Portrait de l’étudiante Véronique Nault
De l’ingénierie à l’entrepreneuriat social
Après plus de six ans sur le marché du travail, plusieurs voyages d'affaires à l'international ainsi que deux congés de maternité, Véronique est maintenant prête à affronter de nouveaux défis.
Ingénieure mécanique de formation, la jeune femme de 33 ans entame un éventuel changement de carrière en retournant aux études à l’Université de Sherbrooke afin de réaliser sa maitrise en administration des affaires (MBA). « Pour moi, cette maîtrise était vraiment une suite logique à mon parcours », explique-t-elle.
Tout en effectuant ses études universitaires de deuxième cycle à temps plein, Véronique est directrice générale d’API-Enfance, un organisme sans but lucratif (OSBL) qu’elle a mis sur pied à la suite de son projet Mots d’Enfants, créé dans le cadre du concours Coopérathon appuyé par Desjardins. Ce projet d’envergure s’est mérité deux récompenses lors de la finale nationale de ce concours, soit le 1er prix pour la catégorie Éducation et le prix du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) pour l'utilisation du numérique en éducation. À l’été 2020, Véronique a pu faire un stage coopératif rémunéré dans cette nouvelle entreprise.
À propos de Mots d'enfants
Mots d’enfants est le 1er programme de stimulation du langage basé sur des données probantes et conçu spécialement pour les services en protection de la jeunesse.
Son format novateur combine l’intervention humaine au support numérique dans les milieux de vie des enfants. Il s’adapte à divers contextes d’intervention : à domicile, en milieux de garde, en établissement ou dans la communauté. Cet outil de transfert des connaissances permet l’intervention à distance (télésanté) pour desservir une large clientèle, sur un vaste territoire, en uniformisant la qualité des services. Il est adapté à la réalité des institutions ayant un roulement de personnel élevé et des ressources limitées pour la formation.
Il contribue aussi à réduire les listes d’attente en orthophonie en offrant d’autres avenues d’intervention, ce qui représente des économies substantielles en santé et services sociaux.
Au-delà du concours
Lorsqu’elle s’est inscrite au Coopérathon, la plus grande compétition en innovation ouverte au Canada, Véronique n’avait qu’un seul objectif en tête : changer les choses.
Ce que je veux faire, c’est avoir un impact positif. Je veux rendre le monde meilleur et plus équitable pour toutes et tous, peu importe le projet.
Elle poursuit : « Au premier coup d’œil, le projet Mots d’enfants ne semble aucunement mettre à profit à ma formation d’ingénieure, mais en fait, c’est tout à fait lié! Mon rôle dans Mots d’enfants d’imaginer des solutions pour optimiser les services existants, améliorer la qualité et l’uniformité des services, quand c’est possible, afin de réduire les coûts. Cela est assez près de ce qu’on apprend en génie. » L'ingénieure mentionne également avoir toujours eu cette fibre entrepreneuriale en elle, mais n’avoir jamais eu l’idée qui allait réellement la pousser à se lancer en entrepreneuriat :
J’ai toujours été intéressée par l’entrepreneuriat, mais je n’avais jamais eu l’opportunité ou la bonne idée qui allait me donner le “go” pour foncer.
Contribuer à solutionner un problème
C’est alors qu’elle discutait avec sa belle-sœur, une orthophoniste à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) développant depuis plusieurs années un projet en orthophonie à Québec, qu’elle a eu l’inspiration qui lui manquait.
Bien présents parmi les enfants suivis par la DPJ, les déficits langagiers peuvent avoir des répercussions à long terme sur la socialisation, le comportement, le développement cognitif, la réussite scolaire et le bien-être psychologique de ceux-ci.
Des chiffres alarmants au Québec
- 90 % des établissements reliés à la DPJ n’ont pas d’orthophoniste et n’ont aucune offre de service en stimulation du langage.
- Chaque année, environ 3 600 enfants suivis par la DPJ et âgés de 0 à 5 ans sont aux prises avec des problèmes de langage.
