Gagnant du Concours de vulgarisation scientifique
Une nouvelle arme dans l’arsenal de traitement contre le VIH?
La découverte d’une nouvelle arme, faite par le groupe du professeur Benoit Chabot en collaboration avec des chercheurs de Toronto, Vancouver et Kansas City, a de quoi surprendre. Plutôt que de cibler une protéine du virus pour en empêcher sa réplication, la molécule développée a plutôt pour cible une protéine cellulaire; un fait rare dans la thérapie contre le VIH. Actuellement, les traitements reposent principalement sur la trithérapie, soit l’administration de trois médicaments ciblant des protéines virales qui agissent à différentes étapes de la réplication du virus. En ciblant plusieurs étapes de la réplication du VIH, ces médicaments arrivent à diminuer efficacement sa réplication et la quantité de virus présents dans le sang des patients atteints. L’avènement de la trithérapie a notamment permis d’améliorer la durée de vie des patients et de diminuer l’incidence du SIDA, qui est la principale cause de mortalité liée au VIH. Cependant, comme ces médicaments ciblent les protéines du virus, ils peuvent favoriser l’apparition de virus ayant des versions différentes de ces protéines et qui ne répondent plus au traitement. De plus, les médicaments diminuent aussi grandement la qualité de vie des patients, puisqu’ils entraînent plusieurs effets néfastes. Le développement de nouvelles molécules pour combattre le VIH est donc toujours nécessaire, malgré les progrès impressionnants faits lors des 20 dernières années.
Cibler la cellule pour empêcher la réplication du VIH
Le groupe du professeur Chabot a décidé de cibler une voie importante dans la réplication du virus, mais jusqu’à ce jour inexploitée: l’épissage alternatif. Ce phénomène, présent naturellement dans toutes nos cellules, permet entre autres d’augmenter la diversité des protéines produites tout en permettant de réguler leur activité. Les virus peuvent eux aussi tirer profit de l’épissage alternatif à leur avantage; c’est entre autres le cas avec le VIH. Pour ce faire, ils doivent cependant utiliser les protéines impliquées dans l’épissage alternatif de la cellule dans lequel ils se répliquent. Les travaux du laboratoire du professeur Chabot ont d’abord démontré que la protéine régulatrice d’épissage SRSF10 est importante pour la réplication du VIH. De plus, une petite molécule qui cible l’activité de SRSF10 est efficacement capable de bloquer la réplication du virus. Cette approche présente de nombreux avantages par rapport aux médicaments utilisés actuellement contre le VIH. La quantité du composé requise pour cet effet antiviral aurait peu d’effets néfastes, ce qui permettrait de régler un des problèmes associés à plusieurs médicaments anti-VIH. De plus, un autre avantage de cibler une protéine cellulaire pourrait être une diminution de l’apparition de la résistance au traitement. Cette nouvelle arme serait donc moins toxique pour les patients et plus sûre pour une utilisation prolongée.
Et l’avenir?
Bien qu’encore préliminaires, ces résultats démontrent qu’il est toujours possible de développer de nouvelles thérapies novatrices, même pour des problèmes ayant fait l’objet de recherches intensives pendant de nombreuses années. Ils ouvrent même la porte au développement de nouveaux antiviraux basés sur la voie que l’équipe du Pr. Chabot a ciblé, soit l’épissage alternatif. Les futures recherches dans ce domaine s’annoncent remplies de promesses dans la lutte contre les infections causées par des virus.
À propos de Simon Boudreault
Simon Boudreault est étudiant au doctorat en biochimie au Département de biochimie. Il consacre ses travaux sur l'interaction entre les virus et leur cellule-hôte. Il utilise des technologies de séquençages de nouvelle génération afin d'étudier comment les virus peuvent modifier l'épissage alternatif. Le concours de vulgarisation l’a interpellé : « Notre rôle scientifique dépasse le laboratoire et nos découvertes, souligne-t-il. Il faut aussi savoir comment retourner ce savoir à la population. »
À propos du concours
L’Université de Sherbrooke tient annuellement un Concours de vulgarisation scientifique, dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.