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Innovation, infrastructures résilientes et industrialisation durable

La nature, c’est quantique!

Les technologies quantiques devraient permettre de trouver des solutions à des enjeux en santé, en énergie et en environnement. 
Les technologies quantiques devraient permettre de trouver des solutions à des enjeux en santé, en énergie et en environnement. 
Photo : Martin Blache, collaborateur

À première vue, les sciences quantiques ont peu en commun avec l’environnement et le développement durable. C’est pourtant l’un des domaines qui va littéralement métamorphoser l’avenir, puisqu’il participe concrètement à la recherche et à la mise en place de solutions durables aux enjeux environnementaux, aux défis de santé et à l'utilisation de l'énergie, par exemple.

En formant la première génération de bacheliers et bachelières en sciences de l’information quantique, l’Université de Sherbrooke prend part activement à cette révolution en cultivant un développement responsable de la science quantique. Mais comment cette génération de spécialistes pourra-t-elle changer l’avenir de la planète alors que l’ordinateur quantique n’est pas encore apte à résoudre des problèmes utiles à l’humanité?

Nous avons rencontré une équipe enseignante dans un baccalauréat facultaire où plusieurs disciplines sont réunies pour ouvrir bien grande la porte des possibilités. Leur approche commune : enrichir la formation étudiante avec le développement durable et nourrir ainsi la culture d’innovation qui est au cœur du programme.

À la Faculté des sciences de l’UdeS, des jeunes qui plongent dans le baccalauréat en sciences de l'information quantique sont d'emblée en accord avec la poursuite des objectifs de développement durable intégrés dans leur formation.
À la Faculté des sciences de l’UdeS, des jeunes qui plongent dans le baccalauréat en sciences de l'information quantique sont d'emblée en accord avec la poursuite des objectifs de développement durable intégrés dans leur formation.
Photo : Martin Blache, collaborateur

Ce texte est le treizième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. Le contenu dont il est question dans le présent texte traite de l'ODD 9 : Innovation, infrastructures résilientes et industrialisation durable.

Passer de geek à agent et agente de changement

À la Faculté des sciences de l’UdeS, des jeunes qui sont plongés dans cette formation pour le moins futuriste sautent à pieds joints dans la proposition que leur fait l’UdeS. Pour eux, la poursuite des objectifs de développement durable va de soi.

Il n’y a pas de département de sciences de l’information quantique à la Faculté des sciences. Ce baccalauréat multidisciplinaire a des ramifications avec plusieurs secteurs de la faculté et de l’université : le Département de physique, le Département d’informatique, le Département de mathématiques, l’École de gestion et la Faculté de génie.

Karl Thibault est coordonnateur à l'Institut quantique et enseignant au baccalauréat en sciences de l'information quantique.
Karl Thibault est coordonnateur à l'Institut quantique et enseignant au baccalauréat en sciences de l'information quantique.
Photo : Michel Caron - UdeS

Les personnes étudiantes apprennent à travailler avec les gens d’autres disciplines et apprennent ces différents langages. Aujourd’hui pour régler des problèmes liés aux objectifs de développement durable, qui sont très vastes, il faut parler avec des gens de toutes sortes de disciplines.

Karl Thibault, coordonnateur à l’Institut quantique et enseignant au baccalauréat en sciences de l'information quantique

Dans notre façon de les former pour sauver la planète, il y a tout l’aspect technologique, mais aussi des outils transversaux : réfléchir à la posture qu’ils et elles auront dans leur domaine, travailler en équipe, se questionner sur leur développement professionnel, soit qui ils sont, ce qu’ils veulent faire, pourquoi ils sont là; les considérations éthiques dans le milieu quantique, leur plan de carrière, etc.

Sarah Blanchette, directrice exécutive du baccalauréat en sciences de l’information quantique

Une carrière qui se définit au présent

Mais comment cette génération de spécialistes des technologies quantiques va-t-elle trouver son utilité dans ce domaine où tout reste à définir? En fait, c’est de la R et D sur les possibilités.

