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Sven Badoux, jeune physicien étoile
Sven Badoux et sa collègue Maude Lizaire
manipulent de minuscules échantillons
de cuprates.
Chaque mois, le Fonds de recherche nature et technologies du Québec nomme un étudiant-chercheur étoile, qui se démarque par ses travaux de recherche. Le postdoctorant Sven Badoux est l’étoile du mois d’octobre, et pour cause.
«La reconnaissance est bienvenue, sourit le physicien et jeune papa. C’est le type d’encouragement que ne peuvent communiquer les échantillons de cuprates avec lesquels je travaille presque chaque jour !»
Dans le Laboratoire des propriétés de transport de matériaux quantiques, Sven Badoux et ses collègues manipulent de tout petits morceaux de cuprates d’à peine 2 millimètres. Découverts à la fin des années 1980, ces matériaux – des oxydes de cuivre- sont de formidables matrices pour étudier le phénomène de la supraconductivité, cette propriété qu’ont certains matériaux à transporter l’électricité sans aucune perte. C’est à l’aide de ces minuscules échantillons de cuprates, provenant de l’Université de la Colombie-Britannique, que Sven a récemment réalisé, avec son équipe, un pas de géant dans la compréhension du mystère de la supraconductivité.
De Toulouse à Sherbrooke… à Toulouse
Sven fait partie du groupe de recherche du professeur Louis Taillefer, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en matériaux quantiques. Natif de la France, Sven complétait ses études de doctorat au Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses à Toulouse, dans l’équipe de Cyril Proust, lorsqu’il a fait la rencontre de Louis, en séjour au laboratoire pour une séance d’expérimentation. À force de côtoyer le grand physicien québécois, Sven a décidé de venir à l’Université de Sherbrooke pour faire ses études postdoctorales dans l’équipe de Taillefer, dont la recherche est particulièrement orientée vers la supraconductivité dans les cuprates.
Actuellement, la supraconductivité est observée seulement à très basses températures, typiquement -250 degrés Celcius. L’obtention d’un supraconducteur à température ambiante est un des grands défis de la physique contemporaine. Bien qu’ils constituent des matériaux fort prometteurs pour y parvenir, le cuprates demeurent énigmatiques. La force physique à l’origine de leur supraconductivité reste inconnue malgré 30 années de recherches. Les électrons dans les cuprates possèdent différentes phases qui se chevauchent, rendant difficile l’identification de cette force. Or, les chercheurs pensent que la phase « pseudogap » détient la clé du mystère.
Arrivé à l’UdeS en mars 2014, Sven Badoux propose une expérience dont l’impact sera fracassant. «Je savais qu’il était possible, au Laboratoire de Toulouse, de générer un champ magnétique encore plus puissant que ceux appliqués lors des expériences précédentes de Louis, notamment grâce à un développement technique récent.» Sven débute alors des mesures sur les cuprates impliquant un champ magnétique parmi les plus fort au monde (90 tesla). Une véritable prouesse technique qui sera réalisée en étroite collaboration avec l’équipe de Cyril Proust, au Laboratoire National des Champs Magnétiques Intenses de Toulouse, et en deux temps : les premières mesures ont débuté en décembre 2014 et les dernières ont pu être terminées en avril 2015. La suite est désormais écrite dans la prestigieuse revue scientifique Nature.
En somme, Sven Badoux et ses collègues ont mis en lumière la signature fondamentale d’une phase responsable de la supraconductivité à température très élevée des cuprates. En découvrant la signature fondamentale qui distingue les oxydes de cuivre, ils ouvrent la porte à l’amélioration de la performance des supraconducteurs, nous rapprochant de leur utilisation à température ambiante.
«Après 30 ans de recherche, le mystère autour de la supraconductivité dans les cuprates commence peu à peu à se dévoiler, fait valoir le chercheur étoile. Cela nous laisse entrevoir que la compréhension totale entourant le mystère des cuprates n’est peut-être plus très loin, ce qui est très excitant.»