Une note presque parfaite

par Bruno Levesque

Il est rare qu'un projet, une idée ou une réalisation fasse l'unanimité. C'est pourtant le cas du régime coopératif. Dans les facultés, parmi le personnel du Service de la coordination, chez les diplômées et diplômés, auprès des employeurs*, un seul et même son de cloche : Bravo ! Trente ans après son entrée en vigueur, la formule d'alternance de stages et de sessions de cours adoptée par l'Université de Sherbrooke est encore et toujours une excellente idée. <<Est-ce donc parfait ?>>, me direz-vous. Non, mais presque...

Un atout à développer

En 30 ans, le régime coopératif a connu un développement continuel l'Université de Sherbrooke. En 1996, la fragilité de l'économie canadienne et québécoise, la compétition de plus en plus vive entre les entreprises, la transformation du rôle de l'État, la baisse de financement des universités, sont tous des facteurs qui pourraient mettre en péril la poursuite de ce développement. Pourtant, tout semble indiquer que le régime coopératif va poursuivre son développement.

<<Le contexte actuel n'est pas le seul contexte difficile que l'Université ait connu, rappelle tout d'abord le recteur Pierre Reid, sous-entendant que l'institution sherbrookois a toujours réussi à franchir ces obstacles. <<À mon avis, poursuit-il, le régime coopératif connaîtra une croissance dans les domaines où il est déjà offert, au rythme où ça se fait actuellement. Le régime coopératif pourrait aussi s'étendre à de nouveaux domaines. Cependant, il ne faut pas penser que le nombre d'étudiants et de stages va doubler d'ici quelques années. L'évolution se fera plus doucement.>>

Coordonnatrice au Service de la coordination, Johane Lépine partage l'avis du recteur : <<Nous ne pouvons plus nous arrêter, affirme-t-elle. Le régime coopératif est une des principales caractéristiques qui permettent à l'Université de Sherbrooke de se distinguer des autres.>> Renald Mercier, directeur du Service de la coordination, est lui aussi d'avis que le régime coopératif continuera à se développer. <<Des études sont en cours pour vérifier s'il serait souhaitable d'étendre le régime coopératif à d'autres programmes, souligne-t-il. Cela semble démontrer que l'Université voudrait voir le régime coopératif poursuivre sa croissance.>>

Professeur au Département de mathématiques et d'informatique, Djemel Ziou croit même que le difficile contexte économique que nous connaissons pourrait être un atout pour le développement du régime coopératif. <<Plus que jamais, les entreprises doivent être rentables, explique-t-il. Le coût élevé de la main-d'oeuvre est l'un des problèmes qu'elles rencontrent. L'embauche de stagiaires peut leur permettre de diminuer ces dépenses>> Sans y voir un atout, Pierre Reid ne croit pas que la situation économique actuel soit un obstacle insurmontable. <<Les entreprises recrutent peut-être moins de personnel, mais elle ont autant besoin sinon plus de recruter des gens de qualité. Et le régime coopératif leur permet de voir évoluer des candidates et candidats au sein de leur entreprise pendant quatre mois.>>

Le meilleur de deux mondes

Pour une étudiante ou un étudiant, l'idée du régime coopératif a quelque chose de séduisant. L'étudiant pourra effectuer trois ou quatre stages rémunérés, ce qui l'aidera grandement à financer ses études.

Voilà certes un avantage considérable du régime coopératif, mais des coordonnateurs au recteur, tous les gens qui, à l'Université, sont directement intéressés par le régime coopératif y voient beaucoup d'autres avantages. Pour Johanne Lépine, du Service de la coordination, l'avantage principal réside dans l'expérience que les étudiantes et les étudiants acquièrent : <<Nos diplômées et diplômés ont une année d'expérience de plus que ceux des autres universités. Ils sont plus mûrs quand ils arrivent sur le marché du travail.>>

<<Le simple fait pour une personne d'avoir vécu en entreprise, d'avoir connu une organisation en même temps qu'elle étudiait est déjà très significatif, ajoute le recteur Pierre Reid. Sortir du contexte universitaire et vivre en contexte organisationnel entraîne un choc, une confrontation d'idées qui ne peut qu'être bénéfique. Il y a une interaction entre les cours et les stages. L'étudiante ou l'étudiant peut confronter une expérience vécue avec le contenu d'un cours. Il prend ainsi une certaine confiance en lui, ce qui lui permet d'interagir davantage en classe.>>

