Générer des nombres aléatoires et créer une entreprise

Les recherches du Pr Bertrand Reulet portent en partie sur les fluctuations, plus communément appelées « bruit ». Typiquement, le bruit est vu comme un élément nuisible à la détection du signal recherché; il est réduit au minimum en moyennant plusieurs mesures consécutives. Toutefois, le bruit n’est pas complètement inutile. Il peut par exemple fournir de l’information sur les particules régissant le transport électrique ou permettre de générer des nombres aléatoires. Cette deuxième propriété est à la base du dispositif commercialisé par Quantum Numbers Corporation (QNC).

C’est ici que la technologie développée par Bertrand Reulet, membre de l’IQ, est avantageuse. Elle utilise directement le caractère quantique du bruit électronique, un phénomène fondamentalement aléatoire et qui permet de surcroît un taux de génération très rapide (dans les GHz).

La commercialisation d’une telle technologie nécessite plusieurs expertises différentes. Avec l’aide de TransferTech Sherbrooke, la firme de transfert technologique de l’UdeS, le Pr Reulet a trouvé un promoteur qui a conçu une entente profitable pour toutes les parties. Ce qui a mené au recrutement de M. Jean-Charles Phaneuf, maintenant PDG de QNC. « A ma connaissance, QNC est la première compagnie publique de haute technologie à avoir acheté non pas un brevet, mais une demande PCT (Patent Cooperation Treaty) qui offre aux déposants une protection par brevet au niveau international. L’objectif est de structurer la technologie et de l’amener à un niveau de maturité supérieur. Depuis, QNC a transformé cette demande PCT en deux brevets aux États-Unis et aura bientôt deux autres brevets qui sont le fruit d’une étude de brevetabilité dans plusieurs autres pays. Cet énorme accomplissement sécurise pour plusieurs années à venir la propriété intellectuelle de la technologie développée par QNC », nous explique M. Phaneuf.

 

Présentement, le groupe de recherche de M. Ghyslain Gagnon, membre du Laboratoire de communications et d’intégration de la microélectronique à l’École de technologie supérieure de Montréal, est maintenant en charge du développement de la technologie. Ils franchissent l’étape de passer d’un générateur de bruit quantique aléatoire à un générateur de nombre aléatoire. Une première mise en application sera dévoilée bientôt, alors que la deuxième itération est déjà conçue et en phase de débogage. Les représentants de QNC espèrent voir le premier dispositif pilote d’ici la fin de l’été 2019.

« Notre objectif est de fabriquer des dispositifs pouvant entrer sur le marché de masse global. Pour l’instant, nos compétiteurs proposant de « vrais » générateurs de nombres aléatoires quantiques utilisent surtout des technologies basées sur la photonique, alors que la technologie de QNC est basée sur l’électronique. Ce qui nous confère plusieurs avantages : la faible taille des dispositifs, un coût potentiellement moindre, une grande efficacité énergétique (grâce aux avancées dans le domaine des semi-conducteurs) et une intégration beaucoup plus facile dans les dispositifs de micro-électronique déjà sur le marché », analyse M. Phaneuf.

La commercialisation de cette technologie aura créé de nombreuses retombées pour le Pr Reulet et l’IQ, dont l’augmentation de nos collaborations avec l’ÉTS, plusieurs brevets et de nombreux projets pour des étudiants aux études supérieures.

Comment génère-t-on un nombre aléatoire ?

La génération de nombres aléatoires est à l’origine du système de cryptage de communications le plus répandu, le chiffrement RSA. L’algorithme RSA utilise deux nombres premiers générés aléatoirement, à partir duquel deux clés – une publique et une privée – sont calculées. La force du chiffrement dépend directement de la nature des nombres premiers aléatoires. Plusieurs appareils permettent de générer des nombres aléatoires. Ils sont classés en deux catégories, les générateurs de nombres pseudo-aléatoires – basés sur des algorithmes – et les « vrais » générateurs de nombre aléatoires – basés sur des phénomènes physiques. Les générateurs de nombres pseudo- aléatoires produisent des séquences de nombres qui semblent aléatoires à première vue, mais ce n’est qu’une apparence; un motif ou une répétition apparaît lorsqu’une assez grande quantité de nombres générés sont considérés. Plus précisément, ce motif est complètement déterminé par un seul nombre – appelé graine aléatoire – utilisé pour initier le générateur. À l’opposé, un « vrai » générateur de nombres aléatoires mesure un phénomène physique qui est présumé aléatoire, puis compense pour les biais possibles de la mesure physique. Deux problèmes sont à considérer dans ce cas, la majorité des phénomènes utilisés ne sont pas véritablement aléatoires et peuvent donc être attaqués sous différents angles, et le taux de génération de nombres aléatoires est souvent très faible vu le processus de mesure.

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