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Le Pr Kourtis développe un outil de pointe pour la simulation de circuits quantiques
Exemple d’arbre de contraction quasi optimal pour un petit réseau de tenseurs.
Photo :Comment se définit la frontière de l’avantage quantique ? Est-il possible d’optimiser la simulation de calculs quantiques et classiques ? Le Pr Stefanos Kourtis se penche sur ces questions dans son article Hyper Optimized Tensor Network Contraction, publié le mois dernier dans Quantum, un journal libre accès pour la science quantique. Sa recherche, ayant déjà reçu plusieurs citations par l’équipe de Google, résout également un des problèmes de dénombrement combinatoire les plus difficiles, et promet des répercussions pratiques et intradisciplinaires.
Les réseaux de tenseurs et la physique de l’intrication pour la simulation de circuits quantiques
La publication du Pr Kourtis concerne une méthode pour simuler les calculs à la fois quantiques et classiques à l’aide des réseaux de tenseurs. Cet outil est un langage qui exprime des calculs, soit une liste d’opérations nécessaires pour compléter une simulation. L’ordre de ces opérations peut cependant amener une vaste différence en performance. En effet, les réseaux de tenseurs expriment une liste de tâches à compléter, sans spécifier l’ordre. Tout comme suivre une liste d’épicerie, l’ordre des articles amassés aura une incidence sur le temps nécessaire pour compléter la course, tout comme l’ordre des opérations aura une incidence sur le temps requis pour achever une simulation. Ainsi, les travaux du Pr Kourtis cherchaient, de façon algorithmique, les ordres les plus efficaces pour évaluer les réseaux de tenseurs.
Récemment, Google a défini que le temps nécessaire pour compléter la simulation classique d’un calcul quantique était d’environ 10 000 ans. Les algorithmes du Pr Kourtis démontrent tout le contraire : il l’estime à quelques centaines de jours, soit une différence phénoménale dans la simulation du calcul quantique.
« Ce qu’on a découvert c’est qu’en utilisant des méthodes inspirées par la physique du problème à N-corps, on peut trouver des ordres qui sont plus efficaces que ce qu’on avait imaginé au départ. Parmi les retombées pratiques, on retrouve la simulation des circuits quantiques, récemment implémentés par l’équipe de Google. Nos recherches démontrent qu’on peut faire cette simulation beaucoup plus rapidement et de manière plus efficace de ce que Google avait estimé », témoigne le Pr Kourtis.
En effet, la publication compte déjà plusieurs citations, surtout par l’équipe de Google qui utilise les algorithmes développés par l’équipe du Pr Kourtis comme méthode de pointe pour la simulation classique de circuits quantiques. Une équipe de chercheurs à Beijing a également implémenté une simulation classique de circuits Sycamore sur superordinateurs en utilisant les techniques du Pr Kourtis.
Qu’est-ce qui rend ces algorithmes plus avantageux que d’autres ? Selon le physicien théoricien, la physique de l’intrication, quoique fondamentale, a mené à la performance de son algorithme : « L’obstacle principal dans l’utilisation des réseaux de tenseurs est l’augmentation de la mémoire requise pour stocker les tenseurs, une augmentation qui reflète l’accroissement de l’intrication quantique durant la simulation. Alors, si on peut identifier l’ordre qui évite la majorité de l’intrication, la simulation sera plus efficace. C’est l’élément qui a dirigé la recherche, et c’est pour cette raison qu’on est arrivé à une solution presque optimale. »
Un prélude universel
Cette publication annonce la recherche qui sera effectuée au sein de la Chaire en calcul quantique. Créée à la fin de 2020 et financée en majeure partie par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec (MEI), la Chaire du Pr Kourtis a comme objectif de développer de nouvelles méthodes en calcul quantique.
« Les réseaux de tenseurs sont un domaine de recherche interdisciplinaire et les travaux de mon groupe combinent des idées issues de l’intelligence artificielle, de la science des données, de la physique quantique, de l’information quantique et de l’informatique théorique. Cette combinaison peut apporter des avantages considérables, et cette publication en est une démonstration tangible.», ajoute le Pr Kourtis.
Le prochain projet de la Chaire comporte plusieurs volets, se rattachant à la recherche effectuée dans le cadre de cet article :
« Le premier est l’étude des codes correcteurs quantiques en plusieurs qubits en utilisant le même outil. La prochaine étape à démontrer est celle des stratégies d’approximation contrôlée dans des simulations similaires.
Puis, nous allons continuer de faire des simulations du calcul quantique, afin de mieux définir la frontière de l’avantage quantique, qui est une question très pertinente, puisqu’on dépend des ordinateurs classiques pour simuler le calcul quantique.
Un autre volet que la Chaire va poursuivre est d’utiliser les méthodes des réseaux de tenseurs de façon plus directe dans le domaine de l’apprentissage automatique, en collaboration avec un chercheur de Mila, l’Institut québécois d’intelligence artificielle à Montréal, et avec un étudiant arrivant cet automne », précise le titulaire de la Chaire.
Les recherches effectuées par la Chaire contribuent au développement d’outils et du savoir en matière de calculs quantiques en apportant des solutions novatrices à des défis modernes, soutenant le projet de zone d’innovation de Sherbrooke en science quantique. « Souvent, l’innovation dépend des calculs et de leur efficacité, alors si on parvient à développer des outils accélérant le calcul, on peut accélérer l’innovation », conclut le Pr Kourtis.