Pierre Marc Johnson, diplômé en médecine de l'Université
de Sherbrooke en 1975, a toujours fait de la politique. Fils de Daniel Johnson,
qui fut Premier ministre du Québec de 1966 à 1968, frère de Daniel fils qui
le fut lui aussi brièvement en 1994, Pierre Marc Johnson a toujours vécu dans
un milieu où la politique était reine.
Politique un jour, politique...
par Bruno Levesque
Après avoir été plusieurs années actif au sein des mouvements étudiants, il
a été élu député du Parti québécois en 1976, puis nommé tour à tour
ministre du Travail et de la main-d'œuvre, des Institutions financières, de
l'Immigration, des Affaires sociales, de la Justice, des Affaires
intergouvernementales canadiennes et même Premier ministre de la province de
1985 à 1987.
Aujourd'hui, Pierre Marc Johnson exerce la profession d'avocat au sein du
cabinet montréalais Heenan Blaikie. Il se spécialise en droit administratif et
en négociations commerciales internationales. Il a exécuté des missions pour
les Nations Unies en Méditerranée, en Asie centrale, en Europe du Nord et en
Amérique latine. Il a été conseiller du secrétaire général de la
Conférence de Rio sur l'environnement, conseiller auprès du président du
Comité international de négociation de la convention sur la désertification,
président du Groupe de travail à l'occasion de la première Conférence des
Parties.
Il est aussi l'auteur d'essais sur les questions de développement durable.
Il a notamment été le coauteur (avec André Beaulieu) d'un livre intitulé L'environnement
et l'ALÉNA, compréhension et mise en œuvre de la nouvelle loi continentale.
Pierre Marc Johnson est membre des conseils d'administration de sociétés
commerciales et d'organismes de coopération, dont Metaforia, CRC-Sogema,
Laboratoires Omega, Muse Entertainment, la Société de développement
économique de Montréal, l'Union mondiale de la nature, Vincor international,
Civigenics, Eetina, etc.
Bref, Pierre Marc Johnson ne chôme pas, loin de là. Ses occupations
professionnelles lui apportent de grandes satisfactions et on est prêt à le
croire quand il dit qu'il ne s'ennuie pas réellement de la politique.
Pourtant...
L'œil s'allume
Il est vrai qu'il s'agit d'une intuition, que nous sommes dans le
monde de la perception et des impressions, mais les yeux de Pierre Marc Johnson
se mettent littéralement à briller lorsqu'il aborde des questions
politiques.
« J'aimais beaucoup détenir le pouvoir d'influencer le cours des choses,
de faire adopter une loi qui pouvait changer de façon constructive la vie des
gens. Pour moi, c'est l'ultime satisfaction », dit-il lorsque interrogé
sur ce qu'il a le plus aimé en politique.
La deuxième grande source de satisfaction de Pierre Marc Johnson, c'était
cette collégialité et cette solidarité qui, explique-t-il, s'installent
quand on siège au cabinet des ministres et qu'on vit littéralement ensemble
quinze heures par jour. Ce travail d'équipe rend selon lui possible des
discussions, des échanges de points de vue, des confrontations et permet de
voir, à travers les ministres, leur personnel politique et les hauts
fonctionnaires exerçant le pouvoir, le meilleur de l'être humain.
« Parfois le pire aussi, mais je préfère me concentrer sur le
meilleur », ajoute-t-il dans un sourire.
Toujours à propos de ce qu'il appréciait de sa vie de politicien, Pierre
Marc Johnson évoque aussi son travail au bureau de comté. Il aimait beaucoup
cet aspect de ses fonctions, car il lui permettait d'être en contact avec la
population, avec les concitoyens et leurs problèmes. Il semble là aussi ne se
souvenir que du meilleur : « En vingt ans de vie politique, ce n'est pas
arrivé cinq fois que j'aie eu une discussion désagréable avec un citoyen ou
une citoyenne. »
Il se souvient que, au début des années 80, quand le taux de chômage et les
taux d'intérêt tournaient autour de 20 p. 100, il est arrivé que ses
enfants reviennent de l'école primaire en lui demandant si c'était vrai
que c'était sa faute si tout allait si mal. Mais il ajoute du même souffle
qu'il avait vécu la même chose étant jeune. Il est toujours pénible pour
un enfant de voir son père critiqué, juge-t-il, mais note qu'il faut savoir
rester serein et tenter d'expliquer à l'enfant ce qui se passe réellement.
Tout n'est quand même pas rose
Parmi les aspects moins roses de la vie politique, Pierre Marc Johnson note
les campagnes électorales qu'il juge par moment un peu absurde : « On nous
demande de réagir à chaud et intelligemment à une déclaration ou à un
événement qui s'est passé à 500 kilomètres de l'endroit où nous sommes
et qu'on nous présente sorti de son contexte, regrette-t-il. En plus, les
propos que nous tenons peuvent avoir une influence sur l'ensemble de la
campagne. »
Pierre Marc Johnson regrette également que, en politique, les questions d'image
et de perception prennent parfois le pas sur les idées et les intérêts réels
de la population. Selon lui, il peut arriver que l'Opposition exagère dans
ses critiques, mais rajoute aussitôt que cela est très rarement et que le
rôle de l'Opposition est essentiel dans nos démocraties parlementaires. De
certains médias, il finit par admettre qu'il leur arrive parfois de faire
preuve d'acharnement. Il rappelle au passage que des médias étaient allés
jusqu'à reprocher à son frère Daniel, qui était chef de l'Opposition à
Québec lors de la tempête de verglas de 1998, de ne pas intervenir et de ne
pas être suffisamment critique face au travail des autorités dans cette
situation de crise.
