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Entretien avec Patricia Dionne, professeure agrégée de l'Université de Sherbrooke

Préparer son entrée sur le marché du travail

Patricia Dionne, professeure agrégée au Département d'orientation professionnelle
Patricia Dionne, professeure agrégée au Département d'orientation professionnelle
Photo : Michel Caron

Dans le contexte de pandémie que l’on vit présentement, faire son entrée sur le marché du travail peut être préoccupant. Les réalités changent, tant pour les employés que pour les employeurs. Depuis mon entrée comme stagiaire au Service des relations avec les diplômées et diplômés, je me questionne sur ce que vivent celles et ceux qui viennent tout juste de terminer leurs études. Est-ce plus difficile de trouver un emploi en ce moment? Est-ce indispensable de trouver rapidement?

Pour répondre à mes différentes interrogations, je me suis entretenue avec Patricia Dionne, professeure agrégée au Département d'orientation professionnelle. Nous avons parlé de différents sujets ensemble, notamment de la recherche d’emploi, du plan de carrière et de l’importance d’un bon réseau de contacts. J'ai aussi voulu déconstruire quelques mythes fréquents dans le domaine de l'orientation de carrière.

Entretien privilégié

J’aimerais tout d’abord que l’on aborde ensemble le sentiment d’être « au bon endroit ». Lorsqu’on devient une diplômée ou un diplômé, c’est parfois difficile de savoir si on est dans le bon domaine. Comment s’assurer que le baccalauréat dans lequel on vient de diplômer était le bon pour nous?

Pendant le baccalauréat, chaque personne développe des compétences en lien avec sa formation. Une fois sur le marché du travail, si les opportunités qui lui sont offertes lui permettent de poursuivre son développement et qu’elle a du plaisir à faire les tâches qui sont en lien avec son travail, ce sont de bons indicateurs qui lui permettent de savoir qu’elle est dans le bon domaine.

Pour ce qui est de la question « est-ce que j’ai fait le bon choix de programme? », il faut se rappeler qu’il existe différentes options de professions, de domaines et de profils dans un même programme. Si jamais l’emploi que vous avez présentement ne vous convient pas, il y a certaines questions que vous pouvez vous poser avant de vous réorienter totalement. Tout d’abord, qu’existe-t-il comme opportunités dans le même domaine qui me satisferaient davantage? Ensuite, est-ce qu’il y a une autre entreprise qui correspond mieux à ce que je cherche? Finalement, quelles actions puis-je poser pour transformer mon milieu de stage afin qu’il me corresponde davantage?

Peut-être que ce sont simplement les tâches de votre emploi actuel qui rejoignent moins ce qui vous passionne, et non pas le domaine en tant que tel. C’est important de trouver son emploi stimulant, et d’avoir des tâches qui vont nous permettre de se développer professionnellement.

Outre les tâches, quels sont les critères importants qu’il faut considérer lorsqu’on veut départager deux offres d’emploi intéressantes?

Il faut premièrement voir si les valeurs de l’entreprise nous correspondent. Chaque personne recherche quelque chose de différent, selon ses besoins : les conditions de travail, le respect de l’environnement, la possibilité de faire du télétravail, l’octroi de congés, etc. Aussi, il est important d’avoir une connaissance de l’équipe de travail et de se demander si les personnes avec qui nous allons travailler vont nous permettre de cheminer dans notre développement professionnel et personnel. Il est aussi important d’avoir la possibilité d’être en contact avec des mentors et d’avoir accès à de la formation continue.

Bien sûr, ce n’est pas tout le monde qui peut se laisser le même temps pour évaluer différentes offres d’emploi. Il peut arriver que nous ayons besoin de faire des choix qui correspondent à nos besoins du moment (financiers, familiaux), et de prendre plus de temps pour faire une recherche approfondie par la suite. Oui, certaines opportunités vont apparaitre, mais on peut aussi en créer de nouvelles, et ce, tout au long de son parcours professionnel.

Justement, en ce moment, certaines entreprises ne recrutent pas et d’autres recrutent moins à cause de la pandémie. Auriez-vous des trucs à donner aux nouvelles diplômées et nouveaux diplômés pour se démarquer?

