Développement économique de l'Estrie

Miser sur l'ensemble de ses atouts

par Diane Boilard*

En cette fin de siècle, les deux mots d'ordre que se donnent l'ensemble des localités, régions ou nations pour assurer leur développement sont croissance économique et emploi. Cependant, à l'heure de l'éclatement des frontières de l'économie et de la globalisation des marchés, croissance et emploi représentent deux défis de taille.

Pour relever ces défis, la région de l'Estrie possède plusieurs atouts. Ainsi, malgré sa petite taille (270 000 habitants, soit seulement 4 p. 100 de la population québécoise), l'Estrie a développé une économie très diversifiée. La région recèle des entreprises spécialisées dans un nombre impressionnant de domaines d'activités. De plus, l'Estrie peut compter sur différents types de ressources : ressources naturelles, ressources humaines, compétences en recherche-développement (R-D), attraits culturels et touristiques, en plus d'une grande expertise en entrepreneuriat et un goût certain pour la concertation.

Reconnaître ses forces

L'Estrie est bien pourvue en ressources naturelles. Les mines, l'agriculture et la forêt fournissent de l'emploi à près de 15 p. 100 des travailleuses et travailleurs de la région, la moitié oeuvrant dans le secteur primaire et l'autre, dans les industries connexes du secteur secondaire. Ces ressources permettent de générer annuellement des revenus de plus d'un milliard de dollars.

Même si des entreprises importantes ont fermé leurs portes au cours de la dernière décennie, l'industrie manufacturière est plus importante, en moyenne, que pour l'ensemble du Québec : 23 p. 100 de la main-d'oeuvre est concentrée dans le secteur manufacturier, comparativement à 18 p. 100 dans l'ensemble de la province. Le vêtement, le bois, le papier, le caoutchouc, le matériel de transport et les textiles primaires sont les industries qui procurent le plus d'emplois. Le chiffre d'affaires du secteur manufacturier atteint les trois milliards de dollars par année. L'industrie du papier en génère le cinquième. Soulignons également que l'Estrie exporte plus, toutes proportions gardées, que le Québec. Les entreprises de la région réalisent plus de la moitié de leur chiffre d'affaires grâce à des ventes à l'extérieur de la province, comparativement à 45 p. 100 pour le Québec.

La recherche et la formation

La région génère également beaucoup d'activités de R-D. À l'Université de Sherbrooke, plus de 30 millions de dollars sont octroyés annuellement à plus de 600 chercheuses et chercheurs pour réaliser des projets de recherche. Une cinquantaine d'entreprises investissent à peu près le même montant pour faire de la R-D et y affectent près de 400 employées et employés. Les gouvernements jouent aussi un rôle important en R-D, puisqu'ils dépensent 10 millions de dollars en Estrie, une centaine d'emplois étant rattachés à ce secteur.

Enfin, l'industrie de la formation est fort bien développée en Estrie. On y dénombre 85 000 étudiantes et étudiants, jeunes et adultes, et 10 000 travailleuses et travailleurs. Les budgets de fonctionnement en formation totalisent 500 millions de dollars par année. Il sort annuellement plus de 10 000 diplômées et diplômés des institutions estriennes, dont 6000 de niveau postsecondaire. Soulignons que plusieurs programmes de formation professionnelle et technique sont offerts au secondaire et au collégial; quelque 7000 étudiantes et étudiants y sont inscrits et plusieurs peuvent effectuer des stages en milieu de travail. De son côté, le régime coopératif de l'Université de Sherbrooke attire à lui seul plus de 4000 étudiantes et étudiants stagiaires.

Tirer parti de ses atouts

Pour assurer son développement économique à l'aube du XXIe siècle, l'Estrie doit donc, plutôt que de cibler quelques secteurs à haut potentiel de développement, miser sur l'ensemble de ses ressources et favoriser leur mise en valeur et leur plein développement.

Pour tirer parti des ressources qu'elle possède dans une perspective de croissance économique et d'emploi, l'Estrie s'est dotée, en 1993, d'un plan stratégique de développement régional qui a été reconnu par le gouvernement du Québec. En concertation avec le millier de partenaires socioéconomiques du territoire, la région a établi, en fonction des atouts qu'elle avait identifiés, quelles devaient être ses priorités : les industries fondées sur les ressources naturelles, la recherche-développement, la formation et le développement des ressources humaines, le maillage d'entreprises, le développement naturel et culturel et l'environnement.

C'est en fonction de ce plan que le Conseil régional de développement (CRD) de l'Estrie répartit le fonds d'aide au développement qu'il gère dans la région. En quatre ans, le CRD a versé 10 millions de dollars à une centaine de projets de développement dont les investissements ont atteint plus de 50 millions de dollars. D'autres organismes de développement, comme par exemple les corporations de développement économique, s'inspirent fortement du plan stratégique régional pour financer et offrir des services d'aide spécialisés à des projets de développement dans la région.

Tous dans la même direction

Soulignons ici que, dans la foulée de sa nouvelle politique de régionalisation, le gouvernement du Québec harmonisera bientôt les actions de ses ministères en région avec celles des organismes locaux et régionaux de développement. La nouvelle politique tiendra également compte de l'économie sociale, celle-ci offrant des perspectives d'emplois plus qu'intéressantes.

Plusieurs regroupements de partenaires, eux aussi inspirés par le plan stratégique régional, ont vu le jour dans des champs d'activités précis, afin de rendre cohérentes et efficaces leurs actions dans le milieu. Mentionnons tout d'abord le Groupe d'action pour l'avancement technologique de l'Estrie (GATE), qui vise à développer la R-D, promouvoir les industries de pointe dans des créneaux spécialisés et favoriser les échanges technologiques entre les entreprises. Il y a également la Table régionale de la formation professionnelle et technique qui a été créée, avec le mandat d'établir une offre intégrée de formation professionnelle et technique en Estrie afin que les entreprises puissent mieux se prévaloir des services de ce secteur. Pour sa part, le Groupe du financement en Estrie cherche à favoriser la concertation et l'entraide entre les sociétés de capital de développement pour la préparation, l'analyse et le suivi des dossiers de financement. Enfin, Estrie international 2007 veut rendre accessibles les ressources spécialisées et l'information nécessaire pour soutenir les entreprises qui veulent exporter à l'étranger.

L'avenir : dans les mains des entreprises

Somme toute, par la diversité de ses ressources, son dynamisme d'affaires et son ouverture à l'égard de la concertation, l'Estrie a pu se tailler une place notable dans le vaste marché économique d'aujourd'hui. Une place d'autant plus appréciable qu'elle a réussi à maintenir, depuis le début de la reprise économique, un taux de chômage en-dessous de la moyenne québécoise.

La région a en main les atouts nécessaires pour affronter le monde économique de demain. Avec l'esprit d'entreprise et de collaboration qui les caractérise, les Estriennes et Estriens sauront sûrement en tirer le meilleur parti.

*Titulaire d'un baccalauréat en économique, obtenu en 1988, Diane Boilard a par la suite poursuivi ses études à l'Université Laval où elle a complété une maîtrise en aménagement du territoire et développement régional. Elle est maintenant agente de recherche au Conseil régional de développement de l'Estrie.