Pierre Marc Johnson constate lui aussi que les politiciens n'ont pas toujours
la cote d'amour auprès du public, mais il est aussi assuré que les gens ont
une grande confiance en la démocratie telle qu'on la connaît.
Après avoir ainsi fait le tour des bons et des moins bons côtés de la vie en
politique, Pierre Marc Johnson conclut : « On reste toujours un peu
nostalgique des moments passés en politique. J'ai eu la chance de pouvoir me
rebâtir une carrière très intéressante. Je suis devenu conseiller et j'interviens
régulièrement à ce titre auprès des Nations Unies ou de gouvernements
nationaux. Mais je suis bien conscient qu'un conseiller ne décide jamais
rien. Ce dont je m'ennuie le plus de la politique, c'est de décider. »
La politique de demain
Questionné à propos de la politique de demain, Pierre Marc Johnson prédit
que, du moins dans les sociétés développées, les fonctions de l'État
seront de plus en plus dépendantes de la technologie. La classe politique
croit-il aura accès à l'expertise du monde entier en une fraction de
seconde. Il rappelle que, traditionnellement, l'homme ou la femme politique
demandait à ses sous-ministres et hauts fonctionnaires de faire des recherches
pour savoir comment les gouvernements français, anglais, etc. s'y prenaient
pour régler tel ou tel problème, en précisant qu'il s'agit souvent d'un
travail long et fastidieux. « Les choses seront beaucoup plus simples et
rapides avec l'Internet, assure l'ex-premier ministre. Et je pense que la
qualité de l'information qu'on pourra y trouver sera exceptionnelle, parce
qu'on aura mis sur pied des réseaux où la qualité de l'information sera
assurée. »
En même temps qu'elle sera disponible pour les politiciens, cette information
de grande qualité sera aussi à la portée d'un nombre de plus en plus grand
de citoyens, ce qui fait que la gestion politique ne pourra plus être axée sur
la détention de l'information par un groupe très fermé, prévoit aussi
Pierre Marc Johnson. « Le grand défi pour les politiciennes et politiciens
sera de passer d'un pouvoir basé sur la connaissance à un pouvoir basé sur
le leadership », résume-t-il.
Pierre Marc Johnson se questionne aussi à propos d'un autre effet que
pourrait entraîner le développement des nouvelles technologies de
communication. « Est-ce qu'on va consulter plus souvent la population ?
Est-ce que, par exemple, avant de prononcer un discours, un politicien va, par
sondage électronique, tâter le pouls de ses concitoyens sur telle ou telle
question un peu controversée ? », demande-t-il.
L'ancien premier ministre voit du bon et du mauvais à cette multiplication
des sondages. Traditionnellement, les citoyens élisent des personnes à la
sagesse desquelles ils se fient, explique-t-il. Ils les élisent et les laissent
travailler un bout de temps. Il y a bien quelques sondages où les citoyens
peuvent exprimer leur satisfaction ou leur insatisfaction, mais les députés et
ministres travaillent, reçoivent des avis, soupèsent le pour et le contre,
discutent et réfléchissent pendant de longues heures à divers sujets, ce qui
donne une certaine cohérence à l'action des élus. » La technologie
permettant à peu de frais de multiplier les consultations, Pierre Marc Johnson
craint que les politiciennes et politiciens n'osent plus diriger et prennent
constamment les décisions faisant le plus plaisir à leurs électeurs. « On ne
peut pas demander à des citoyens qui travaillent neuf heures par jour et qui s'occupent
de leur famille de prendre des décisions politiques aussi éclairées que les
élus qui, eux, travaillent et réfléchissent à ces questions à longueur de
journée. C'est une erreur de croire que la majorité a toujours spontanément
raison sur toutes les questions. »
Le temps des alliances
Avec la mondialisation du commerce et la création de grandes zones de
libre-échange, Pierre Marc Johnson estime que les gouvernements nationaux vont
peu à peu perdre une grande partie de leur pouvoir d'intervention au
bénéfice de régimes internationaux dans lesquels les états deviendront des
acteurs parmi d'autres et que les décisions importantes en matière
économique, de fiscalité ou de subventions, seront soumises aux règles de ces
grands ensembles.
Second effet du phénomène de mondialisation sur la vie politique, une partie
importante des fonctions des politiciennes consistera à jouer un rôle de
médiateur à l'intérieur de ces grands ensembles. « Nous élirons donc
des femmes et des hommes politiques ouverts sur le monde, multilingues, qui vont
apprécier d'être confrontés à une réalité et un environnement éclaté
et complexe. »
Ouvert sur le monde, polyglotte, expert en médiation… Cela vous fait-il
penser à quelqu'un ? Faudra-t-il s'étonner si, un jour, Pierre Marc
Johnson nous propose ses services pour, à titre de Premier ministre, aider le
Québec à se tailler une place de choix sur l'échiquier international et
entrer dans la nouvelle économie mondiale ?