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Utilisation croissante du numérique chez les tout-petits

Temps d’écran et enfants à cran : le piège émotionnel des tablettes

Les résultats de l'étude indiquent que plus le temps passé à l’écran chez les tout-petits augmente, plus leurs accès de colère sont fréquents, et qu’en retour, ces bouleversements d’émotions contribuent à accroître leur utilisation des appareils électroniques.
Les résultats de l'étude indiquent que plus le temps passé à l’écran chez les tout-petits augmente, plus leurs accès de colère sont fréquents, et qu’en retour, ces bouleversements d’émotions contribuent à accroître leur utilisation des appareils électroniques.
Photo : Michel Caron - UdeS

Le regard rivé sur sa tablette, la petite Alice n’a d’yeux que pour les aventures de Bluey, son dessin animé favori. Lorsque maman lui annonce que c’est l’heure de dîner et de dire au revoir au petit chiot énergique à l’écran, c’est la crise. L’exaspération est à son comble, et tant pis, le repas attendra à la fin du prochain épisode… si tout va bien. Cette scène domestique, qui rejoue en boucle dans nombre de foyers, met en lumière le lien de réciprocité entre l’usage des appareils numériques chez les enfants et les débordements émotionnels qui en résultent.

Une nouvelle étude de la professeure titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’utilisation des médias numériques par les enfants, Caroline Fitzpatrick, sonne à nouveau l’alarme face à l’utilisation croissante des tablettes électroniques chez les jeunes enfants.

Avec son équipe, formée de collègues de l’UdeS, de l’Université Sainte-Anne et de l'Universidade Federal de São Paulo, la chercheuse principale a mesuré le nombre de minutes quotidiennes d’utilisation de la tablette et la fréquence à laquelle l’enfant exprimait de la colère et de la frustration.

Davantage d’écran, davantage de colère, et rebelote!

Publiés dans JAMA Pediatrics, les résultats de recherche démontrent que plus le temps passé à l’écran des enfants augmente, plus leurs accès de colère et de frustration sont fréquents, et qu’en retour, ces bouleversements d’émotions contribuent à accroître leur utilisation des appareils électroniques.

Le recours à la tablette à l’âge de 3,5 ans favoriserait ainsi une expression plus fréquente de la colère et de la frustration dès l'âge de 4,5 ans. Par la suite, le niveau de colère et frustration à 4,5 ans contribuerait à l’augmentation de l'utilisation de la tablette à l'âge de 5,5 ans.

Notre hypothèse était qu’une utilisation plus importante de la tablette par les enfants serait associée à des manifestations plus fréquentes de colère et, en retour, que les enfants plus colériques en viennent à augmenter leur utilisation de la tablette.

Professeure Caroline Fitzpatrick, chercheuse principale de l'étude

Une précédente étude effectuée lors de la pandémie de COVID-19, entre 2020 et 2022, avait démontré que chaque heure passée devant un écran à l'âge de 3,5 ans contribuait à une certaine augmentation des accès de colère et de frustration à l'âge de 4,5 ans.

Chercheuse principale de l'étude, Caroline Fitzpatrick est professeure au Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d’éducation de l’UdeS.
Chercheuse principale de l'étude, Caroline Fitzpatrick est professeure au Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d’éducation de l’UdeS.
Photo : Michel Caron - UdeS

L’analyse de l’utilisation de la tablette et des accès de frustration et de colère, cette fois sur trois années consécutives, de 2020 à 2023, a permis à l’équipe de valider les liens de réciprocité entre l’usage de la tablette et les manifestations de colère qui en résultent. Le devis rigoureux de l’étude a aussi permis de comparer chaque enfant avec lui-même, évitant ainsi que d’autres facteurs, comme la qualité de l’environnement familial ou le niveau socioéconomique, ne viennent influer sur les résultats.

Le rôle d’encadrement des parents et la gestion des émotions

Selon les résultats de cette recherche, il est clair que l’utilisation de la tablette par les plus jeunes se doit d’être encadrée par les parents, voire retardée le plus longtemps possible.

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la préparation à l’école, l’inclusion des populations vulnérables et l’adaptation sociale, la professeure Gabrielle Garon-Carrier, du Département de psychoéducation à la Faculté d'éducation, qui a également collaboré à cette étude, mentionne l'impact de la gestion des émotions sur la réussite scolaire :

Une bonne capacité à gérer les émotions intenses comme la colère et la frustration est essentiel pour que les enfants vivent une rentrée à l’école réussie.

Professeure Gabrielle Caron-Carrier, cochercheuse de l'étude

Le recours aux médias numériques par les tout-petits réduirait ainsi le temps alloué aux conversations parent-enfant; des échanges qui sont nécessaires pour que les enfants apprennent à gérer leurs émotions.

Toujours selon les conclusions de l’étude, les parents, qui agissent à titre de modèles pour leurs enfants, sont également invités à limiter leur propre utilisation des écrans en leur présence, afin de favoriser à la fois le développement d’habitudes numériques saines et la gestion des émotions.

Les prémisses d’une recherche de plus grande envergure

Si les récents résultats de l’étude publiés dans JAMA Pediatrics s’avèrent concluants, la professeure Caroline Fitzpatrick et ses collègues affirment que les prochaines recherches sur le sujet devraient davantage se pencher sur le contexte de l’utilisation des écrans et la qualité du contenu consommé par les jeunes enfants.

L’équipe de recherche mène d’ailleurs présentement une étude en contexte postpandémique au Québec pour répondre à ces questions, financée par le programme des actions concertées des Fonds de recherche du Québec – Société et Culture.

À propos de l’équipe interuniversitaire derrière cette étude
Caroline Fitzpatrick est professeure au Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d’éducation de l’UdeS. Elle est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’utilisation des médias numériques par les enfants et le vivre-ensemble : une vision écosystémique. Cette dernière a obtenu le prix Tremplin 2023 pour son excellence en recherche.

Publiée dans la revue scientifique JAMA Pediatrics, la présente étude a été réalisée en collaboration avec Annie Lemieux, professionnelle de recherche (UdeS), la professeure Gabrielle Garon-Carrier, du Département de psychoéducation de la Faculté d’éducation de l’UdeS, le chercheur postdoctoral Fabricio de Andrade Rocha (UdeS), la professeure Elizabeth Harvey (Université Sainte-Anne) et le chercheur Pedro Mario Pan (Universidade Federal de São Paulo).

Une recherche qui s’élève à la puissance dix!
Ce n’est pas un hasard si l’Université de Sherbrooke se démarque en recherche. Son secret? Le mariage judicieux du partenariat, de la mutualisation et de l’interdisciplinarité, trois forces qui font sa renommée. Apprenez-en plus sur ce qui a propulsé l’UdeS 10e en recherche au Canada.


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