Sommets Vol. XIX No 1 - Hiver 2006

BILLET

Éthique, information et divertissement

Photo de Denis Dufresne
Denis Dufresne
Journaliste,
La Tribune

Éthique appliquée 1999

  S'il y a une profession dont les membres semblent des adeptes de l'autoflagellation et du débat permanent, c'est bien celle de journaliste.

Au risque de passer pour un ayatollah de la rectitude journalistique, je reconnais que les «dérives» sont de plus en plus fréquentes depuis quelques années dans le métier. Ces entorses aux valeurs fondamentales de la profession, à la liberté de l'information et au droit du public à une information de qualité n'aident en rien la crédibilité des journalistes. Comment s'étonner, alors, que plus de 40 % des gens disent ne pas leur faire confiance? Le questionnement éthique en journalisme est surtout motivé par le phénomène de l'infotainment, là où se confondent information et divertissement.

Pour certains animateurs et journalistes, un bulletin de nouvelles doit être vendeur, accrocheur, un show pour le «bon peuple». Cette vision peut s'expliquer par les pressions liées à la concurrence entre les médias, par le manque de temps et le désir de performance.

Mais pour les journalistes qui croient encore en leur métier, cette confusion des genres est la pire menace à la qualité de l'information. Lorsque l'opinion prime sur les faits, lorsque l'émotion évacue l'analyse ou toute forme de distanciation, on n'est plus dans l'information. La recherche du spectaculaire et du sensationnel fait parfois tourner les coins ronds, avec ce que cela peut comporter d'inexactitude, d'approximation et même d'atteinte à la présomption d'innocence ou aux droits de la personne.

L'ineffable animateur de radio Jeff Filion, pour qui le journalisme semblait être davantage une affaire de dénonciation et de règlement de comptes que d'information et d'investigation, en est sans doute le plus triste exemple au Québec. On peut également citer Jean-René Dufort, l'Infoman, à qui la Fédération professionnelle des journalistes du Québec refuse toujours une carte de membre. Dufort est-il un journaliste ou un amuseur public? Sans doute un peu des deux. Il ne se prend pas au sérieux, mais ses reportages sont parfois dérangeants. Le problème est que le cynisme qui caractérise sa façon de traiter et de présenter la nouvelle n'est guère conforme aux normes du métier. Par ailleurs, la guerre des cotes d'écoute a parfois des conséquences désastreuses. Par exemple, en quoi l'effroyable déclaration du doc Mailloux au sujet du quotient intellectuel des Noirs, à l'émission Tout le monde en parle, était-elle utile?

Bref, la liberté d'expression, souvent apprêtée à toutes les sauces, devient prétexte aux manquements à l'éthique. Mais n'allez pas croire que le désespoir s'est emparé de la profession, car, malgré tout, le journalisme se porte relativement bien au Québec. Les médias offrent régulièrement d'excellents reportages et beaucoup de journalistes fouillent leurs dossiers, exposent au grand jour les travers de la société et les cas de malversation. La plupart d'entre eux travaillent dans l'ombre, se heurtent aux refus des organismes publics de leur transmettre l'information, au mutisme des politiciens et à la lourdeur bureaucratique.

Mais surtout, ces entraves à la liberté de presse et au droit du public à une information de qualité démontrent que l'éthique journalistique renvoie à celle des autres professionnels.

 

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