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Construire sur le savoir étudiant pour combattre l’influenza et la COVID-19

Une équipe de recherche de l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS) fait la couverture de l’édition de janvier de ChemMedChem

La couverture représente l’inhibition par le composé peptidomimétique 15m de la matriptase, protéase humaine activatrice de la grippe, exprimée dans les cellules des voies respiratoires.

La couverture représente l’inhibition par le composé peptidomimétique 15m de la matriptase, protéase humaine activatrice de la grippe, exprimée dans les cellules des voies respiratoires.


Photo : Malihe Hassanzadeh, postdoctorante en pharmacologie, Université de Sherbrooke

« Placer les personnes étudiantes au centre de la recherche », voilà une formulation martelée sans relâche dans le plan stratégique en recherche de l’Université de Sherbrooke. Comme le suggère le concours de l’ACFAS, « la preuve doit parfois se faire par l’image ». Et c’est exactement ce qu’a fait l’équipe composée d’un ancien étudiant au doctorat en pharmacologie (Éloïc Colombo), d’un professionnel de recherche (Antoine Désilets) et de chercheurs membres de l’IPS (les professeurs Richard Leduc et Pierre-Luc Boudreault).

Nous sommes en 2010, à peine sortis de la pandémie de grippe H1N1. Éloïc Colombo, alors étudiant au doctorat en pharmacologie à l’IPS dans les laboratoires des professeurs Richard Leduc et feu Éric Marsault, se lance dans un projet portant sur le virus de l’influenza, responsable de la grippe. Son projet de recherche, effectué en collaboration avec le professeur Martin Richter et son équipe, vise alors la création d’une nouvelle classe de molécules antivirales bien particulière : au lieu de cibler une composante du virus lui-même comme la plupart des antiviraux connus, cette molécule effectuerait plutôt son travail à travers une protéase présente dans les cellules humaines, soit la matriptase. Reconnue pour permettre l’entrée des virions H1N1 dans les cellules humaines, la matriptase constitue alors une cible pharmacologique de choix pour combattre ce virus. Cinq ans plus tard, en 2015, la molécule en question est créée et Éloïc Colombo obtient son doctorat en pharmacologie.

Deux pandémies qui se suivent et se ressemblent

Le 13 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sonne l’alarme : un nouveau virus respiratoire, le SRAS-CoV-2, sème la mort en Asie et en Europe et cause la pandémie de COVID-19. Brevetée en 2017, la molécule créée dans le cadre du projet doctoral d’Eloic Colombo réémerge. Le laboratoire du professeur Richard Leduc et celui du professeur Pierre-Luc Boudreault cherchent à savoir si cette molécule antivirale pourrait fonctionner sur ce nouveau virus respiratoire. Après l’avoir modifiée et validée pour qu’elle cible aussi la protéase TMPRSS2, essentielle à l’entrée du SRAS-CoV-2 dans l’organisme humain, les résultats sont probants, en plus d’être publiés dans la prestigieuse revue Nature.

En exploitant les avancées de la chimie médicinale moderne, notamment grâce à la conception de médicaments assistée par ordinateur, notre équipe a réussi à affiner et à optimiser une nouvelle classe de molécules thérapeutiques, dotées de la capacité à combattre efficacement la COVID-19, de même que l’Influenza. En ciblant de manière sélective les enzymes clés des cellules humaines, cette approche offre une solution potentielle devant le taux élevé de mutation des virus et l’émergence de souches résistantes aux médicaments. - Pierre-Luc Boudreault, professeur-chercheur à l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS)

Le professeur Pierre-Luc Boudreault, Faculté de médecine et des sciences de la santéFMSS, Département de pharmacologie-physiologie
Le professeur Pierre-Luc Boudreault, Faculté de médecine et des sciences de la santé
FMSS, Département de pharmacologie-physiologie
Photo : Université de Sherbrooke

Grâce au travail de l’équipe composée des professionnels de recherche Antoine Désilets, Julien Delbrouck, Isabelle Marois et Dominic Cliche (membres des groupes de recherche dirigés par les chercheurs Pierre-Luc Boudreault, Richard Leduc, François Jean [UBC] et Martin Richter), la molécule a désormais un spectre plus large, c’est-à-dire qu’elle cible toute une famille de protéases. Des études réalisées en laboratoire sur des cellules pulmonaires permettent à l'équipe de recherche de confirmer que la molécule initialement développée dans le cadre du projet doctoral d’Éloïc Colombo a désormais un potentiel thérapeutique tant contre le virus de l’influenza que celui de la COVID-19. Presque dix ans après l’obtention de son doctorat, Éloïc Colombo (ancien coordonnateur scientifique de l’IPS) voit son projet faire la première page d’une revue scientifique de premier plan, soit la revue spécialisée en chimie médicinale ChemMedChem.

Je suis très honoré que mon projet de doctorat fasse la couverture du Journal ChemMed Chem presque dix ans après la fin de mes études doctorales! Pour moi, cela démontre bien comment le savoir émergeant des travaux des étudiants peut servir de base pour construire d’autres savoirs. Je remercie l’éditeur pour cette belle reconnaissance, puis toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin à ce grand projet collaboratif. - Éloïc Colombo, ancien étudiant au doctorat en pharmacologie, en codirection avec les professeurs Richard Leduc et feu Éric Marsault.

Éloïc colombo, ancien étudiant au doctorat en pharmacologie en codirection avec les professeurs Richard Leduc et feu Éric Marsault
Éloïc colombo, ancien étudiant au doctorat en pharmacologie en codirection avec les professeurs Richard Leduc et feu Éric Marsault
Photo : Fournie

Une meilleure compréhension pharmacologique des virus respiratoires insuffle de l’espoir, alors que les experts s’entendent pour dire que les pandémies risquent de se multiplier dans les prochaines décennies. Les prochaines étapes, espérons-le, permettront de confirmer l’efficacité thérapeutique de la molécule dans un contexte préclinique ou clinique en vue du développement potentiel d’une nouvelle famille d’antiviraux.

Depuis 2010, cette étude a réuni plusieurs acteurs principaux, mais aussi plusieurs professionnels et collaborateurs qui ont contribué à la réussite du projet. Nommons notamment Malihe Hassanzadeh (postdoctorante du laboratoire Boudreault ayant contribué à la réalisation de l’illustration apparaissant sur la couverture de la revue), l’étudiant Gabriel Lemieux, le professionnel de recherche Alexandre Murza et le professeur feu Éric Marsault.