Un des textes gagnants du Concours de vulgarisation scientifique 2019
Silence, moteur, ça tourne… au ralenti!
« Bruit »! Voici la façon commune de faire référence au côté obscur des sons. On parle en effet du bruit causé par le chantier de construction en face de votre boulot ou celui de votre aspirateur à la maison. Pour protéger les utilisateurs des dangers du son, les normes d’exposition au bruit deviennent toujours plus sévères. Ainsi, pour respecter ces restrictions et pour améliorer le confort de leurs clients, les compagnies se tournent vers des spécialistes en acoustique et vibration.
Les chercheurs au Groupe d’Acoustique de l’Université de Sherbrooke (GAUS) s’affairent présentement sur plusieurs projets liés au secteur des transports.
À la manière d’un haut-parleur, lorsque le fuselage d’un avion ou la carrosserie d’une voiture entre en vibration, cela génère un bruit qui se propage jusqu’à nos oreilles. On parle alors de rayonnement acoustique. Cependant, connaître la façon dont ces structures vibrent n’est pas chose aisée. C’est pourtant essentiel pour améliorer le confort des passagers de ces véhicules. Les acousticiens sont habitués de manier microphones, accéléromètres et lasers pour résoudre ce genre de problèmes. Mais pour rester un laboratoire de pointe, le GAUS s’équipe maintenant de caméras haute vitesse pour analyser le comportement vibratoire des structures.
À la recherche d’un nouvel outil
Généralement, lorsqu’une structure vibre, la mesure de ses oscillations s’effectue point par point. Évidemment, cela est long et fastidieux. En plus de ça, pour étudier le comportement d’un véhicule sur une route cahoteuse, soit lorsqu’il est soumis à des chocs, il faudrait idéalement mesurer tous ces points simultanément. Impossible, à moins d’avoir accès à des milliers de capteurs en même temps. C’est là que les caméras entrent en jeu.
Accélérons la cadence!
Car elle est composée de millions de capteurs optiques appelés « pixels », la caméra numérique est une solution simple à la mesure simultanée en plusieurs points. De plus, certaines mesures vibratoires nécessitent de suivre le mouvement d’une structure en fonction du temps à plus de dix mille images par seconde. À cette cadence, on remplit l’équivalent d’une clé USB de 32 Go en moins de 5 secondes! Heureusement, la puissance de calcul des ordinateurs a évolué pour aujourd’hui permettre l’analyse d’aussi grands volumes de données.
Acoustique et caméra? Drôle de mélange...
Patrick O’Donoughue, doctorant, Olivier Robin, chercheur, et Alain Berry, professeur, travaillent depuis peu avec ces caméras pour détecter les sources de vibrations. Ils utilisent une technique de mesure appelée « déflectométrie ». Avec cette approche, on rend la structure à analyser réfléchissante comme un miroir. De la même façon que l’image de notre corps se déforme dans les miroirs courbes de maisons hantées, l’image de tout objet qui est réfléchi sur cette structure se déformera en fonction des vibrations. En pratique, on utilise comme objet une grille (comme un motif de moustiquaire, mais ultra précis). En observant les déformations de sa réflexion avec une caméra, il est possible de déduire les mouvements vibratoires de la structure. La caméra haute vitesse, en multipliant le nombre d’images prises par seconde, permet de visualiser la vibration de la structure au cours du temps.
… qui ne marche pas si mal!
Cette méthode résout finalement plusieurs problèmes : elle fournit une analyse précise de l’état vibratoire de la structure, même dans des conditions de mesure extrêmes, lorsque la structure subit un choc. On peut déduire de ces données le rayonnement acoustique de la structure et, donc, son impact sur le bruit à l’intérieur d’une cabine d’avion par exemple. De plus, ces données sont mesurées en seulement quelques secondes, comparativement à plusieurs heures avec les méthodes traditionnelles. Cela permet de tester de multiples solutions acoustiques bien plus facilement. On peut donc attacher sa ceinture et espérer encore plus de confort au prochain vol.
À propos de Pierre Grandjean
Pierre Grandjean étudie au doctorat en génie mécanique au GAUS, sous la direction des Prs Alain Berry et Philippe-Aubert Gauthier. Son sujet porte sur l'amélioration des techniques actuelles de synthèse et de reproduction de champs sonores (SRCS). Pour cela, il doit connaître et comparer plusieurs techniques déjà bien connues de SRCS, tant par des méthodes subjectives (à l'aide de sujets humains) qu'objectives (à l'aide d'un microphone sphérique). Et après le doctorat ? « Le monde de l'industrie m'attire autant que le monde académique. On y trouve différents défis, tous stimulants à leur manière. On verra les opportunités qui se présenteront quand la fin du doctorat approchera. D'ici là, je vais continuer de partager ma passion scientifique par mes charges d'auxiliaire d'enseignement et mes travaux de vulgarisation. »
À propos de Patrick O'Donoughue
Patrick O'Donoughue est aussi doctorant en génie mécanique au GAUS sous la direction du Pr Alain Berry et auteur principal de l’article scientifique vulgarisé. Il a participé à la création d’un pôle d’expertise en mesure de vibration par caméras haute vitesse à l’Université de Sherbrooke. Son projet de recherche porte sur l’identification de sources vibratoires sur les structures en utilisant ces nouvelles méthodes de mesures optiques.
À propos du concours
L’Université de Sherbrooke tient annuellement le Concours de vulgarisation scientifique, dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.