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Accès, traitement et valorisation de l’or bleu

Parce que l’eau n’est pas une ressource à plus soif

Le Québec est l'une des régions où il se consomme le plus d'eau potable dans le monde, alors que de nombreux pays sont soumis à un stress hydrique constant.
Le Québec est l'une des régions où il se consomme le plus d'eau potable dans le monde, alors que de nombreux pays sont soumis à un stress hydrique constant.
Photo : Michel Caron - UdeS

Si le Québec trône tristement parmi les plus grands états consommateurs d’eau de la planète, la réalité est tout autre pour une proportion largement significative de la population mondiale. Alors que le stress hydrique touche quelque 4 milliards de personnes chaque année dans le monde, elles sont près de 30 % à ne pas avoir accès à l’eau potable. Dans un contexte marqué par des bouleversements climatiques de plus en plus extrêmes, garantir l’accès universel à des services d’eau et d’assainissement s’avère un objectif de développement durable (ODD) à la fois urgent et essentiel.

Bonne nouvelle : grâce à leur formation en génie civil, les étudiantes et étudiants du professeur Hubert Cabana acquièrent des connaissances et développent des compétences qui contribuent à la réalisation de l’ODD 6 – Eau propre et assainissement. Deux cours de maîtrise, également offerts en option aux personnes étudiantes qui terminent leur baccalauréat, portent particulièrement sur la conception de stations de production d’eau potable et de stations de traitement des eaux usées urbaines.

Le premier cours permet de se familiariser avec les différentes étapes de purification de l’eau naturelle pour en faire une eau potable qui réponde aux normes québécoises de qualité de l’eau, qui sont sensiblement les mêmes dans tous les pays industrialisés. Quant au second cours, il vise à faire connaître les procédés d’épuration et de traitement des eaux des égouts contaminées par l’activité humaine, afin de pouvoir les réintroduire de manière sécuritaire dans les milieux naturels.

Les deux cours sont différents, mais l’approche est la même. En réduisant les contaminants de l’eau naturelle pour la rendre potable et en traitant les eaux usées de manière adéquate, on évite la présence de pathogènes et autres contaminants, ce qui contribue à assurer la santé des populations.

Professeur Hubert Cabana

Ce texte est le quatorzième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. Le contenu dont il est question dans le présent texte traite de l'ODD 6 : Eau propre et assainissement.

Tomber dans la marmite de l'eau

Passionné par le domaine du traitement des eaux, sa spécialisation, le professeur Cabana est tombé dans la marmite lors d’un emploi d’été à la Ville de Sherbrooke. Alors qu’il s’apprêtait à entamer un baccalauréat en génie chimique, il a travaillé pendant la saison estivale avec les équipes en charge du curage des aqueducs. De son propre aveu, observer une borne-fontaine se vider pendant des heures la nuit pour en retirer les possibles dépôts ne représentait pas la tâche la plus stimulante du monde, mais cela lui a néanmoins permis de faire une rencontre déterminante dans son parcours.

Le professeur Hubert Cabana se spécialise dans le traitement des eaux usées.
Le professeur Hubert Cabana se spécialise dans le traitement des eaux usées.
Photo : Michel Caron - UdeS

J’ai pu connaître un opérateur à la station d'épuration d'eau potable qui me parlait du traitement des eaux, une réalité que je ne connaissais pas du tout, mais qui nous touche au quotidien. J’ai trouvé ça fascinant, et ça a semé un intérêt chez moi.

Professeur Hubert Cabana

Il a par la suite effectué des stages en génie orientés vers l’environnement et l’eau, qui ont confirmé son intérêt pour le domaine, puis a obtenu une bourse pour poursuivre aux cycles supérieurs à l’UdeS. Vers la fin des années 1990, le professeur Peter Jones, qui a dirigé ses travaux de recherche, était l’un des rares chercheurs à la Faculté de génie à se spécialiser dans le traitement des eaux.