L’important, c’est d’être à l’affût des secteurs qui vont bien dans l’économie. Oui il y a certaines entreprises qui recrutent moins, mais d’autres recrutent plus. Il ne faut pas oublier qu’avant la pandémie, nous étions dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Il faut donc s’assurer d’être la première personne qu’un employeur va contacter lorsqu’il sera dans un processus d’embauche.

Dans ce cas, comment peut-on trouver des offres d’emploi intéressantes dans son domaine?

Tout d’abord, il faut suivre les sites où les entreprises communiquent des demandes ou de nouveaux contrats. On pense notamment à IMT en ligne (Information sur le marché du travail), Jobboom, Emploi-Québec, le Service des stages et du développement professionnel (SSDP) de l’Université de Sherbrooke ou encore les sites des ordres ou des associations professionnelles.

Une autre méthode est de chercher dans ce qu’on appelle le « marché caché ». Il s’agit de faire des démarches par soi-même pour cibler quelles entreprises nous intéressent et de faire un suivi assez constant même si elles n’engagent pas présentement, par exemple à l’aide d’un tableau avec le nom des personnes qui s’occupent des embauches.

Finalement, le réseau de contacts est lui aussi important dans la recherche d’emploi. Avec la situation actuelle, il faut toutefois repenser le réseautage et saisir les occasions. Par exemple, participer à des conférences virtuelles ou des webinaires et être actif en allumant sa caméra et en posant des questions.

Selon-vous, à quel moment devrait-on se faire un plan de carrière?

En fait, il ne s’agit pas de se faire un plan, mais plutôt de voir sa carrière comme un trajet. À différents moments, il faut avoir des réflexions ponctuelles et se demander où on en est, quelles compétences sont maîtrisées, lesquelles on veut développer davantage, et quels défis pourraient être stimulants. C’est une réflexion qui se construit pendant les études, mais qui est activée pendant la recherche d’emploi. Il faut donc s’établir des critères pour orienter la recherche d’emploi, comme « quelles sont mes priorités? ». Souvent, un premier emploi est plutôt choisi comme un tremplin, une opportunité. On le prend parce qu’on a besoin d’une première expérience dans le domaine, mais on peut ensuite s’ouvrir à d’autres possibilités.

Donc, il n’est jamais trop tard pour se questionner et se réorienter?

Non, et on n’est pas obligé d’attendre que ça ne se passe pas bien avant de réfléchir à son cheminement professionnel. On peut agir en prévention, et prendre rendez-vous dans une clinique d’orientation pour faire un bilan des compétences ou un plan de développement de carrière.

Mythes à déconstruire

Si tu ne trouves pas d’emploi dans ton domaine d’étude dans la première année après ta graduation, tu ne trouveras jamais.

Photo : Karine Couillard

Au contraire! Si on ne trouve pas tout de suite, c’est important d’utiliser cette année-là comme une opportunité. On peut faire des formations, se tenir au courant de ce qui se passe dans notre milieu. On peut aussi en profiter pour se mettre à jour sur des éléments qu’on maîtrisait moins durant ses études, ou encore pour travailler dans des domaines connexes. Si on a un trou dans son CV parce qu’on n’a pas eu d’emploi tout de suite après la fin de ses études, c’est important de faire valoir à son futur employeur tout ce qu’on a développé durant cette année-là et de montrer qu’on est resté impliqué.

Si tu ne connais personne dans le domaine qui t’intéresse, tu auras plus de difficulté à trouver un emploi.

C’est évident que le réseautage est important. Les premiers liens qu’on crée dans notre parcours scolaire sont avec nos professeurs et nos collègues de classe. Aussi, dans le cadre des stages, c’est presque impossible de ne pas développer de relations professionnelles. L’important, c’est de mieux utiliser ces contacts-là. Quand d’anciennes ou d'anciens collègues de classe obtiennent un emploi dans le milieu qui nous intéresse, ils deviennent des personnes ressources. Le vrai mythe est plutôt : si tu n’as pas de réseau de contacts, tu n’en auras jamais. Son réseau, il est important de travailler à le développer, et il se construit tout au long d’une carrière.

Conclusion

Dans le contexte actuel, ça peut être stressant de faire ses recherches d’emploi. Selon Patricia Dionne, le plus important c’est « d’être indulgent envers soi-même et de ne pas juger sa performance. Certes, on peut être actif dans sa recherche d’emploi, mais tout en étant bienveillant devant un contexte qui, en ce moment, peut rendre ça plus difficile ».