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Percée en informatique quantique

Les atomes peuvent désormais communiquer librement, sur de grandes distances

Alexandre Blais, professeur au Département de physique
Alexandre Blais, professeur au Département de physique

Photo : Michel Caron

Pour la toute première fois, les atomes peuvent communiquer librement – et non de manière confinée – sur une distance jamais vue en mécanique quantique. Par cette percée publiée dans la revue Science, une équipe de physiciens de l’UdeS et ses collaborateurs ouvrent ainsi la voie à des expérimentations à l’échelle non plus atomique mais bien macroscopique, marquant un pas déterminant dans l’avancée de l’ordinateur quantique.

Jeu de construction

Alexandre Blais se passionne pour l’informatique quantique, cette science menée par le rêve de l’ordinateur quantique. Un calculateur reposant sur les propriétés de la matière de l’infiniment petit, qui serait formidablement puissant, beaucoup plus rapide et plus adapté que l’ordinateur classique pour résoudre certains problèmes liés à l’encryptage de données, au design de nouveaux médicaments ou à la recherche dans des bases de données complexes, notamment. Ce théoricien joue donc avec les atomes, les photons, les théories et les calculs, comme d’autres jouent à emboîter des briques de style Lego. Il fournit ultimement aux expérimentateurs la théorie et l’analyse nécessaires à la construction d’une combinaison de photons (lumière) – unité élémentaire utilisée ici comme support de l’information – et d’atomes (matière), le tout dans un circuit électrique constitué de supraconducteurs.

À cette fin, Alexandre Blais et Kevin Lalumière, de la Faculté des sciences de l’UdeS, travaillent avec les équipes de Barry Sanders, professeur à l’Université de Calgary, et d’Andreas Wallraff, professeur au Swiss Federal Institute of Technology de Zurich.

Jusqu’ici, ces chercheurs expérimentaient sur des photons et des atomes confinés dans l’espace, et ce, afin d’augmenter leurs possibilités d’interaction. Comme les photons se déplacent à la vitesse de la lumière, ils n’ont que très peu de temps pour interagir avec un atome unique. L’utilisation d’une cavité permet de piéger la lumière à proximité de l’atome et augmente ainsi les chances d’interaction.

«Cette approche est étudiée depuis une dizaine d’années par les physiciens en utilisant un très mince fil d’aluminium d’environ un centimètre de longueur en guise de cavité, dit Alexandre Blais, professeur au Département de physique. Toutefois, aucun n’avait tenté une telle interaction entre deux atomes à l’extérieur d’une cavité. Nous venons d’y arriver avec nos plus récents travaux.»

Constructions d’avenir

L’équipe ne travaille pas avec n’importe quel type de particules. Elle a choisi de créer ses propres atomes artificiels à partir de milliards d’atomes d’aluminium refroidis à près de -273 oC. À cette température proche du zéro absolu, l’atome artificiel ainsi assemblé garde certaines propriétés quantiques et il se contrôle beaucoup mieux que les vrais atomes, qui vont et viennent rapidement et dans tous les sens, compliquant les expérimentations.

Dans ces conditions, les chercheurs ont prouvé que les deux atomes artificiels liés par le circuit électrique pourraient être considérés comme une seule molécule, faiblement liés par l'interaction quantique résultant de l’échange de photons entre les atomes. Et l'interaction continue même lorsque les atomes ont été séparés de deux centimètres – une distance énorme dans l’univers quantique – et devrait persister de même sur de plus grandes distances.

Cette recherche montre que les deux atomes artificiels ont de toute évidence exposé une interaction cohérente jamais vue auparavant pour les systèmes quantiques distants dans un environnement ouvert.

«En plus, selon les dictionnaires, la mécanique quantique étudie des phénomènes fondamentaux à l’échelle atomique et subatomique. Nos résultats montrent que les effets quantiques persistent sur des échelles de distances macroscopiques. C’est un résultat emballant du point de vue fondamental et très encourageant sur le plan des applications pratiques», conclut avec satisfaction Alexandre Blais, qui a encore bien de quoi s’amuser!


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