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Liaison, 10 mars 2005
S'abandonner au pays des pharaons
Simon Larouche se passionne pour le monde arabe. C'est en lisant les
livres du journaliste et romancier Amin Malouf qu'il a découvert cette
partie du globe, il y a une bonne dizaine d'années, et c'est par
l'intermédiaire de son grand frère, un voyageur invétéré, qu'il a développé
le projet de la visiter. Ce qu'il a fait, d'ailleurs, à maintes reprises
depuis 1998, visitant notamment la Tunisie, l'Égypte et la Palestine. Depuis
le 7 février, Simon baigne de nouveau dans cette culture si fascinante, mais
cette fois-ci avec en tête un objectif très précis, celui d'apprendre
l'arabe. Pour s'aider, il suit des cours à l'Université du Caire, en Égypte.
CHARLES VINCENT
Au moment où il terminait son baccalauréat en histoire à l'Université
Laval, Simon Larouche a découvert Sami Aoun. Il a tout de suite été séduit
par les analyses que l'éminent professeur livre, jour après jour, dans les
médias québécois. C'est alors qu'il a pris la décision de s'inscrire à la
maîtrise en histoire à l'Université de Sherbrooke, sous la direction, il va
sans dire, du professeur Aoun. «Pour moi, il était important de travailler
avec un professeur qui parle l'arabe, qui connaît le monde et la culture
arabes, explique Simon. Tout comme, à mes yeux, il était primordial que je
parle moi-même cette langue.» Un défi qu'il entend bien relever dans les
prochains mois.
Détenteur d'une bourse offerte par le gouvernement égyptien, en
collaboration avec le ministère de l'Éducation du Québec, Simon suit
actuellement – et jusqu'au mois de mai – des cours à l'Université du Caire.
«La bourse défraie l'ensemble de mes dépenses là-bas, précise-t-il. C'est un
coup de pouce extraordinaire. Le gouvernement m'offrait même un logement,
mais j'ai refusé. J'ai plutôt choisi de me trouver moi-même une chambre dans
un quartier populaire, car je veux m'imprégner des gens, de la culture. Je
veux adopter leur rythme de vie, vivre à leur façon, avec leurs visions.
Bref, je veux m'abandonner complètement à ce pays plusieurs fois
millénaire.»
En plus des cours qu'il suivra et de la vie de quartier dans laquelle il
promet de s'investir à fond, Simon prévoit se rendre en région, plus
particulièrement dans le sud du pays. «Je veux aussi voyager dans les
terres, indique-t-il. J'ai déjà visité le nord du pays, lors de mon premier
séjour, maintenant je veux m'attaquer à la haute Égypte.» Un projet
ambitieux, considérant que la ville du Caire, fondée il y a plus de mille
ans, offre à elle seule mille et une découvertes. «La ville est immense,
lance Simon. Elle est tellement grande que les autorités ignorent de combien
de personnes elle est peuplée exactement. Ça jouerait entre 18 et 24 millions d'habitants.»
D'une rupture à l'autre
Pour Simon, c'est l'évidence même : en ce début de millénaire, l'Égypte
est un pays qui se cherche, qui cherche sa voie vers la modernité, tant
économique et sociopolitique que morale. «À mon sens, prophétise l'étudiant,
il y a une zone de rupture à l'horizon, et cette rupture devrait survenir
lorsque le président actuel, Hosni Moubarak, quittera la présidence. Dès
lors l'Égypte devrait changer de visage.» Moubarak gouverne le pays presque
sans partage depuis 1981, année où a été perpétré l'assassinat de son
prédécesseur, Anouar el-Sadate. Il est aujourd'hui âgé de 77 ans.
Cette thématique de la rupture, on la retrouve également dans le projet
de maîtrise de Simon. Son mémoire portera sur la présidence d'El-Sadat, de 1970 à 1981. «Pendant cette période, on a assisté au retour de l'Égypte dans
le giron occidental, précise-t-il, une décision qui s'est faite au détriment
de l'autre pôle d'attraction, l'URSS.» Plus particulièrement, Simon
s'interroge sur la construction du discours présidentiel. «Je veux
comprendre, au-delà des débats sur les motivations qui ont poussé le
président à opter pour l'économie de marché, comment il s'y est pris pour
expliquer ses politiques, tant à l'interne qu'à l'externe.
Une légitimation qui s'est opérée sur une toile de fond particulière.
Comme l'explique Simon, trois identités coexistent dans la culture
égyptienne : la musulmane, fondée essentiellement sur la religion,
l'égyptienne qui, elle, renvoie à l'univers mythique des pharaons, puis
l'arabe, qui repose principalement sur la langue. Il tentera de comprendre
comment ces trois identités ont fonctionné entre elles dans un contexte de
légitimation par le pouvoir d'une politique d'alignement sur l'Occident. «Je
travaillerai avec des notions comme la symbolique politique, les images
politiques, la représentation et l'identité, précise Simon.
Abattre les murs
Même si les gens ne comprennent pas toujours son intérêt pour le monde
arabe, Simon Larouche persiste et signe. «Plusieurs personnes ne comprennent
pas pourquoi je m'intéresse à des pays où la condition de la femme est
critiquable, où le terrorisme sévit. Je ne suis pas là pour endosser, mais
pour faire le plein de connaissances, argue-t-il. En poursuivant mes études
sur l'Égypte, et me rendant le plus souvent possible au Proche-Orient, je
veux mieux connaître les Arabes, leur histoire, pour mieux la communiquer
aux gens d'ici. Il y a encore des murs qui bloquent la compréhension, et je
me suis donné pour mission d'en abattre le plus possible.»
Un défi ambitieux que Simon a déjà commencé à relever. Il signe dans le
présent numéro de Liaison son premier Carnet de voyage. Dans son
texte, il nous parle de son arrivée au Caire, de sa nouvelle vie dans ce «mégavillage»
et de ses rapports avec les Égyptiens (voir page 10). Il continuera de le
faire jusqu'à la fin de son séjour. Lisez-le…
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La ville du Caire gagne sans cesse sur le désert, s'approchant de plus en
plus des pyramides de Gizeh.
Photo : Simon Larouche
Simon Larouche |