Pour Jean-Guy Roberge, coordonnateur, le régime coopératif permet de tirer le meilleur parti de l'université et de l'entreprise. <<L'Université apporte des connaissances, un bagage théorique aux étudiantes et étudiants. L'entreprise, elle, a pour but de rendre un service ou de vendre un produit. Pour elle, le savoir est important, mais ce qui compte davantage, c'est de produire quelque chose à partir de ce savoir. Les habiletés, le comportement et le sens pratique comptent tout autant que les connaissances. L'enseignement coopératif cumule les avantages des deux institutions. L'Université donne les connaissances, ce qui constitue sa principale force. L'entreprise se charge de développer le savoir-faire et le savoir-être.>>

Des défis pour demain

Le régime coopératif constitue une caractéristique importante de l'Université de Sherbrooke. Le programme se porte bien et les principaux intéressés semblent satisfaits de la façon dont il fonctionne. <<Le régime coopératif a permis à l'Université de connaître un développement accéléré, note Richard Thibault, professeur à la Faculté des sciences appliquées. Cependant, il faut trouver des moyens pour l'adapter à la situation qui prévaudra en l'an 2000.>>

Directeur du Service de la coordination, Renald Mercier est bien placé pour savoir que l'avenir réserve des défis de taille à son équipe. Il croit ainsi qu'il faudra développer d'autres créneaux pour trouver des stages pour tout le monde. Les stages, selon lui, prendront une importance plus grande encore d'ici quelques années. Les places sur le marché du travail se feront rares et seront très convoitées. <<L'évolution du marché du travail fera en sorte que les stages vont avantager encore plus nos diplômées et diplômés, explique-t-il. Le fait d'avoir fait des stages les rendra plus aptes à intégrer le marché du travail.>>

Lui aussi du Service de la coordination, Jean-Guy Roberge croit bien sûr nécessaire d'offrir le plus grand nombre de stages possible. Il est aussi conscient que cette tâche ne sera pas facile avec un taux de chômage voisinant les 10 p. 100. Pourtant, il croit que la qualité des stages offerts devra en même temps être améliorée. <<Notre défi, dit-il, est de relever le niveau des stages, et une façon de la relever consiste à trouver l'entreprise qui offre le stage qui nous convient.>> Richard Thibault n'est pas tout à fait d'accord avec cette affirmation Selon lui, il ne faut pas se montrer trop difficile. <<Bien sûr, il faut tendre vers la perfection, dit-il. Mais il faut aussi faire preuve de réalisme.>>

De son côté, Djemel Ziou amène quelques propositions susceptibles, selon lui, d'améliorer les choses. Il souhaite que les programmes se rapprochent des besoins de l'industrie, que le régime coopératif s'ouvre sur le monde en encourageant davantage les stages à l'étranger et qu'on trouve de nouvelles formules pour les stages.

Celui qui a dirigé le Service de la coordination pendant plus de 20 ans, Gilles Joncas, estime que les étudiantes et les étudiants ont un rôle très important à jouer. Leur dossier scolaire, leur préparation aux entrevues, leur attitude en milieu de travail, tout cela, selon lui, peut faire la différence entre un stage satisfaisant et un autre qui l'est moins. Et, pour encore mieux répondre aux besoins des étudiantes et étudiants, il croit que la formation des coordonnateurs pourrait être améliorée. <<Le travail des coordonnateurs n'est pas facile, souligne-t-il. Ils ont une bonne formation de base et aussi une bonne connaissance du monde du travail, mais il faudrait leur donner une formation additionnelle en relations interpersonnelles, en orientation, peut-être même certains éléments de pédagogie.>>

Formation des coordonnateurs, liens plus étroits avec l'industrie, amélioration de la qualité des stages, diversification des lieux de recherches de stages, toutes ces suggestions sont susceptibles, bien sûr, d'aider le régime coopératif à poursuivre son développement, à susciter l'intérêt des employeurs et à assurer le recrutement de nouveaux étudiants et étudiantes de qualité.

Après 30 ans de succès, le régime coopératif a fait ses preuves. Pour que ce succès se poursuive encore 30 autres années, il faudra que ses responsables aient constamment en tête de l'améliorer. Comme l'explique le recteur Pierre Reid, il n'y a pas de recettes magiques pour améliorer le régime coopératif. <<Il faut simplement continuer à faire ce que nous faisons déjà bien, mais en le faisant encore mieux.>>

* Un gros merci à Julie Béliveau, Martin Drôlet, Daniel Gagné, Gilles Joncas, Réal Létourneau, Johane Lépine, Renald Mercier, Sophie Pineault, Sandra Quesnel, Pierre Reid, Jean-Guy Roberge, Richard Thibault, René Verrier et Djemel Ziou, qui ont accepté de répondre aux questions de SOMMETS.