Lutte contre les changements climatiques
La crise climatique expliquée aux ados : les défis du corps enseignant
Inondations, sécheresses, famines et guerres : c’est ce qui nous attend si nous demeurons impassibles devant la crise climatique. Mais comment expliquer à une classe du secondaire que tout n’est pas joué, qu’il en reste, de l’espoir, sans provoquer une crue d’écoanxiété ou de résignation?
Lucie Laramée a une connexion spéciale avec la nature. Prendre le temps de s’arrêter pour observer les libellules voler est pour elle une source d’émerveillement et de sérénité. Or ces moments d’intimité avec l’environnement lui rappellent tristement que le sablier climatique se vide plus vite qu’on ne le voudrait.
Pour contrer l’effet paralysant de l’écoanxiété, elle passe à l’action. « C’est prouvé, la seule façon de réduire son écoanxiété, c’est d’agir, et de préférence en collaboration avec d’autres », souligne la chargée de cours, données à l’appui.
Un de ses leviers : le cours Enjeux environnementaux contemporains, qu’elle donne entre autres aux futures et futurs enseignants d’univers social au secondaire. Offert par le Département de géomatique, il est obligatoire à la dernière année de baccalauréat en enseignement au secondaire, profil Sciences humaines et sociales. « Mais il est ouvert à tous! », s’empresse de préciser Lucie, qui l’enseigne pour la troisième fois.
Lorsqu’ils franchissent la porte de ce cours, les étudiantes et étudiants en enseignement ont trois stages en poche. « Ils ont donc déjà été placés dans une situation où des jeunes leur ont posé des questions sur l’environnement, questions auxquelles ils n’ont pas toujours pu répondre. Ce qu’ils attendent de mon cours, c’est d’être outillés pour ça. »
Ce texte est le seizième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. Le contenu dont il est question dans le présent texte traite de l'ODD 13 : Lutte contre les changements climatiques.
Sensibiliser, mais sans faire peur ni culpabiliser
Lucie avoue que son cours peut être dur sur le moral. « J’apporte trop souvent de mauvaises nouvelles concernant les enjeux liés au sol et à la qualité de l’air et de l’eau, à la biodiversité, à l’occupation du territoire, aux milieux urbains, aquatiques et forestiers, et aux réserves naturelles. En regardant tous ces enjeux sous les angles environnementaux, sociaux et économiques, nous constatons leurs liens avec l’urgence climatique. »
Toutefois, aussi éprouvante soit-elle, cette prise de conscience est nécessaire. « Plus il y aura de gens sensibilisés, plus il y aura de gens mobilisés à agir », soutient la chargée de cours.
Visite d’un centre de tri ou d’un centre d’enfouissement, jeux de rôle, séance en plein air au sommet du Mont-Bellevue, discussions et débats de groupe, réalisation de la Fresque du climat : différentes approches sont explorées pour préparer les futures et futurs enseignants à répondre avec assurance aux multiples questions justifiées des jeunes concernant la crise environnementale.
Au centre d’enfouissement, de voir toute cette matière qu’on a importée de Chine ou d’ailleurs et de constater la quantité d’énergie qu’on a mise à la transporter jusqu’ici… Les étudiantes et étudiants sont toujours très marqués de voir toutes les ressources qu’on gaspille.
À l’aide d’outils de suivi présentés par le Département de géomatique appliquée, les personnes étudiantes sont aussi amenées à prendre la pleine mesure des ravages de la crise à l’échelle mondiale. « Par exemple, sur une carte qui montre les changements des extrêmes de chaleur réalisée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, elles observent que c’est rouge presque partout. Le Québec est l’une des très, très rares régions épargnées », fait-elle remarquer, en insistant sur un fait inéluctable : les effets de la crise climatique sont beaucoup moins perceptibles chez nous, ce qui peut fausser nos perceptions.
Cette conscientisation peut choquer. Le plus souvent possible, les cours se concluent donc sur une discussion de groupe autour de la question Qu’est-ce qu’on peut faire?. « Ça génère des échanges intéressants. Chacun explore ce qu’il peut changer. Ce sont des actions prometteuses qui émergent. »
Oui, le moindre geste compte
Identifier les gestes qui nuisent, mais aussi ceux dont les retombées peuvent surprendre, fait aussi partie du programme. « Je leur présente ce qui se fait comme initiatives un peu partout dans le monde. Certains pays font mieux, d’autres font pire. Mon but, c’est de les amener à reconnaître que, oui, ça ne va pas bien, mais il y a toujours moyen d’agir. »
Pour allumer cette étincelle d’espoir, Lucie recourt à l’agentivité, un des concepts clés du cours. « L’agentivité, c’est le sentiment de pouvoir agir en tant qu’individu et en tant que collectivité », explique-t-elle.
