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Chercheur.e.s au SoDRUS

Alexandra Stankovich, étudiante au doctorat et membre du SoDRUS

Alexandra Stankovitch
Alexandra Stankovitch

Alexandra Stankovich prépare un doctorat en philosophie pratique à l'Université de Sherbrooke. Sa recherche doctorale, supervisée par Allison Marchildon (Université de Sherbrooke) et Jessica Roda (Georgetown University), est financée par les Fonds de Recherches du Québec – Société et Culture (FRQSC). Elle a été classée au rang 1 de la section philosophie/éthique du concours de l’automne 2022.

Membre du SoDRUS, elle nous présente quelques éléments de sa recherche et des enjeux, pour un.e étudiant.e, d'être intégré.e à un centre de recherche.

Alexandra Stankovich, vous êtes doctorante en philosophie pratique à l’Université de Sherbrooke. Pouvez-vous nous présenter votre recherche ?

Le titre de ma thèse – pour l’instant – est Subvertir les orthodoxies : l’exploration de l’intermarginalité des figures publiques queer, gender nonconforming et trans* d’expérience hassidique comme agent.e.s de changement. Je sais, ça fait beaucoup de concepts dans un titre! Mais pensez comment, dans les 10 dernières années, une multitude de séries (ex. : Unorthodox), de livres (ex. : Becoming Eve) ou de documentaires (ex. : One of Us) ont été créés sur les sortant.e.s des communautés juives hassidiques, principalement pour le grand public nord-américain.

Par contre, le récit le plus utilisé (ou le trope) est souvent celui de ceux, mais surtout celles, qui quittent (voire « s’émancipent » de) ces milieux, traçant une vision de l’expérience de sortie à travers une vision féministe libérale, dessinant la vie religieuse comme traumatisante et oppressive. Au-delà de ce discours, on peut se demander, concrètement qui sont ces individus qui quittent ces communautés – aussi appelé.e.s sortant.e.s, Off the Derech ou personnes d’expérience hassidique – et quels sont leurs rapports avec l’orthodoxie?

À partir d’une démarche de philosophie de terrain – qui combine les approches en sciences sociales et le travail en philosophie pratique – mon travail doctoral s'intéresse au concept de marginalité et, plus précisément, celle en lien avec les figures publiques s’identifiant comme queer, gender nonconforming et/ou trans* d’expérience hassidique. Je soutiens que les revendications qu’elles avancent dans l’espace public exercent une pression sur les normes, complexifiant ainsi la discussion sur le religieux, l’orthodoxie et la perméabilité de ses frontières. Observée ainsi, leur position particulière en marge (ou, en d’autre mots, celle d’intermarginalité, puisqu’il.elle.iel.s se situent dans un interstice entre les communautés hassidiques et le monde libéral) peut être comprise comme un concept agentique de négociation, d’action et de résistance.

Vous êtes membre du SoDRUS. Comment vos expertises rejoignent les axes de recherche de notre Centre ?

Je pense que je répondrai à cette question en deux temps. D’abord, le SoDRUS – au sens large –, est un centre de recherche qui préconise une approche interdisciplinaire visant à saisir le(s) phénomène(s) religieux dans sa complexité. Bien que dans le cas du centre, cette vision commune regroupe une multitude d’approches, de phénomènes et de participant.e.s, je crois que ma recherche doctorale y apporte son grain de sel – dis-je bien humblement!  En effet, celle-ci tente, par une approche interdisciplinaire (voire transdisciplinaire) liée à la philosophie, l’anthropologie, aux études juives et de genres, de mettre en lumière les expériences vécues par les personnes LGBTQIA+ d’expérience hassidique et comprendre comment elles nous informent sur les frontières des normativités autant du point de vue du genre, de la sexualité, que de la religiosité.

Puis, dans un deuxième temps, je m’inscris dans l’axe de recherche 3 : Société civile, mondialisation et influences religieuses. Cette ligne directrice m’a interpelée, puisque depuis la maîtrise, je m’intéresse aux dynamiques normatives, c’est-à-dire comment des groupes d’individus en marge de la société majoritaire peuvent-ils changer, négocier ou subvertir les normes (ici, celles-ci sont comprises autant comme de l’ordre des habitudes, que des lois)? Personnellement, je positionne ces questionnements dans une perspective positive, c’est-à-dire que les revendications visent (ou du moins souhaitent viser) un vivre-ensemble plus inclusif ou même comment certaines figures publiques deviennent, au sens large, une forme de médiateur.trice culturel.le entre le monde religieux et libéral.

Pour la jeune chercheure que vous êtes, en quoi est-ce important de participer aux activités d’un Centre de recherche comme le nôtre ? 

En tant qu’étudiant.e.s, nous avons la chance que le SoDRUS soit un centre de recherche qui favorise l’implication et la participation de tou.te.s ses membres, peu importe leur statut. Cet espace a un énorme potentiel pour ceux.celles qui sont motivé.e.s et souhaitent s’impliquer – d’autant plus que nous avons officialisé le statut de représentant.e étudiant.e l’hiver dernier!

Dans cette optique, la participation peut s’observer de différentes manières, que ce soit dans l’élaboration de projets, l’assistanat de recherche, la contribution scientifique (sous la forme de communications ou d’écrits). Ce canevas de possibilités permet aux jeunes chercheur.euse.s, comme mes collègues et moi-même, de bénéficier d’un espace où nous pouvons participer à la création et la diffusion de savoirs sous diverses formes, ainsi qu’échanger avec différents membres du SoDRUS, que ce soit en lien avec nos recherches actuelles ou pour discuter d’autres enjeux sur les thématiques du centre.

Je me permets aussi de souligner un aspect que nous n’avons pas encore actualisé cette année, ce sont les ressources auxquelles nous avons accès, que ce soit l’accès aux locaux du centre – au campus principal – pour faire des périodes de rédaction ou la possibilité de faire des demandes de formation, si nous sentons que certaines compétences en recherche devraient être actualisées.

Dans votre trajectoire de recherche, quelle rencontre vous a particulièrement inspirée ? 

Au singulier ?! Ouf, ce n’est pas simple comme question, car le parcours doctoral est rempli de collègues, de professeur.e.s et d’écrits qui influencent, à degré variable, notre manière de faire de la recherche et/ou de concevoir notre sujet. Cela étant dit, si je joue le jeu d’une unique rencontre intellectuelle, je suis profondément reconnaissante que ma directrice de recherche doctorale – Pre Allison Marchildon – m’ait présenté la philosophie de terrain et ses divers.e.s auteur.trice.s. Pour moi, malgré le développement effervescent de ce champ philosophique, depuis les 7 dernières années, le livre A Field Philosopher's Guide to Fracking : How One Texas Town Stood Up to Big Oil and Gas d’Adam Briggle reste un incontournable.

Un auteur rigoureusement radical, qui prône une porosité des disciplines et un engagement concret des philosophes dans les causes qui leur semblent justes (allant même jusqu’à dépasser le travail de recherche vers des actes d’activisme, voire de militantisme), Briggle a été pour moi, celui qui a mis les mots sur le type de philosophie incarnée que je souhaitais faire. À l’écoute du terrain, l’auteur définit le travail du.de la philosophe de terrain comme ayant comme objectif de faire émerger, en contexte, les réflexions philosophiques que faisaient déjà implicitement les participant.e.s à la recherche. Cette manière de concevoir le travail philosophique opère un shift épistémique, puisqu’il déhiérarchise et décloisonne la construction du savoir : chacun.e est invité.e à enrichir les échanges et les réflexions de par ses savoirs expérientiels.