« Ce n’était pas un domaine très populaire et valorisé. Pourtant, traiter de l’eau, ça présente une complexité et des défis intéressants, puisque les sources ne sont jamais les mêmes, et les contaminants que l’on retrouve dans l’eau, comme les médicaments, les hormones et les PFAS, le sont en très faibles concentrations. »

Et parce qu’il était très tenté d’apporter des solutions aux problématiques liées aux micropolluants dans l’eau, Hubert Cabana en a fait sa programmation de recherche principale.

À propos des PFAS
Utilisés en raison de leur résistance à l’eau et aux graisses, les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, sont également appelés « contaminants éternels », puisqu’ils se dégradent difficilement dans l’environnement. On les retrouve notamment dans certains emballages alimentaires (papier parchemin), dans les revêtements antiadhésifs (téflon, silicone) et dans les textiles (goretex).

Valoriser les eaux usées, en plus de les traiter?

Au Québec, où l’eau potable coule à flots, le traitement des eaux usées ne revêt pas la même importance que dans bon nombre de pays touchés par des pénuries d’eau, qui n’ont d’autre choix que d’envisager une telle avenue.

Soumises à un fort stress hydrique, des pays comme le Maroc doivent recourir aux eaux usées recyclées pour arroser leurs parcs ou recharger leurs nappes phréatiques; il n’est plus permis d’utiliser de l’eau potable pour le faire.

Au-delà du traitement des eaux usées, le professeur Cabana aimerait que l’on cherche davantage à les valoriser, puisqu’elles sont riches en métaux de toutes sortes et peuvent représenter une source d’énergie intéressante, notamment avec la biométhanisation, et de milieu de culture pour la production de molécules à valeur ajoutée (ex. biopesticides, enzymes, protéines).

De plus en plus, on tend heureusement à ne plus voir les eaux usées seulement comme un déchet à traiter avant de le jeter, mais bien comme une eau avec des ressources, que l’on peut valoriser.

Professeur Hubert Cabana

Le professeur Cabana mentionne que les eaux usées, à partir desquelles du phosphore peut par exemple être récupéré, présentent un potentiel fort intéressant pour la fertilisation des terres agricoles. Il explique qu’il existe dans le monde de moins en moins de mines de phosphore, une ressource de surcroît non renouvelable, et qu’il est désormais interdit d’en importer en Europe.

Tout ce contexte-là amène à voir les eaux usées comme une véritable mine urbaine de ressources, de laquelle il faut tirer profit.

Professeur Hubert Cabana

La réduction de la consommation d’eau potable représente un véritable défi au Québec, où les ressources en eau ont toujours été abondantes.
La réduction de la consommation d’eau potable représente un véritable défi au Québec, où les ressources en eau ont toujours été abondantes.
Photo : Michel Caron - UdeS

En terminant, le spécialiste du traitement des eaux concède que le fait de vivre dans une province où l’accès à l’eau n’a jamais ou très peu posé problème limite le développement d’une vision plus globale permettant de faire avancer la réflexion.

« Il y a vraiment un défi lié à la réduction de la consommation d’eau potable au Québec, on est déconnectés de la réalité en étant l’un des endroits où l’on en consomme le plus par personne dans le monde. En tant que citoyennes et citoyens, on doit changer ça, et ça passe par une éducation adéquate pour s’assurer que l’eau sera encore disponible et accessible à tout le monde », conclut-il.

À propos de l’ODD 6 : Eau propre et assainissement
Alors que la demande en eau dans le monde dépasse la croissance démographique, la moitié de la population mondiale est déjà confrontée à de graves pénuries d’eau plusieurs fois par année. L'ODD 6 vise à garantir l'accès universel à l'eau et à l'assainissement et à gérer durablement les ressources en eau. Il s’agit du besoin le plus fondamental pour assurer la santé et le bien-être des populations.

Ne manquez pas la suite de cette série, en octobre prochain!


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