Les ordinateurs quantiques existent et sont utilisables, mais ils ne sont pas encore capables de résoudre des problèmes qui aident l'humanité. Les personnes étudiantes apprennent à se servir des sciences quantiques pour régler des problèmes et comprendre quels problèmes elles pourront résoudre, puis à faire des tests pour voir le potentiel. Quand l’outil sera là, il n’y aura pas de perte de temps pour l’utiliser.

Karl Thibault

Les jeunes apprennent aussi sur place à participer à quelque chose de grand. Dès la première année d’études, on doit réfléchir à l’éthique. Les objectifs de développement durable sont introduits à travers des projets intégrateurs. Et les jeunes en redemandent.

Sarah Blanchette est directrice exécutive du baccalauréat en sciences de l'information quantique.
Sarah Blanchette est directrice exécutive du baccalauréat en sciences de l'information quantique.
Photo : Michel Caron - UdeS

Dans la promotion du bac., on dit qu’on veut des gens curieux, qui aiment les sciences et qui veulent résoudre des problèmes complexes. On attire des personnes qui aiment la physique, les maths, l’informatique. Certains arrivent ici parce que c’est la technologie qui les intéresse. Ils sont chanceux d’avoir accès à cette technologie dès le premier cycle. Il y a cinq ans, je pensais que ce domaine était réservé à des personnes avec huit postdoctorats!

Sarah Blanchette

Dans son cours Projet intégrateur en vulgarisation scientifique, Souheila Hassoun invite les personnes étudiantes à réfléchir et à se positionner sur leur rôle.

Il y a des gens qui arrivent ici avec des rêves et qui sont très ouverts d’esprit, ambitieux, optimistes. Dans mon cours, les personnes étudiantes choisissent un sujet qui aura un impact de développement durable sur leur public. À la fin, dans leur portfolio, elles ont une réflexion à faire sur l’atteinte de ces objectifs, comme la place des femmes en sciences et comment elles s’intègrent dans les sciences quantiques.

Souheila Hassoun, professionnelle de recherche et enseignante au nouveau baccalauréat

Des vases communicants avec l’industrie

Mine de rien, les grandes entreprises, les multinationales et les grandes banques sont déjà en train de former des équipes pour prendre le virage quantique. On n’attend pas que la technologie soit disponible pour la comprendre et en prévoir les possibilités dans son secteur d’activités; on s’y prépare concrètement.

Mais l’industrie quantique est aussi très réelle. Déjà près d’une vingtaine d’entreprises se sont installées dans DistriQ, la zone d'innovation quantique de Sherbrooke. Et il y a bien plus : elles s’impliquent dans la formation.

Ma vision, c’est qu’on soit très proche de l’industrie, puisque c’est un domaine en émergence. Il faut rester à jour, puisque c’est un bac professionnalisant. On veut être certain que ce qu’on enseigne est pertinent pour l’industrie. C’est pourquoi plusieurs entreprises de la zone d'innovation sont présentes dans nos cours pour faire des projets avec nos étudiants.

Sarah Blanchette

Et on pense que la culture de responsabilité qu’on inculque aux personnes étudiantes va faire des petits à travers leurs milieux de stage et de travail.

Bien placé pour comprendre la nature

L’une des évidences au sujet des sciences quantiques, c’est que la nature elle-même est quantique. À ce moment-ci, on ne sait pas comment précisément les sciences quantiques pourront intervenir dans nos grands défis environnementaux, mais elles risquent de mieux les aborder, selon l’équipe enseignante.

C’est que les ordinateurs classiques fonctionnent sur un mode binaire (0 et 1), ce qui ne représente pas bien la nature. Les techniques classiques se sont développées énormément, mais elles ont des limites qui sont maintenant atteintes.

Souheila Hassoun est professionnelle de recherche et enseignante au baccalauréat en sciences de l'information quantique.
Souheila Hassoun est professionnelle de recherche et enseignante au baccalauréat en sciences de l'information quantique.
Photo : Michel Caron - UdeS

Parce que la nature est quantique, la simulation à l’aide du quantique est une application très prometteuse. Par exemple, l’ordinateur quantique permet de simuler des molécules parce qu’il est atomique.

