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Témoignage d’une étudiante de l’ÉPA au retour d’un voyage humanitaire à Haïti

Repenser Haïti pour revoir son propre mode de vie…

Un voyage humanitaire formateur pour les étudiantes et étudiants de l'ÉPA.

Un voyage humanitaire formateur pour les étudiantes et étudiants de l'ÉPA.


Photo : Fournie

Le 5 octobre dernier avait lieu le colloque « Repenser Haïti », un après-midi de réflexion sur l'aide au développement en Haïti organisé par les étudiantes et étudiants de l’École de politique appliquée de l’UdeS. L’étudiante Corinne Prince nous relate les grandes lignes de son expérience, quelques mois après son retour de voyage, et nous fait part de ses impressions sur Haïti…

Sur le terrain, les étudiants ont rencontré les intervenants, visité leurs locaux et constaté les progrès et tout le bien qui peut ressortir de la coopération internationale.
Sur le terrain, les étudiants ont rencontré les intervenants, visité leurs locaux et constaté les progrès et tout le bien qui peut ressortir de la coopération internationale.
Photo : Fournie

En quoi consistait le colloque?

Le colloque avait pour but, comme son nom l’indique, de « Repenser Haïti ». Nous voulions donc faire un retour sur notre expérience et ce que nous avons fait concrètement sur le terrain du 29 mai au 12 juin dernier. Le but était de montrer Haïti sous un autre point de vue que le négatif habituellement véhiculé dans les médias. Nous voulions discuter de l’aide au développement et de ce que nous pouvons construire comme partenariat avec ce merveilleux pays.

Comment s’est orchestrée votre formation à l’ÉPA pour ce projet humanitaire?

Sous la supervision de Marie-Ève Chrétien, chargée de cours à l’ÉPA, notre groupe a reçu une formation d’un mois avant le départ. Cours sur l’histoire et la culture d’Haïti, formation sur la coopération internationale, conférence avec un coopérant, information sur le travail à l’étranger étaient au menu. Nous avons également eu un cours de créole afin d’approfondir nos connaissances linguistiques et ainsi mieux comprendre la réalité haïtienne. Pour comprendre un pays, on doit le connaître et je crois qu’Haïti est tout simplement méconnu. Avant de partir, nous connaissions très bien Haïti, mais il n’y a pas de meilleure façon de connaître un pays que d’y mettre les pieds.

Qu’avez-vous fait concrètement sur le terrain?

Là-bas, nous sommes allés rencontrer et aider les différents organismes d’aide au développement établis à Haïti tels OXFAM, le Carrefour de solidarité internationale, CRC Sogema et la Mairie de Montréal. C’est notamment dans les villes de Cap Haïtien, Ste-Suzanne, Port-au-Prince et Pétion-Ville que nous sommes allés valider nos acquis.

« Je crois sincèrement que le projet a eu un impact bénéfique sur la population haïtienne. L’Académie est fonctionnelle, organisée et a déjà accueilli des étudiants avec succès. » - Corinne Prince
« Je crois sincèrement que le projet a eu un impact bénéfique sur la population haïtienne. L’Académie est fonctionnelle, organisée et a déjà accueilli des étudiants avec succès. » - Corinne Prince
Photo : Fournie

Professionnalisation des cadres de la Police nationale d’Haïti, plantation de café et vermifugation de chèvres…

Sur le terrain, nous avons rencontré les intervenants, visité leurs locaux et constaté les progrès et tout le bien qui peut ressortir de la coopération internationale. Bien sûr, dépendamment des projets, nous avons fait du travail plus concret comme la plantation de café, l’évaluation de sites touristiques ou encore la vermifugation de chèvres.

Pour ma part, mon étude portait sur l’organisation CRC Sogema et son projet de formation initiale et de perfectionnement professionnel des cadres de la Police nationale d’Haïti (PNH). L’objectif : améliorer la sécurité publique d’Haïti en y construisant une Académie nationale de police. Mon équipe et moi avons eu la chance de passer une journée complète sur le terrain avec CRC Sogema, dans les locaux mêmes de l’Académie. Plusieurs membres de l’organisme étaient disponibles pour répondre à nos questions. L’accueil était très chaleureux. Je crois sincèrement que le projet a eu un impact bénéfique sur la population haïtienne. L’Académie est fonctionnelle, organisée et a déjà accueilli des étudiants avec succès.