La majorité de ces enfants passent entre les mailles du filet et ne reçoivent aucun service de stimulation langagière avant l’entrée en maternelle. Certains d’entre eux sont toutefois dépistés durant la période préscolaire puis dirigés vers un CLSC. Ces enfants sont ensuite mis sur une liste d’attente, pour souvent patienter jusqu’à un ou deux ans avant d’être appelés.
Il s’agit d’un délai beaucoup trop long, selon l’orthophoniste, sachant qu’un enfant devrait idéalement être pris en charge avant ses trois ans. Qui plus est, plusieurs familles confrontées au contexte de négligence parentale vont « décrocher » des services, malgré les besoins persistants des enfants.
Un projet qui ne pouvait passer sous le silence
Voulant au départ réaliser un projet entrepreneurial en lien avec l’environnement, Véronique explique qu’elle n’a pas pu passer à côté de cette initiative, qui méritait d’être développé. Son équipe multidisciplinaire, composée de spécialistes de différents domaines tels que l’ingénierie, l’orthophonie, le graphisme, l'éducation et la criminologie, travaille d’arrache-pied afin de développer des formations web qui permettront aux éducateurs, aux intervenants en petite enfance et aux parents de s'outiller tout en continuant de travailler, et ce, afin de mieux encadrer l’enfant dans son milieu de vie.
Se lancer dans le vide
L’entrepreneure avoue avoir eu un peu le vertige lorsqu’elle a décidé de se lancer en entrepreneuriat social. « Démarrer son entreprise, ça fait peur, ça amène une grande insécurité d’emploi et on ne sait pas trop où on s’en va. Je n’avais personne à qui m'adresser. » Pour l'accompagner, elle a pu bénéficier du soutien, entre autres, de l’Accélérateur entrepreneurial Desjardins de l’Université de Sherbrooke.
On se requestionne beaucoup, même constamment ! Il n’y a pas de chemin tracé devant nous, c’est à nous de le tracer.
Elle fait d’ailleurs le parallèle entre cette nouvelle aventure et son projet final du baccalauréat en génie. Ayant pour mandat de développer un produit d’ingénierie innovateur, Véronique et son équipe avaient développé un véhicule pour participer au Rallye Aicha des Gazelles dans le désert au Maroc. « Ce qui m’a frappée le plus dans cette compétition-là, c’est que c’était la première fois de ma vie que je roulais à un endroit où il n’y avait pas de route. J’avais seulement une vieille carte des années 1960 pour me guider. » Elle ajoute en riant : « Le parallèle est tellement présent. Nous sommes guidés par des gens dans le milieu, mais il n’y a pas de chemin précis ni de route! »
Jongler entre la vie de maman, d’entrepreneure et d’étudiante
Pour Véronique, le retour aux études était un pas de recul nécessaire en tant que professionnelle afin de mieux comprendre la globalité de l’écosystème dans lequel nous évoluons. « En tant qu’ingénieure, j’étais vraiment concentrée sur la pratique, mais là, j’avais le goût de comprendre le pourquoi de certaines choses. »
Actuellement de retour à l’Université pour sa dernière session, Véronique se montre confiante face aux défis qui l’attendent : l’obtention de son MBA en décembre 2020, le déploiement de projets pilotes au printemps 2021 et la mise en marché plus largement au Québec de Mots d’enfants en 2022.
Qu’est-ce qu’API-Enfance?
Ayant pour objectif de contribuer à la prévention et à la réduction des retards développementaux des enfants, API-Enfance a été mis en place afin d’offrir des outils-terrain ainsi que des approches pédagogiques intégrées (API) dans le milieu de vie des familles. En collaboration avec les chercheurs et les organisations œuvrant en petite enfance, API-Enfance propose des solutions novatrices compatibles avec la téléconsultation et l’intervention à distance pour adapter les interventions spécialisées en santé et services sociaux à la réalité changeante de notre société.