Afin d’introduire ce concept, elle s’appuie sur l’idée que toute initiative a un impact. « Le moindre geste compte, parce qu’on peut influencer d’autres personnes à se mettre en action. Et lorsque l’on arrive à agir ensemble, la motivation de chacun est accrue. Par exemple, les personnes enseignantes peuvent participer au comité environnement de l’école, permettre à leurs groupes d’élèves de remplir un questionnaire sur le recyclage ou écrire ensemble au premier ministre sur un enjeu qui les touche particulièrement. »
Si Lucie est convaincue que le corps enseignant au secondaire peut jouer un rôle dans le sentiment d’agentivité des jeunes, elle affirme aussi avec certitude que la base de l’écocitoyenneté, c’est l’émerveillement devant le vivant.
Exit les cellulaires, tout le monde dehors?
Les enfants sont plus déconnectés de la nature que jamais. On confisque tous les téléphones cellulaires, donc? Ce n’est pas si simple. « Il importe de présenter à ces futures personnes enseignantes des solutions réalistes, tout particulièrement en considérant les défis que représente le début de leur profession d’enseignant à l’heure actuelle. »
C’est dans cette optique que son cours aborde le lien-nature, une notion derrière laquelle se range une idée toute simple, mais si éclairante :
Plus tu es en lien avec la nature, plus tu seras porté à agir pour la protéger. Des études le montrent, et je permets aux personnes étudiantes de le ressentir à travers une séance sur l’écocitoyenneté qui se déroule au sommet du Mont-Bellevue.
Lucie Laramée, chargée de cours en géomatique
L’explication derrière ce phénomène serait en partie psychologique, mais aussi chimique! En effet, la nature aurait des bienfaits sur le corps humain : réduction de l’anxiété et de la fréquence cardiaque, diminution des comportements impulsifs et de l’hyperactivité, meilleure concentration, augmentation des niveaux d’énergie, etc. « Je me sens paisible et j’adore le fait d’être dans la nature et de partager quelque chose avec celle-ci, témoigne un étudiant du groupe lors de la séance au Mont-Bellevue. La nature me fait sentir vivant, donc c’est incroyable de pouvoir apprendre dans un tel contexte. »
« Être conscients des bienfaits que nous apporte la nature accroît notre respect et notre bienveillance envers tous les êtres vivants. La cristallisation du lien-nature est la base de l’écocitoyenneté », conclut Lucie, dans une poésie inspirante.
Inondations, sécheresses, famines et guerres : c’est ce qui nous attend si nous demeurons impassibles devant la crise climatique. Expliquer cela à une classe d’ados peut sembler vertigineux. À moins de commencer par le plus beau : les tête-à-tête avec les libellules.
Le cours Enjeux environnementaux contemporains est donné par le Département de géomatique appliquée. Il est obligatoire au baccalauréat en enseignement au secondaire – profil Sciences humaines et sociales. Il répond aux impératifs du Programme de formation de l’école québécoise, où s’inscrit l’éducation au développement durable comme outil pour les jeunes du Québec devant les défis d’aujourd’hui et de demain.
Ce cours est également offert en option au certificat en géographie et au microprogramme de 1er cycle en géographie. Il est de plus ouvert à toutes et tous. « Les personnes qui le prennent par choix, c’est un cadeau », témoigne Lucie. « J’ai eu des personnes étudiantes en génie, en science politique, en études littéraires; d’autres provenant de l’étranger aussi. Ce partage de points de vue est très enrichissant. »
À propos de l’ODD 13 : Lutte contre les changements climatiques
Chaque personne, dans chaque pays et sur chaque continent, sera touchée d’une manière ou d’une autre par les changements climatiques. Un cataclysme climatique se profile à l’horizon, et nous ne sommes pas suffisamment préparés à ce qu’il pourrait signifier. Des mesures immédiates sont nécessaires. Il y a beaucoup de choses que chacun d’entre nous peut faire en tant qu’individu. L’heure est à l’action!
Ne manquez pas la suite de cette série, en décembre prochain!