Le microbiote du pommier : une question de temps et de verger

La pomme est un fruit omniprésent dans les familles québécoises. Mais, alors qu’on s’intéresse principalement au pommier pour la polyvalence de son fruit, une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke y voit un tout autre intérêt.
En effet, au Département de biologie de la Faculté des sciences, la professeure Isabelle Laforest-Lapointe et son équipe s’intéressent au microbiote de cet arbre de grande importance économique et culturelle. Défini comme l’ensemble des microbes qui colonisent un même environnement, le microbiote est étroitement lié à la santé et à la croissance de toutes les plantes. S'intéresser à celui du pommier permet donc de jeter un nouvel éclairage scientifique sur la gestion des maladies végétales en milieu agricole.
La pomiculture : un défi plus haut que trois pommes
Au grand désarroi des personnes qui travaillent dans l’industrie de la pomme, le pommier est une espèce dont la santé est menacée par une maladie d’origine bactérienne : le feu bactérien.

Photo : Fournie
Le feu bactérien se manifeste aux extrémités des branches pendant l’été à la suite d’une infection printanière des fleurs de pommiers. Certains vergers ainsi que certaines variétés de pommiers (comme la Paulared et la Cortland) sont plus à risque de développer le feu bactérien, mais les causes de cette vulnérabilité restent incertaines. De plus, bien qu’il existe des traitements préventifs contre cette maladie ravageuse, ceux-ci sont connus comme ayant des effets négatifs sur la santé humaine et pour l’environnement. L'utilisation d’antibiotiques, par exemple, peut mener à l’émergence de résistances chez les microbes.
Le projet : une règle de trois
À l’aide des personnes étudiantes de son laboratoire, la professeure Laforest-Lapointe cherche donc à mieux comprendre le microbiote des feuilles de pommier. Plus précisément, l’équipe cherche à savoir si les pommiers qui partagent un même emplacement géographique et une même variété ont des microbiotes qui se ressemblent, et ce, en fonction des saisons. Pour ce faire, des échantillons de feuilles ont été récoltés dans trois vergers, sur trois variétés de pommiers, et ce, à trois moments durant l’été.
Miroir, miroir, quels microbiotes se ressemblent le plus?
Pour déterminer si deux microbiotes se ressemblent, les scientifiques ont basé leur recherche sur deux facteurs principaux, soit leur composition et leur diversité. Alors que la composition fait référence aux types de microbes présents dans un microbiote, la diversité est plutôt une mesure qui prend en compte la composition de ces microbiotes ainsi que le nombre de fois qu'ils sont présents. À partir de ces informations, il est possible de mesurer à quel point les microbiotes se ressemblent ou bien à quel point ils sont différents.
La variété et le verger : une histoire de famille

Photo : UdeS
Grâce à ses recherches, l’équipe de la professeure Laforest-Lapointe a déterminé que la composition du microbiote des feuilles de pommier varie en fonction des vergers et non pas en fonction des variétés de pommier. En d’autres mots, si on compare les pommiers à des individus et les vergers à des familles, on peut dire que les individus d’une même famille ont des microbiotes qui se ressemblent alors que ceux provenant de différentes familles ont des microbiotes différents.
Le temps fait (bien) les choses
Comme l’équipe a récolté des échantillons à trois moments durant l’été, cela lui a permis de déterminer que le passage du temps influence grandement le microbiote. En début de saison, par exemple, la diversité était beaucoup plus élevée qu’en fin de saison. L’hypothèse est qu’au printemps, plusieurs microbes partagent la surface des feuilles de manière « équitable », alors que vers la fin de l’été, seuls certains microbes viennent envahir l’espace disponible. Est-ce une bonne chose? Cela reste à découvrir.
Ce que l'avenir nous réserve
L'étude du laboratoire Laforest-Lapointe permet de mettre en lumière les variables qui influencent la composition et la diversité des communautés de microbes sur les feuilles de pommier. Cela contribue à bâtir un lot de connaissances qui seront utiles pour mieux lutter contre le feu bactérien. Cependant, plusieurs aspects restent encore à explorer. Comment les pratiques agricoles influencent-elles le microbiote? Sa composition et sa diversité varient-elles d'une année à l'autre? Quel est l’avenir des traitements contre le feu bactérien? Restez à l’affût, puisque des personnes étudiantes tentent actuellement de répondre à ces questions!