IBM et l'Université de Sherbrooke annoncent deux chaires de recherche quantique
Le premier titulaire de chaire, Cunlu Zhou, professeur à l'UdeS, présente ses projets de découverte d'algorithmes

L'Université de Sherbrooke (UdeS), partenaire de longue date du IBM Quantum Network, lance les deux premières chaires de recherche IBM Quantum dans le cadre de son Institut quantique (IQ). Soutenues par IBM Canada, les chaires mèneront des projets réalisés par des étudiantes et étudiants dans trois domaines sur une période de cinq ans.
L'Université de Sherbrooke est à la tête d'un écosystème quantique florissant qui comprend 10 entreprises quantiques en démarrage et acteurs établis. Avec PINQ2 et Hydro-Québec, elle a cofondé le groupe de travail IBM Quantum en développement durable. Son objectif ambitieux est de concevoir des solutions d'informatique quantique et hybrides pour relever des défis de développement durable dans les domaines des matériaux et de l'énergie. En avril de cette année, la Banff International Research Station accueillera l'atelier du groupe de travail IBM Quantum en développement durable à Banff, en Alberta.
Le premier domaine concerne la découverte d'algorithmes à l'aide des ordinateurs quantiques actuels d'IBM, y compris le IBM Quantum System One de PINQ2, et de futurs systèmes capables de corriger les erreurs d'ici à la fin de la décennie. Le second se concentre sur l'exécution de démonstrations expérimentales quantiques à grande échelle, en poussant les capacités des systèmes d’IBM vers l'avantage quantique. Le troisième explore la traduction de la recherche algorithmique en applications industrielles avec le soutien de Distriq, la Zone d'innovation quantique du Québec.
En 2023, PINQ2 et IBM ont dévoilé le premier IBM Quantum System One du pays, auquel l'IQ de l'Université de Sherbrooke a un accès privilégié. Pour en savoir plus, cliquez ici.
La première chaire de recherche est dirigée par Cunlu Zhou, professeur adjoint d'informatique à l'UdeS. Ses recherches portent sur l'interaction entre l'informatique quantique, la théorie de la complexité et la physique quantique à plusieurs corps. Dans cette séance de questions-réponses, le Pr Zhou évoque ses projets et ses attentes en matière de découverte d'algorithmes quantiques en tant que titulaire de la chaire de recherche IBM Quantum de l'UdeS.
L’UdeS et IBM annonceront la personne titulaire de la deuxième chaire de recherche sous peu. Cette personne et son équipe auront l'occasion de collaborer avec l'équipe du Pr Zhou ainsi qu'avec d'autres chercheurs quantiques au Canada et dans le monde entier, afin d'adapter et d'appliquer les algorithmes quantiques à des cas d’usage industriels. La deuxième chaire de recherche IBM Quantum sera rattachée au Département de génie électrique et informatique de l'UdeS. Pour en savoir plus sur ce poste de niveau professoral, veuillez communiquer avec l'UdeS.
Questions-réponses avec le Professeur Cunlu Zhou de l'UdeS, titulaire de la chaire de recherche IBM Quantum

Photo : fournie
Qu'est-ce qui vous intéresse le plus dans l'informatique quantique et qu'est-ce qui rend l'UdeS idéale pour vos recherches?
Permettez-moi tout d'abord de vous expliquer comment j'en suis arrivé à l'informatique quantique. J'ai découvert l'informatique quantique pour la première fois lors d'un stage d'été au laboratoire de recherche IBM à Dublin en 2018, alors que je poursuivais mes études au doctorat en mathématiques à University of Notre Dame. Pour mon doctorat, je travaillais sur les algorithmes d'optimisation et la théorie classique de l’encodage avec correction d'erreurs, donc avant mon stage je n’en connaissais que très peu sur l’informatique quantique.
Au cours de mon stage, mon mentor m'a suggéré d'explorer les applications potentielles de l'informatique quantique dans les problèmes d'optimisation. J'ai appris les bases de l'informatique quantique pendant cette période et, en allant plus loin, j'ai été fasciné par la façon dont la mécanique quantique pouvait offrir des moyens fondamentalement nouveaux de résoudre des problèmes insolubles pour les ordinateurs classiques.
Ce qui me passionne le plus dans l'informatique quantique, c'est la nature interdisciplinaire de ce domaine : il réunit la physique, l'informatique, les mathématiques et l'ingénierie pour repousser les limites de ce qui est possible en matière de calcul. Faire partie de cette convergence est à la fois stimulant et profondément gratifiant.
Je pense qu'il y a trois aspects clés qui font de l'UdeS l'endroit idéal pour faire de la recherche quantique : les gens, la communauté et les partenariats industriels. J'ai eu le privilège de travailler ici avec certains des meilleurs collègues et des scientifiques de classe mondiale. L'UdeS possède également l'une des communautés quantiques les plus dynamiques, centrée autour de l'IQ, un institut de renommée mondiale qui met l'accent sur la recherche interdisciplinaire en science quantique.
Pour le développement d'algorithmes quantiques, l'un de mes axes de recherche, la collaboration avec des partenaires industriels est cruciale. L'UdeS entretient des relations étroites avec des entreprises telles qu'IBM, et la création de cette chaire de recherche en est un excellent exemple.
De plus, l'UdeS est la première université francophone à proposer un baccalauréat en science de l'information quantique, ce qui représente un excellent bassin pour le recrutement de personnel hautement qualifié.
Qu'est-ce qui a changé - et quelle a été la plus grande surprise - depuis que vous avez commencé à travailler dans le domaine de l'informatique quantique?