Souheila Hassoun

Il y a certains procédés très communs qui sont très énergivores, comme la production de ciment, qui utilise 10 % de l’énergie mondiale, et la production de fertilisants (engrais azotés synthétiques), qui nécessite environ 4 % de l'énergie mondiale. En plus d’être énergivores, ces procédés ne sont pas efficaces. On sait que la nature le fait mieux que ce qu’on fait en laboratoire, mais on ne sait pas comment. L'ordinateur quantique pourrait aider à le comprendre.

Karl Thibault

De puissantes possibilités de calcul au service du développement durable

En exploitant ses puissantes possibilités de calcul notamment, on dit que les technologies quantiques devraient permettre de trouver des solutions à des enjeux en santé, en énergie et en environnement. Et en attendant que l’ordinateur quantique soit intégré aux pratiques industrielles, les jeunes recrues se préparent.

Il y a d’abord la technologie en soi : on souhaite qu’elle ne devienne pas destructrice pour l’environnement. À travers la formation, on fait comprendre aux personnes étudiantes qu’elles ont un rôle à jouer dans le développement responsable de la technologie.

Karl Thibault

L’optimisation que permet l’ordinateur quantique réside dans les calculs très complexes, impossibles avec l’ordinateur classique, qui prendrait un temps et une dépense énergétique astronomiques pour y arriver. L’ordinateur quantique devient alors réellement avantageux. Et on ne voit présentement que la pointe de l’iceberg des possibilités.

Le réfrigérateur à dilution de l'Institut quantique, qui contribue à préserver la cohérence de certains types de bits quantiques suffisamment longtemps pour que des mesures ou des opérations puissent être réalisées
Le réfrigérateur à dilution de l'Institut quantique, qui contribue à préserver la cohérence de certains types de bits quantiques suffisamment longtemps pour que des mesures ou des opérations puissent être réalisées
Photo : Martin Blache, collaborateur

Un autre gain pour l’environnement, c’est celui de l’efficacité de calcul, explique Karl Thibault. « C’est lorsque l’ordinateur classique est capable de faire une tâche, mais qu’elle doit être faite sur un super ordinateur qui consomme des mégawatts. Sans nécessairement faire la tâche plus vite, l’ordinateur quantique pourrait la faire de façon plus efficace. »

Par exemple, dans le cours de projet intégrateur en solutions quantiques, un des projets est d’utiliser un algorithme quantique pour trouver le meilleur endroit pour placer une nouvelle borne de recharge de véhicules électriques à Sherbrooke, en maximisant le nombre de personnes qui pourront en bénéficier et en minimisant les interférences avec les bornes déjà en place. Les personnes étudiantes utilisent un algorithme quantique pour trouver le meilleur emplacement de la nouvelle borne.

Quand on pourra utiliser l’ordinateur quantique à grande échelle, on se rendra vite compte de tout ce qu'il rendra possible, soutiennent nos trois personnes enseignantes. Et parce que la discussion est bien présente dans les cours, on peut déjà penser que cette première génération de spécialistes va pouvoir influencer son développement responsable.

Ce qui est rassurant, c’est qu’on se pose déjà les bonnes questions en classe.

À propos de l’ODD 9 : Industrie, innovation et infrastructures
La croissance économique, le développement social et l’action pour le climat dépendent fortement des investissements dans des infrastructures résilientes, du développement industriel durable et des progrès techniques. L’objectif 9 vise ainsi à construire des infrastructures résilientes, à promouvoir une industrialisation durable et à favoriser l’innovation. Devant l’évolution rapide du paysage économique mondial et l’accroissement des inégalités, la croissance durable doit passer par une industrialisation qui, tout d’abord, rende les perspectives accessibles à tous et, ensuite, s’appuie sur l’innovation et des infrastructures résilientes.

Ne manquez pas la suite de cette série, en septembre prochain!


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