Acfas 2021
Les cartes mentales : une stimulation haute en couleur pour le cerveau
Flèches, schémas, lignes, dessins… très éclatés, les carnets de notes de grands génies créatifs, tels que de Vinci, Newton ou Picasso, avaient pour particularité d’intégrer bon nombre de stimuli visuels. Et si l’usuel format du texte linéaire, noir sur fond blanc, se révélait contraignant pour le plein développement de la pensée et la production de nouvelles idées?
Cette hypothèse, c’est celle du psychologue anglais Tony Buzan, à qui l’on doit le Mind Mapping ou des « cartes mentales ». Dans les années 1970, au terme de recherches sur l'apprentissage et le cerveau humain, il en vient à peaufiner ce type d’organisateur graphique, qui s’avère efficace dans le processus de gestion des idées.
Les cartes « mentales », « cognitives » ou « heuristiques », c’est selon, fascinent depuis longtemps la professeure Chantale Beaucher, du Département de pédagogie de la Faculté d’éducation. Elle est d’ailleurs la seule chercheuse universitaire au Québec à mener des recherches sur le sujet.
Agissant comme une véritable révélation pour elle, les liens que fait Buzan entre le fonctionnement du cerveau et l’organisation des idées par carte heuristique l’amènent à comprendre comment circulent ses propres pensées et réflexions dans sa tête. Elle vient alors tout juste d’être embauchée à l’UdeS, en 2003, et se désole de ne pas avoir pu prendre la pleine mesure des travaux à l’époque où elle terminait ses études doctorales. De son propre aveu, elle reconnaît que ces notions lui auraient assurément permis d’avancer beaucoup plus rapidement.
Haro sur le texte noir sur fond blanc
« Quand on prend des notes, plus on écrit, plus on relit, et plus on relit, plus on récrit… et plus on recommence! L’investissement n’est pas à la hauteur des résultats », illustre la professeure Beaucher.
Bien que le texte sous forme linéaire présente ses avantages pour transmettre et diffuser de l’information, il n’en demeure pas moins que pour le cerveau, cela s’avère peu stimulant, voire… endormant! Et c’est exactement ce qu’a démontré Buzan, dans le cadre de ses travaux.
Il en est venu à nommer le caractère contraignant et contre-productif du texte continu lorsque vient le temps de mémoriser ou de faire émerger de nouvelles idées.
Ses recherches l’ont conduit à découvrir que de fonctionner par associations, de faire des liens entre les idées, d’ajouter des stimuli – de la couleur, du mouvement, des formes –, c’était susceptible d’aider à stimuler le cerveau et à organiser les idées.
Professeure Chantale Beaucher
L’ajout de couleurs participe également de l’efficacité des cartes mentales dans l’éveil, la stimulation et la connexion des neurones. Les zones du cerveau associées à la perception de la couleur et des images diffèrent de celles sollicitées par la lecture, et le traitement de l’information n’est pas le même. À cet effet, la professeure explique :
La couleur, c’est une des clés. Plus on éveille les neurones, plus les possibilités de connexion et les circuits s’étendent, et on est susceptible de créer quelque chose de neuf.
Les cartes mentales en soutien à la réussite
Le point de départ de la conception d’une carte mentale consiste à jeter une idée principale au centre d’une feuille de papier. Il peut s’agir d’un concept général, d’un thème, d’une question, par exemple. Puis, on l’éclate en y accolant d’autres idées, en y associant d’autres mots, un peu à l’image de la façon dont se déploient les synapses dans le cerveau.
La carte est éclatée, de façon radiante. Elle va dans tous les sens, comme le font nos propres pensées!
Professeure Chantale Beaucher
Les cartes mentales reproduisent le schéma d’association de la pensée humaine, qui procède par circuits, ce qui rend plus explicite et plus conscient ce processus d’association, et facilite l’exploration complète d’un ensemble de potentielles idées à partir d’un thème.
Pour la chercheuse, cette manière de présenter l’information représente un formidable outil de soutien à la réussite. Avec les cartes heuristiques, l’essentiel peut tenir sur une page, et cette synthèse permet de bien intégrer le propos, qui devient plus facile à mémoriser :
Au final, l’information est traitée comme une image, et ça prend moins de place dans la mémoire à long terme. Ça limite la surcharge cognitive de manière très significative.
La professeure Beaucher ajoute que les cartes mentales, de par leurs stimuli, peuvent favoriser la réussite des personnes étudiantes ayant des difficultés d’apprentissage, comme les troubles d’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH):
Plusieurs zones du cerveau sont sollicitées avec ces cartes. Ça soulage le cortex lobe frontal particulièrement touché par le TDAH, et la personne est davantage capable de se mobiliser. C’est extrêmement efficace!
La professeure a notamment eu recours à l’utilisation de cartes cognitives lors d’ateliers visant à stimuler l’activité cérébrale de personnes toxicomanes. L’un des cours qu’elle donne au baccalauréat en enseignement professionnel porte d’ailleurs sur cet outil pédagogique, et une activité liée à la mise à plat de l’évolution de la perception de soi est en outre offerte à ses étudiantes et étudiants de deuxième cycle.
Bien qu’elles présentent des avantages notables sur le plan de l’apprentissage, les cartes heuristiques ne viennent bien sûr pas se substituer entièrement aux textes écrits, qui demeureront toujours plus complets et détaillés. Elles représentent toutefois un puissant point de départ, de surcroît accessible à toutes et tous, pour déployer le potentiel du cerveau et faire jaillir de nouvelles idées.
Ce sujet a piqué votre curiosité?
Dans le cadre du prochain congrès annuel de l’Acfas, plus grand rassemblement multidisciplinaire du savoir et de la recherche de la francophonie, qui se tiendra du 3 au 7 mai 2021, la professeure Chantale Beaucher présentera une communication orale, disponible par webdiffusion, portant sur le potentiel pédagogique des cartes heuristiques.