Beaucoup de choses ont changé! D'une part, les ordinateurs quantiques ont connu d'énormes progrès, non seulement en ce qui concerne le nombre de qubits, mais aussi leur qualité. Nous sommes passés de l'ère des petits dispositifs quantiques expérimentaux à l'ère de l'utilité quantique, annoncée en premier par IBM en 2023. La correction d'erreurs quantiques a également connu une évolution majeure, avec des progrès rapides dans ce domaine au cours des dernières années. Sur le plan des algorithmes, les chercheurs ont largement délaissé les algorithmes quantiques variationnels simples pour passer à des algorithmes d’utilité quantique plus sophistiqués pour des expériences à court terme, ainsi qu'aux premiers algorithmes quantiques tolérants aux fautes.
Parmi les autres changements importants, citons l'augmentation des investissements mondiaux et la croissance des écosystèmes quantiques, comme celui qui se développe à Sherbrooke. En outre, nous voyons de plus en plus de programmes universitaires spécialisés de premier et de deuxième cycles visant à former la prochaine génération de talents quantiques, comme celui que nous avons à l'UdeS.
Ce qui m'a le plus surpris, c'est la rapidité avec laquelle la correction d'erreurs quantiques progresse. À ce rythme, il n'est pas exagéré d'imaginer un ordinateur quantique tolérant aux fautes dans les cinq prochaines années. En effet, selon la dernière feuille de route quantique d'IBM, nous nous attendons à voir un système quantique avec 200 qubits logiques capable d'exécuter 100 millions d’opérations. Ce serait formidable!
Quel est votre premier objectif en tant que titulaire de la nouvelle chaire de recherche IBM de l'UdeS?
Constituer un groupe travaillant sur le développement d'algorithmes quantiques. Je suis donc en mode recrutement.
Pourquoi la découverte d'algorithmes est-elle si importante à ce stade du développement de la technologie de l'informatique quantique?
Nous sommes à l'ère de l'utilité quantique et nous entrerons bientôt (espérons-le!) dans les débuts de l'ère de la tolérance aux fautes. Pour réaliser le plein potentiel de ces systèmes quantiques, et pour démontrer à terme les avantages quantiques pratiques, nous avons besoin de nouveaux algorithmes.
Quels sont les projets de découverte d'algorithmes que vous souhaitez lancer et de quelle manière impliquerez-vous votre équipe?
Il y aura deux types de projets de découverte d'algorithmes : l'un axé sur les algorithmes d’utilité quantique robustes au bruit, et l'autre sur les débuts des algorithmes quantiques tolérants aux fautes.
Les étudiantes et étudiants seront impliqués de bout en bout, c'est-à-dire qu'ils participeront dès le début - en lançant des idées, en lisant de la documentation, en assistant à des réunions de projet, en travaillant sur les mathématiques, en effectuant des simulations, en mettant en œuvre le matériel, et enfin en rédigeant des articles et en les soumettant pour publication. Ils sont également fortement encouragés à présenter leurs travaux lors de conférences et d'autres événements professionnels.
Quels sont les domaines d'application sur lesquels ce projet devrait avoir un impact?
Plusieurs domaines pourraient être impactés. Tout d'abord, cela fera progresser l'informatique quantique elle-même. Comme je l'ai mentionné précédemment, le développement d'algorithmes est essentiel pour réaliser le plein potentiel des avancées des systèmes quantiques. Celui-ci est également essentiel pour guider la conception des ordinateurs quantiques, car la co-conception entre les algorithmes et les systèmes physiques crée un cycle mutuellement bénéfique qui stimule le progrès dans ce domaine.
En outre, je pense que les impacts les plus immédiats et à moyen terme de l'informatique quantique concerneront la recherche scientifique. Bon nombre de mes projets de découverte d'algorithmes se concentreront sur les algorithmes permettant d'étudier les systèmes quantiques à plusieurs corps, un domaine dans lequel l'informatique quantique peut fournir de nouveaux outils et de nouvelles connaissances très utiles.
Enfin, à long terme et de manière plus pratique, la science des matériaux est l'un des domaines où je pense qu'un impact important pourrait se faire sentir.
De quelle formation les étudiantes et les étudiants intéressés ont-ils besoin pour postuler et avoir l'opportunité de faire partie de vos projets de la chaire de recherche quantique?
Compte tenu de la nature interdisciplinaire de ces projets de recherche, les étudiantes et étudiants ayant une solide formation dans une ou plusieurs des trois disciplines principales - physique, informatique ou mathématiques - sont encouragés à poser leur candidature. Une connaissance préalable de l'informatique quantique est certainement un avantage, mais ce n'est pas une exigence stricte. Une expérience ou des connaissances dans des domaines tels que les algorithmes, la théorie du calcul, les méthodes numériques et l'analyse, la physique quantique, ainsi que de solides compétences en matière de programmation sont vivement souhaitées.
Les personnes étudiantes intéressées peuvent trouver plus d'informations sur mon site web.
Au bout de cinq ans, à quoi ressemblera le succès pour vous?
La réussite des personnes étudiantes est ma réussite. Si elles s'épanouissent professionnellement, que ce soit dans le monde universitaire ou dans l'industrie, c'est pour moi la mesure ultime de la réussite. Au-delà de cela, j'espère les voir contribuer de manière significative au domaine de l'informatique quantique, que ce soit en faisant progresser les connaissances scientifiques ou en développant des technologies à fort impact. Si, après cinq ans, nous avons également produit des recherches de haute qualité, réalisé des progrès significatifs dans le développement d'algorithmes et contribué à former la prochaine génération de talents quantiques, je considérerai cette aventure comme un succès.