancher pour le comité d’évaluation des microbourses. Dans ses commentaires, le comité a indiqué qu’il était certain que l’impact de mdopt serait positif et que la correction d’erreur répondait à un grand besoin. »
À ce propos, elle invite la communauté de programmation quantique à se prononcer sur les prochains défis prioritaires à résoudre en répondant au sondage annuel d’Unitary Fund, au lien suivant : https://www.surveymonkey.com/r/qosssurvey24. Qui sait quelle prochaine initiative signée UdeS sera inspirée par ces besoins!