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Des chercheurs de l’IQ percent à nouveau un mystère des supraconducteurs à haute température critique
Anaëlle Legros, première auteure de la publication.
Photo : FournieLes électrons se propageant dans un conducteur électrique sont soumis à de multiples collisions, qui dissipent leur énergie et donne lieu à la résistance électrique d’un matériau. Une équipe menée par les Professeurs Louis Taillefer et Patrick Fournier de l’Institut Quantique vient maintenant de démontrer qu’il existe une limite fondamentale à la quantité d’énergie que les électrons peuvent dissiper dans les supraconducteurs à haute température critique, une percée majeure publiée dans le prestigieux journal Nature Physics.
Les matériaux supraconducteurs révolutionneront un jour notre vie quotidienne, dans des domaines aussi variés que l’approvisionnement en énergie, la médecine, et les communications. À ce jour, des matériaux à base d‘oxyde de cuivre, les cuprates, sont les candidats les plus prometteurs pour faire passer la supraconductivité des basses températures, typiquement inférieures à -150o C, à la température ambiante. Or, ces matériaux sont complexes et les mécanismes à l’origine de leur état de résistance nulle restent à ce jour incompris. Résoudre cette énigme est un des grands défis de la physique contemporaine.
Hors de leur phase supraconductrice, ces matériaux présentent une résistance électrique énigmatique : elle varie de façon linéaire en fonction de la température, alors que dans un métal une variation quadratique est attendue. Identifiée il y a près de 30 ans, cette propriété est un mystère central des cuprates, d’importance comparable à leur spectaculaire supraconductivité. Les chercheurs de l’IQ ont découvert la clé de ce phénomène : à basse température, peu importe le cuprate étudié, ils ont observé une limite commune à la quantité d’énergie que les électrons peuvent dissiper. Elle correspond à la limite de Planck, ou Planckienne, qui est la limite supérieure de dissipation permise par la mécanique quantique.
« En comparant nos données sur différents cuprates, il devenait de plus en plus clair qu’elles étaient unies par un mécanisme universel. Cette limite Planckienne nous donne enfin une base sur laquelle une théorie pourra être élaborée » commente Anaëlle Legros, première auteure du papier et leader du projet dans le cadre de son doctorat. « C’est un champ entier d’exploration qui s’ouvre à nous, car cette caractéristique a aussi été observée dans plusieurs autres familles de matériaux. Nous semblons avoir touché à un mécanisme fondamental de la nature, dont les implications sont encore insoupçonnées » ajoute son directeur de thèse, Louis Taillefer. En effet, ce phenomène semble avoir de multiples ramifications, comme en témoignent de récents articles traitant des trous noirs, de gravité, ou encore d’information quantique.
Réalisés en partenariat avec Cyril Proust à Toulouse et Dorothée Colson à Saclay, ces travaux réunissent, avec Taillefer et Fournier, quatre chercheurs du Laboratoire International Associé France-IQ – le Laboratoire Circuits et Matériaux Quantiques. Cette collaboration Sherbrooke-France a d’ailleurs été soulignée par le prix Adrien-Pouliot de l’Acfas en novembre 2018. C’est aussi un bel exemple de doctorat en cotutelle, Taillefer et Colson ayant conjointement dirigé Anaëlle Legros, qui poursuivra maintenant sa carrière de chercheure avec un stage postdoctoral à l’Université Johns Hopkins aux USA.
L’Institut canadien de recherches avancées est également au cœur de cette collaboration, Proust, Fournier, et Taillefer étant tous membres du programme sur les matériaux quantiques. La fondation Gordon & Betty Moore a contribué au financement de cette étude, via une subvention à Taillefer dans le cadre de son programme Emergent Phenomena in Quantum Systems.