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Paul-André Guillotte veille au grain

Après quelques années passées à vendre de l'assurance, Paul-André Guillotte a véritablement commencé sa carrière à l'Union des producteurs agricoles, entreprise où il s'était fait connaître lors de ses stages et où il a vendu des oeufs, du lait et des pommes pendant cinq ans. En 1978, il a été embauché par l'Office canadien de commercialisation du poulet où il a bien sûr vendu... du poulet. Président et chef de la direction d'A. L. Van Houtte ltée, Paul-André Guillotte est maintenant passé au café. Et il n'y va pas avec le dos de la cuillère!

par Bruno Levesque

Il suffit de jeter un oeil sur les grands titres de la presse économique pour comprendre qu'A. L. Van Houtte connaît des performances plus qu'intéressantes sous la direction de Paul-André Guillotte. <<Le Québec trop étroit pour A. L. Van Houtte>>, <<Van Houtte poursuit son expansion>>, <<A. L. Van Houtte triple ses ventes>>, <<Année record pour Van Houtte>> ne sont que quelques-uns des titres parus au cours des derniers mois.

En fait, depuis l'arrivée de ce diplômé de la maîtrise en administration des affaires (M.B.A.) à la tête de l'entreprise, son chiffre d'affaires est passé de 1,5 million à 257 millions de dollars. Démarrée avec cinq épiceries fines, A. L. Van Houtte compte maintenant 112 restaurants, 20 000 machines distributrices de café et une usine de torréfaction de café d'une capacité annuelle de plus de 15 millions de tonnes. Il faut dire que le patron veille au grain et qu'il y est pour beaucoup dans cette croissance.

Bien sûr, l'engouement du public pour les cafés fins y est aussi pour quelque chose dans ce spectaculaire développement, mais il faut admettre que Paul-André Guillotte sait flairer une bonne affaire. Au cours des deux dernières années, l'entreprise a diversifié ses activités en acquérant Red Carpet Food Services, la deuxième plus grande entreprise canadienne spécialisée dans les pauses-café, et 51 p. 100 des actions de VKI Technologies, un fabricant de distributrices de café de la Rive sud de Montréal.

Le grand patron d'A. L. Van Houtte ne semble pas du tout pressé de ralentir le rythme. <<Nous comptons bien poursuivre notre développement>>, affirme-t-il. Le plan stratégique de l'entreprise prévoit d'ailleurs que Van Houtte accentuera sa pénétration du marché nord-américain de la vente de café dans les lieux de travail et augmentera sa part du marché canadien de la vente au détail de ce produit.

De la suite dans les idées

Il faut compter sur Paul-André Guillotte pour mener à terme cette stratégie de développement, car l'homme a de la suite dans les idées. Ainsi, l'envie de brasser des affaires a toujours été présente chez lui : <<Mon grand-père était commerçant et je pense que c'est ce qui m'a donné le goût des affaires, explique Paul-André Guillotte. Tout au long de mes études, je me disais que mon but était de démarrer en affaires un jour.>>

Cette idée qui l'habitait depuis sa prime jeunesse, Paul-André Guillotte a quasiment dû attendre jusqu'à l'âge de 40 ans avant de pouvoir la réaliser. Il a fallu qu'il fasse la connaissance de Benoît Beauregard, président de Flamingo, qui, à cette époque, venait tout juste de vendre son entreprise à la Coopérative fédérée de Québec et disposait de sommes à investir. Le diplômé du M.B.A. fait part à l'homme d'affaires de son projet. À 35 ans, Paul-André Guillotte n'a pas des sommes faramineuses à investir. Il possède bien quelques REÉR et une maison sur laquelle il pourrait prendre une hypothèque, mais Benoît Beauregard le ramène vite à la dure réalité : <<Tu n'as pas d'argent!>>

Il propose alors à Paul-André Guillotte de s'associer avec lui : <<Si tu acceptes, tu vas travailler et moi je vais te conseiller, t'encadrer. S'il faut que j'investisse plus que toi, je le ferai et tu rachèteras mes parts à leur valeur quand tu le pourras.>>

C'est ainsi que Paul-André Guillotte et son associé ont commencé leur recherche d'une entreprise dans laquelle investir. <<C'est monsieur Beauregard qui, le premier, a parlé de Pierre Van Houtte et des magasins Van Houtte à Montréal>>, rapporte Paul-André Guillotte.

