Dévoilement à la COP26
Une technologie de réduction des GES de l’Université de Sherbrooke parmi les plus prometteuses sur la planète
Capter directement le dioxyde de carbone dans l’atmosphère et l’utiliser pour décontaminer des sites d’amiante : c’est l’idée ingénieuse et doublement verte derrière Skyrenu, une technologie développée par une équipe étudiante de la Faculté de génie avec l’INRS et primée dans le cadre d’un prestigieux concours international pouvant mener à un prix de 50 millions de dollars.
Comme une vingtaine d'autres projets étudiants à travers le monde, Skyrenu figure au rang des lauréats récompensés par le célèbre ingénieur et entrepreneur Elon Musk, qui a lancé le concours XPRIZE Carbon Removal.
La course pour réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère est résolument déclenchée, et la recherche étudiante à l’UdeS est au nombre des meneurs.
Récompensée le 10 novembre lors de la COP26, l’équipe de la Faculté de génie a reçu pour son invention un prix de 250 000 $ US. Le montant servira à peaufiner la technologie en vue de se qualifier pour le grand prix de 50 millions de dollars qui sera remis par la Musk Foundation en 2025.
Si nous voulons maintenir l'augmentation de la température mondiale en dessous de 2 °C, nous devons réussir à éliminer 10 gigatonnes de CO2 par an d’ici 2060, selon le Programme environnemental de l’ONU (UNEP).
L’équipe Skyrenu va contribuer à ce chantier colossal en plusieurs étapes de mise à l’échelle.
« Au cours des 6 prochains mois, on doit amener notre machine à capter jusqu’à 1 kg de CO2 par jour, explique Alexandre Camiré, étudiant à la maîtrise en génie mécanique et leader de l’équipe étudiante. Parallèlement, notre partenaire, l’INRS, fera une preuve de concept de séquestration de 1 tonne de CO2 par année. Pour la phase 2 de notre projet, il y aura une mise à l’échelle de la capture et de la séquestration de 10 tonnes de CO2 par année. »
Le tout en visant les objectifs fixés par le concours : amener la technologie à capter et séquestrer 1000 tonnes de CO2 par année en 2025 et démontrer sa capacité à éventuellement atteindre l’échelle de la gigatonne par an.
Utiliser le CO2 pour neutraliser les déchets d’amiante
Une fois capté, le CO2 doit être stocké quelque part pour des millions d’années ou être destiné à un usage propre. C’est la séquestration. Le procédé utilisé par Skyrenu est non seulement ingénieux, mais il apporte une solution à un autre problème environnemental : les déversements de résidus d’amiante.
« Au Québec, on a des milliards de tonnes de résidus miniers, dont l’amiante en Estrie, explique le professeur de génie mécanique Martin Brouillette, qui dirige l’équipe. L’amiante est le matériau parfait pour réagir avec le CO2. En effet, le carbone accélère la dégradation de l’amiante, qui devient ainsi inerte. On transforme donc les résidus miniers en simple gravier utilisable pour, par exemple, remblayer les sites d’amiante et restaurer le paysage à ce qu’il était il y a 150 ans. »
La technologie Skyrenu, brevetée en 2020, fait d’une pierre, deux coups : elle contribue à réduire dans l’atmosphère les GES qu’on ne peut éviter de générer (pensons au domaine de l’aviation) et elle revalorise des déchets miniers qui sont dangereux pour l’environnement et pour la santé de la population.
Qui plus est, l’appareil Skyrenu fonctionne à l’hydroélectricité, une énergie verte. Tous ces facteurs réunis ont séduit le jury du concours XPRIZE Carbon Removal, qui ouvre aux équipes gagnantes des possibilités de rayonnement et de développement inouïes. En 2025, l’étape ultime du concours prévoit une remise de prix totalisant 100 millions de dollars.
« Difficile de fermer les yeux »
Le professeur Brouillette n’en est pas à sa première invention. Au cours des dernières années, il a notamment développé une technologie médicale permettant de déboucher les artères. Son intérêt pour les solutions environnementales est relativement récent :
« Ce sont mes enfants qui paieront le prix des changements climatiques, confie le professeur Brouillette, qui ne connaissait rien à la capture du CO2 au début du projet. Je voulais faire quelque chose. En 2018, j’ai embauché un étudiant en fin de doctorat, Gabriel Vézina, en lui proposant de trouver, ensemble, une solution aux changements climatiques. C’est ainsi qu’a démarré le projet. »
Les préoccupations environnementales sont également prioritaires pour Alexandre, qui se dirigeait à la base en aéronautique : « Après avoir fait un stage avec le professeur Brouillette, je me suis rendu compte de l’ampleur des enjeux climatiques à travers la planète. C’est difficile de se fermer les yeux… Pour moi, c’est très motivant d’avoir cette cause en tête et de pouvoir faire avancer les choses. »
Le deuxième volet du concours XPRIZE Carbon Removal aura lieu en février 2022 et sera ouvert aux équipes autres qu’étudiantes (PME, jeunes pousses, etc.). L’ensemble des équipes retenues (étudiantes et autres) se disputeront le grand prix en 2025.
La technologie Skyrenu est actuellement la propriété de TransferTech Sherbrooke, la société de valorisation de l’Université de Sherbrooke chargée de protéger et de commercialiser la propriété intellectuelle universitaire auprès d’entreprises de haute technologie. TransferTech a aussi pour mission d’identifier des occasions de financement afin de soutenir le perfectionnement des inventions, comme ce fut le cas avec Skyrenu.
Les membres étudiants de l'équipe Skyrenu
Gabriel Lefrançois, Alex Marcil, David Chartrand, Emmanuel Beaudry, Ilies Tebbiche, Joanie Coulombe, Marc-Antoine Lacroix, Alexandre Camiré, Arnaud Baldassari, Naomie Richard, Thierry Hotte-Bélanger, Samuel Ebacher, Gabriel Vézina et Antoine Gagné.