Hommage à un précurseur de l'Université
Le frère Théode est de retour parmi nous
«Je voulais qu’il soit à sa place, sur le campus qu’il a aidé à créer.» Pour Paul Desfossés, le frère Théode représente bien plus qu’un religieux de la communauté des Frères du Sacré-Coeur; c’est un véritable pionnier de l’Université de Sherbrooke! Or la statue de bronze qui l’honore se trouvait dans un petit parc situé en face du pont Jacques-Cartier, à la fois bien caché et peu accessible. Pour Paul Desfossés, «il fallait redonner les honneurs dûment mérités au frère Théode».
Ce passionné de généalogie, ancien étudiant des frères du Sacré-Cœur et diplômé de l’UdeS s’est engagé à relocaliser le monument érigé à la mémoire du frère dans un endroit représentatif de l’œuvre du religieux. «Ce grand pédagogue, appelé souvent le précurseur de l’Université de Sherbrooke, a fondé l’École de génie en 1951. Il mérite une place sur les lieux de cette grande institution», s’est-il dit.
Soutenu d’un comité de citoyens et de plusieurs amis, Paul Desfossés a travaillé durant deux longues années pour atteindre son objectif, en coordonnant les discussions entre la Ville de Sherbrooke, l’Université et la Fondation du Frère-Théode. Le 17 juin, le monument de plus de six tonnes a été déplacé vers le Campus principal, où il a désormais sa place au centre de l’espace vert qui relie la Faculté des sciences et la Faculté de génie. Une cérémonie commémorative s’est tenue aujourd’hui en présence de la rectrice Luce Samoisette et du vice-doyen à l’enseignement de la Faculté des sciences, Jean Goulet.
«C’est très symbolique, précise Paul Desfossés. Il fait face à la bibliothèque qui porte son nom. Il est au cœur des sciences et du génie, dans un endroit public et très passant.» En plus d’établir les paramètres du déplacement de la statue, une convention officialise maintenant la passation sans frais du monument des mains de la Ville à l’Université. «Au nom de notre comité, je tiens à remercier tous les commanditaires qui ont permis cette relocalisation.»
«Cette journée marque un grand retour, celui d’un fondateur de l’Université de Sherbrooke au cœur de l’institution qu’il a contribué à créer, dit la rectrice de l’UdeS, Luce Samoisette. Merci à l’ouvrier de la première heure de ce projet, monsieur Paul Desfossés, qui constate aujourd’hui le fruit de ses démarches. Il a su, d’un seul grand geste, doter l’Université d’une œuvre qui rappelle une étape importante de son histoire.»
Visionnaire et illustre éducateur
Grâce à son travail acharné dans l’œuvre de l’éducation en Estrie, le frère Théode a littéralement changé le système d’enseignement de l’époque. Né Maxime Lafond en 1897, ce grand éducateur était convaincu qu’on pouvait accéder aux études supérieures sans obligatoirement passer par le cours classique.
En 1944, le frère Théode est interpelé par le frère provincial afin de donner un nouvel essor à l’éducation supérieure à Sherbrooke. Il entreprend cette mission en consultant tout d’abord les universités du Québec (Montréal et Laval) pour permettre une meilleure préparation des élèves de 12e année. Avec l'appui de la Commission scolaire de Sherbrooke, il développe un programme d'études avancées qui permet à l'École supérieure de Sherbrooke (au sous-sol de l’École du Centre) d'offrir une classe préuniversitaire dès 1945, appelée la 13e année scientifique.
Le professeur émérite Léo Martel, avant son décès en 2013, avait témoigné du travail de son collègue : «À l’époque, l’école publique était limitée à la 12e année et il n’était pas possible pour les finissants d’avoir accès à l’université. Pour y être admis, il fallait passer par l’école privée. Frère Théode a parcouru le Québec pour faire changer les choses. Il a réussi à obtenir un accord (…) pour l’ajout d’une année à l’école publique permettant de faire la transition vers l’université.»
Aider financièrement les étudiants
D’autre part, le frère Théode n’accepte pas que des élèves n’aient pas accès aux études supérieures ni à l’université en raison d’un manque d’argent. Il trouve le moyen d’aider financièrement les élèves talentueux qui n’avaient pas les ressources financières nécessaires pour poursuivre leurs études. En 1948, il crée ainsi l’Aide aux étudiants, un organisme qui servait à recueillir des fonds pour aider ces étudiants, basé sur le «prêt d'honneur». Ce service d’aide aux brillants Estriens a été particulièrement actif dans les années 1950, avant la création des prêts et bourses du ministère de l’Éducation.
En septembre 1951, grâce au travail du frère Théode, l'École supérieure (nouvellement construite sur la rue King) offre également une première année universitaire de génie; elle compte 16 étudiants. Ceux-ci poursuivent ensuite leurs cours à Montréal et à Québec. Puis, en 1953-1954, les étudiants peuvent y suivre une deuxième année de génie, selon le même programme qu'à l'École polytechnique de Montréal. C'était le début de l'enseignement universitaire à Sherbrooke.
Après la création de l’Université de Sherbrooke en 1954, le frère Théode est professeur à l’École de génie de la Faculté des sciences jusqu’en 1957. Durant sa vie religieuse, il consacre plus de 40 années à l’enseignement de la jeunesse. Homme droit, batailleur et engagé, il s’attire la confiance et l’admiration des élèves, de leurs parents et de la communauté. Il décède en 1961, à l’âge de 64 ans.
«Le frère Théode disait tout le temps qu'une université était la seule issue pour donner au peuple la possibilité de s'épanouir», avait relaté le frère Léo Martel.