Sommets Vol. XVI No 2 - Printemps 2003

TRAVAIL

François Allaire, être là où ça compte...

par Sylvie Couture

Certains diront que François Allaire a transformé la façon de voir le travail d'un gardien de but au hockey. D'autres n'hésiteront pas à dire qu'il a même révolutionné le hockey. "Je faisais tout le contraire des pratiques établies et des mythes véhiculés dans le milieu, car personne n'avait vraiment étudié le travail d'un gardien de but." Cet homme de hockey a donc fait sa révolution là où ça compte...

 


François Allaire
Entraîneur professionnel de gardiens de but
Activité physique 1978

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Mighty Ducks d'Anaheim ont causé toute une surprise dans la ligue nationale de hockey en éliminant les champions de la coupe Stanley en quatre matchs, dès les huitièmes de finales. Plus encore. Ils ont renversé tous les pronostics en offrant une performance exceptionnelle tout au long des séries de fin de saison. Selon tous les spécialistes, le jeune gardien de but Jean-Sébastien Giguère est le grand responsable de tous ces succès. François Allaire serait pour sa part le grand responsable des succès de Jean-Sébastien Giguère, tout comme de ceux de Patrick Roy, de Jocelyn Thibault, de Patrick Lalime et de bien d'autres gardiens de but, d'ici et d'ailleurs dans le monde.

"J'ai entraîné ou j'ai enseigné à plus de 25 % des gardiens de but qui sont présentement dans la ligue nationale." Et la partie ne fait que commencer!

Se donner un but

À 16 ans, François Allaire était gardien de but... "J'étais frustré par le manque d'entraînement", lance-t-il avec la même intensité que l'adolescent qu'il était. "Les gardiens de but étaient vraiment laissés à eux-mêmes et les rares connaissances transmises n'étaient en fait que des mythes sans fondement." Dès lors, il commence à s'intéresser au travail du gardien de but, observe les mouvements, prend des notes, visionne des tonnes de vidéo, décortique les positions, conçoit des exercices. Il était en train d'inventer un nouveau métier.

"Le métier d'entraîneur de gardien de but n'existait pas quand je suis entré à l'université, mais tous mes travaux portaient sur les gardiens de but. Je n'avais pas des notes fabuleuses, car les profs me demandaient toujours où j'avais pris mes références. Il n'en existait pas, alors je devais développer mes propres théories. Ma formation en activité physique m'a permis de mieux structurer ma démarche." Après ses études, il part pour l'Europe où il s'imprègne du hockey européen. "J'observais, dit-il candidement. J'avais déjà une capacité d'observation qui me permettait de voir et de comprendre ce qui se passait. Je repérais un jeu, j'en imaginais cinq. Je voyais dix exercices, j'en inventais cent."

Quatre mois plus tard, il revient avec un bagage de nouvelles connaissances et la conviction que sa formation et son expérience lui permettront de tracer sa propre voie. Le jour, il est animateur des sports au Service des loisirs de Mirabel; le soir et les fins de semaine, entraîneur. Il connaît rapidement du succès avec ses gardiens de but et commence à susciter de l'intérêt dans le milieu du hockey. Il donne de plus en plus de conférences et publie son premier livre, Comment devenir un gardien de but au hockey. "Dans ma tête, je savais que ma vraie carrière était celle d'entraîneur de gardiens de but. Le champ était libre, et je ne me mettais aucune barrière. Mon but était de devenir un entraîneur de renommée internationale."

Changer les règles du jeu

En 1985, Pierre Creamer lui donne sa première chance dans une équipe professionnelle, le Canadien de Sherbrooke qui venait alors d'arriver dans la ligue américaine. François Allaire devenait le premier entraîneur de gardiens de but au niveau professionnel. Trois semaines avant la fin de la saison régulière, un jeune gardien de la ligue junior majeure du Québec se joint à l'équipe. "Il n'était pas comme les autres; grand, maigre, un peu bizarre, toujours à terre. Mais il était le prototype idéal. Il avait l'esprit ouvert, cherchait à comprendre et voulait apprendre. Le contact a été très bon." Contre toute attente, l'équipe remporte la coupe Calder et ce, grâce au jeune gardien. Il s'appelait Patrick Roy.

