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Une nouvelle publication dans Nature Communications pour l’IQ
L’eau existe sous forme de glace, de liquide, ou de vapeur, et ces phases sont séparées par des transitions à des températures bien établies : à 0° C la glace fond, et l’eau s’évapore à 100° C. Mais ces transitions de phase sont sensibles à la pression. Par exemple, un cuiseur à pression élève le point d’ébullition de l’eau, permettant ainsi de cuire les aliments plus rapidement. C’est dans cet esprit que les chercheurs de l’IQ Nicolas Doiron-Leyraud et Louis Taillefer ont employé la pression pour sonder les supraconducteurs à haute température critique à base d’oxyde de cuivre, les cuprates, et les résultats de leurs travaux, récemment publiés dans Nature Communications, sont surprenants.
« Les cuprates sont peut-être les matériaux quantiques les plus étudiés. Et pourtant, la pression hydrostatique, souvent employée pour d’autres familles de matériaux tels les fermions lourds ou les supraconducteurs à base de fer, fût peu utilisée pour leur étude » note Nicolas Doiron-Leyraud. À ce jour, l’impact principal des études de cuprate sous pression a été d’optimiser la température maximale à laquelle la supraconductivité apparait, avec un record à 164 K. « Notre approche est nouvelle dans le sens où elle ne porte pas sur la supraconductivité comme telle, mais plutôt sur le pseudogap, le mystère central des cuprates ». En effet, les cuprates exhibent une multiplicité de phases qui sont enchevêtrées entre elles et avec la supraconductivité, et comprendre la nature de ces phases est un des grands défis en physique des matériaux quantiques. La phase pseudogap est universelle à tous les cuprates et joue un rôle central dans d’apparition de la supraconductivité. Mais son caractère fondamental reste à ce jour inconnu et c’est l’énigme principale des cuprates.
Au voisinage du dopage où le pseudogap apparait, ces travaux ont révélé un effet énorme et inattendu de la pression, qui agit un peu comme un interrupteur, permettant d’effacer le pseudogap ou, inversement, le réactiver, de manière réversible et continue. « Le paramètre de contrôle naturel des cuprates est le dopage et c’est un problème intrinsèque car à mesure que la physique évolue, la chimie du matériau et le niveau de désordre aussi, rendant l’interprétation parfois difficile. L’énorme avantage de la pression est qu’on élimine ce dernier aspect complètement, permettant ainsi d’étudier un même et seul échantillon, à la fois dans et hors de la phase pseudogap en gardant tout le reste constant. » remarque Nicolas Doiron-Leyraud. L’étude a mis en lumière un ingrédient essentiel dans la structure électronique des cuprates pour l’apparition du pseudogap, posant ainsi des contraintes théoriques importantes. « Des calculs effectués à la suite de nos travaux, entre autre par le groupe d’Antoine Georges au Collège de France, ont confirmé notre conclusion et c’est un pas en avant très significatif ». Du côté expérimental, cette découverte ouvrira la porte à d’autres études sous pression, dont certaines sont déjà en cours, en collaboration avec le groupe du Professeur Taillefer.
Cette étude est un bel exemple de collaboration internationale à l’IQ. La méthode expérimentale fût entièrement développée à Sherbrooke, mais une grande partie de l’étude fût menée au National High Magnetic Field Laboratory en Floride, où de puissants champs magnétiques permettent de supprimer la supraconductivité et faire des mesures de transport sous pression aux plus basses températures. « Ces travaux sont aussi le fruit de plusieurs années d’études impliquant de nombreux étudiants et post-doc – 9 au total! – donc Nicolas et moi sommes particulièrement fiers qu’ils soient publiés dans Nature Communications et qu’ils aient déjà reçu une grande attention de la part de notre communauté » ajoute Louis Taillefer.