Flairant la bonne affaire, les deux hommes se sont donc présentés au nouveau magasin que la famille Van Houtte venait d'ouvrir à la Place de la Cité à Montréal. Paul-André Guillotte raconte : <<Ce que j'ai vu m'a paru tout simplement extraordinaire. Le magasin Van Houtte venait tout juste d'ouvrir ses portes. L'enseigne n'était même pas encore installée. Le café y était annoncé à 0,35 $ la tasse, alors que le compétiteur d'en face le vendait seulement 0,25 $ Le matin, quand nous sommes arrivés au magasin, il y avait une file d'attente chez Van Houtte. De l'autre côté, il n'y avait personne.>>

De cette anecdote, Paul-André Guillotte a déduit qu'une entreprise qui vend un produit différencié, présentant des caractéristiques bien à lui qui le démarquent des produits concurrents, peut, si elle possède une bonne renommée, vendre ses produits plus chers et faire plus de profits que les autres. <<Je me suis dit qu'avec tous ces éléments et un bon marketing, on pouvait faire de l'argent>>.

Sans doute la famille Van Houtte, propriétaire de l'entreprise, était-elle également consciente de cette possibilité. Aussi a-t-il fallu deux longues années de négociations pour que Guillotte et Beauregard puissent mettre la main sur la moitié des parts de l'entreprise.

Des études en administration

En homme d'affaires averti, Paul-André Guillotte a su attendre patiemment que la bonne occasion se présente avant de se lancer en affaires. Et les résultats de l'entreprise qu'il dirige sont là pour démontrer qu'il a eu tout à fait raison de se montrer patient.

Mais il n'y a pas que dans le domaine des affaires que l'homme est capable d'attendre. Quand vient le temps d'étudier aussi! Paul-André Guillotte raconte que l'idée d'étudier en administration lui trottait dans la tête de depuis déjà plusieurs années quand il a fait son entrée à l'Université de Sherbrooke. Quelque dix ans auparavant, il s'était informé aux État-Unis à propos d'éventuelles études dans ce domaine avant de leur préférer des études de droit.

En 1970, alors que le nouveau programme de M.B.A. a commencé à faire parler de lui un peu partout au Québec, Paul-André Guillotte s'est montré très intéressé. <<J'étais sur le marché du travail depuis déjà quelques années. J'étais marié, j'avais des responsabilités et le programme qu'offrait l'Université de Sherbrooke était le plus appropriée pour moi. Les stages, en particulier, m'intéressaient beaucoup parce qu'ils représentaient des revenus.>>

Possédant de l'expérience dans ce domaine, Paul-André Guillotte s'est tout naturellement retrouvé dans une compagnie d'assurances pour son premier stage. Là, il a participé à une étude de marketing. Puis, l'Union des producteurs agricoles lui a ouvert ses portes pour ses deuxième et troisième stages. L'entreprise qui lui a par la suite offert un emploi à sa sortie de l'Université.

Paul-André Guillotte garde un bon souvenir du programme de M.B.A. et du régime coopératif. <<Le fait d'être rémunéré pendant les stages est un aspect intéressant, dit-il. Mais il y a d'autres avantages au régime coopératif. Les stages permettent de travailler dans différents milieux et dans des domaines différents, ce qui permet aux jeunes de choisir en connaissance de cause ce qui leur convient le plus. Ils leur permettent de découvrir des milieux qu'autrement il leur serait difficile de connaître. C'est une façon extraordinaire de faire des études. Pour moi, c'est une formule gagnante.>>

Le président et chef de la direction d'A. L. Van Houtte conserve aussi un réseau de connaissances et d'amis de l'époque de son passage à l'Université de Sherbrooke. Des noms lui viennent à l'esprit : Marcel Côté, du Groupe Secor, qui a été son professeur au M.B.A., Paul Delage Roberge, des Boutiques San Francisco, lui aussi diplômé de la Faculté d'administration, Pierre-Paul Jodoin, grand patron des entreprises Sherlock, Yvan Bussières, de Saint-Aix, et Jeannot Harvey, de Cegerco.

Ces bons souvenirs, ce réseau de contacts conservé depuis ses années d'études, cette conviction que le régime coopératif est une formule gagnante ont sans doute compté pour beaucoup quand il a accepté de prendre en charge la sollicitation du monde des affaires montréalais pour la campagne 1995-2000 Un parti pris pour l'Université de Sherbrooke. Sans doute s'est-il répété ce qu'il s'était dit lors de sa première visite d'un magasin Van Houtte : avec la bonne renommée que l'Université s'est bâtie et les produits différenciés qu'elle offre à la population, ça devrait fonctionner.