Cette rencontre a probablement déclenché les carrières fulgurantes de ces deux hommes. "Ma vision d'un gardien de but moderne, c'était Patrick Roy. Malgré ses allures un peu nonchalantes, il était perfectionniste et faisait preuve d'une grande détermination. Il détenait aussi une capacité incroyable à gérer l'information et à l'appliquer aussitôt. Notre rencontre a été un heureux hasard; un gars à l'esprit ouvert qui voulait apprendre, et moi qui avais tant d'informations à transmettre." L'année suivante, le Canadien de Montréal gagne la coupe Stanley avec Patrick Roy dans les buts. François Allaire a continué à l'entraîner tout en restant avec le Canadien de Sherbrooke, jusqu'à ce qu'il accède "au gros club", en 1987. L'entraîneur et le gardien y sont restés jusqu'en 1997.

La vision du travail du gardien de but était complètement transformée. L'école de pensée que préconise François Allaire avait changé les règles du jeu. Il n'y avait plus de règles non fondées; seulement des analyses basées sur des situations de jeu et adaptées à chaque gardien afin qu'il soit toujours en position de force pour se défendre. "En analysant le jeu, on se rend compte que, pendant 95 % du temps, seulement une dizaine de situations différentes peuvent se produire. Mon entraînement se concentre donc sur ces 95 %, et non pas sur les 5 % qui sont généralement imprévisibles. J'ai schématisé et simplifié les situations pour m'assurer que le gardien de but soit capable d'apprendre facilement et de performer rapidement. C'est ce qui me permet d'avoir des résultats rapides avec de jeunes gardiens dans les ligues professionnelles."

Passer à l'offensive

Après 12 ans et beaucoup de succès avec le Canadien, François Allaire est devenu son propre patron en créant sa compagnie et en diversifiant son offensive. "Présentement, je suis là où je voulais être; je fais ce que j'ai toujours voulu faire. En n'étant pas rattaché à un seul club, je peux offrir mon expertise à beaucoup plus de jeunes joueurs. Pour un entraîneur, c'est très motivant; c'est comme recommencer à neuf avec chaque nouvel espoir."

François Allaire offre ses services de consultation aux agents afin d'encadrer leurs jeunes gardiens prometteurs; il enseigne à son école de hockey Co-Jean et dans différentes écoles au Japon, en Suède, en France et aux États-Unis; il conseille la firme Sherwood dans l'élaboration d'une nouvelle gamme d'équipements pour les gardiens de but; il donne des conférences régulièrement et publie des ouvrages de références, dont plusieurs livres et bientôt un document vidéo "... qui va faire bouger le monde du hockey".

Il est aussi consultant pour les Mighty Ducks d'Anaheim, l'équipe cendrillon des séries de fin de saison de la ligue nationale de hockey. "Depuis trois ans, j'ai la chance de travailler avec Jean-Sébastien Giguère et je ressens le même feeling qu'avec Patrick. J'ai la conviction qu'on s'en va dans la bonne direction avec ce jeune-là!" confie l'entraîneur avec la détermination qui le caractérise et une bonne dose de fierté. Et jusqu'où irez-vous? François Allaire n'hésite pas et promet : "Jusqu'au sommet!" Promesse tenue...

www.cojean.com

 

Vox pop

Pourquoi devrait-on encourager le sport?

Le sport donne à certaines sociétés la fierté de voir leurs athlètes performer à un haut niveau. Le Québec peut être fier de fournir près du quart des gardiens de but de la ligue nationale de hockey.

F. Allaire

 

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