Comment résumerais-tu ton expérience?

Premièrement, avant de m’inscrire au cours, je n’avais aucune connaissance d’Haïti. Comme j’adore voyager et apprendre de nouvelles choses, je me suis engagée sans hésiter et je n’ai pas regretté un seul instant mon choix! Les cours préalables que nous avons suivis ont été très formateurs, très intéressants.

Je vais vous faire part des premières phrases que j’ai écrites dans mon journal de bord, le jour de notre arrivée :

« L’ambivalence est le sentiment qui m’envahit présentement. Je suis réellement fascinée par ma première vision que j’ai eue de ce pays. Au départ, embarquer dans un camion et se faire ballotter dans la valise semblait amusant et le paysage à proximité des douanes était beau. Les rires ont fusé, mais ont disparu à peine deux minutes plus tard… Ce pays est embelli par les gens qui l’habitent, mais en même temps, l’esprit et la vision occidentale interfèrent et la pitié prend place malgré nous. Pourtant, dans les faits, les habitants ont le sourire aux lèvres et sont simplement heureux de ce qu’ils possèdent. Ils se contentent de peu. Au fond, ils ont autant à apprendre de nous que nous avons à apprendre d’eux. C’est un partage qui fait grandir de part et d’autre. »

Photo : Fournie

Cette expérience a-t-elle changé ta vison des choses, de la vie, de la société?

À mon retour d’Haïti, je me suis sentie frustrée. Frustrée parce qu’à chaque fois que quelqu’un me demandait de parler de mon voyage, j’avais l’impression que personne ne comprenait comme moi l’essence d’Haïti... L’une des questions qui revenait souvent : « Et la pauvreté? C’est comment? » Et ma réponse, instinctivement : « Les gens que j’ai vus là-bas semblent plus heureux que les gens ici! » Et je le pense encore! Jamais je n’ai vu de plus beaux sourires que ceux des Haïtiens que j’ai croisés!

Je me suis sentie frustrée également par tous les préjugés à propos d’Haïti. Plusieurs disent que c’est un peuple de paresseux et qu’ils ne veulent tout simplement pas s’aider. Plusieurs disent aussi que l’argent que nous leur envoyons ne sert à rien, puisqu’ils le dépensent pour des choses inutiles ou des choses qu’ils brisent volontairement ensuite. Ou encore qu’ils sont lents, ce à quoi je ne peux pas vraiment répondre le contraire, mais ce n’est pas nécessairement un défaut. En fait, tentez de réfléchir à ceci : est-ce que Haïti a demandé des maisons occidentales ainsi qu’un système capitaliste? Est-ce que Haïti a besoin de cela pour « vivre convenablement »? Et surtout, est-ce que l’aide que nous choisissons d’apporter répond à leurs critères ou à nos critères?

À mon retour, j’ai adopté un mode de vie plus minimaliste, c’est-à-dire que j’ai fait beaucoup de tri dans les choses que je possédais. Le poids inutile de tout ce matériel m’oppressait et je me suis sentie libérée de toutes ces choses que je n’utilisais plus. Ne pourrais-je me contenter de peu moi aussi?

Étant déjà environnementaliste dans l’âme, j’ai aussi ramené une immense conscience environnementale. J’ai vu notre mode de vie d’un nouvel œil, surtout par rapport à l’eau potable et aux déchets. Lorsque tu as vu des gens marcher avec des seaux sur la tête pour avoir un peu d’eau (qui n’est pas toujours très salubre), tu te questionnes sur l’utilité d’avoir de l’eau potable dans ta piscine, dans ta toilette, dans ta douche... Tu réalises la chance que tu as! Et tu essaies de conscientiser les autres à faire de même.


Les étudiantes et étudiants qui ont pris part au voyage humanitaire : Corinne Prince, Sophie Bergeron, Rosalie Laganière-Bolduc, Mathilde Casavant, Jessica Dionne, Marc-André Talbot, Samuel Roy, Emmanuel Sfiligoi, Philippe Simard, Paul Evra, Karen Poulin, Samra Grahic, Alexandre Nadeau, Melissa Drolet, Solange Masson, Stéphanie Bouchard, Marie-Luce Morin, Catherine Boudin, Daphné Paquette, Josée Fortin et Hugo Simard-Wallot.