Paix, justice et institutions efficaces
Plaidoyer pour un monde plus juste
Donner accès à la justice à des personnes itinérantes de Sherbrooke, s’envoler pour Genève afin d’aider les réfugiés, débarquer chez les Autochtones du Nunavik pour prendre part à une cour de justice itinérante. Une formation en droit à l’UdeS, c’est un avant-goût très concret du rôle qu’on s’apprête à jouer dans une société bienveillante.
Lorsqu’on demande au vice-doyen Simon Roy comment la Faculté de droit a intégré les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU dans la formation, il est un peu embêté par la question, avec raison. Droits humains, libertés fondamentales, gouvernance, réduction de la violence, de l’exploitation, de la corruption, toute la liste des cibles de l’ODD 16 - Paix, justice et institutions efficaces se reflète autant dans l’offre de cours, dans les expériences terrain, dans les stages, dans les thématiques de recherche que dans l’implication étudiante.
On voit les ODD comme un appui qui vient renforcer la légitimité de ce qu’on fait déjà. Parce que le droit, c’est essentiellement un mode de gestion de la société. Le droit, c'est de tenter de régler les injustices, les conflits, autrement qu’à coup de poing, à coup de guerres.
Professeur Simon Roy, vice-doyen aux études de premier cycle et à l'innovation
Ce texte est le deuxième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. La formation pratique en droit dont il est question dans le présent texte met en valeur l'ODD 16 - Paix, justice et institutions efficaces.
Mais concrètement, comment cet objectif de paix, de justice et de bonne gouvernance pour tous les humains se traduit-il dans la formation à la Faculté de droit? Sur le terrain, parmi les populations plus vulnérables, d’ici et d’ailleurs.
La Loi du plus faible
Par exemple, à la fin du programme de common law, il est possible de faire un stage de 6 mois à Genève – et potentiellement bientôt au Kenya – au sein du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Une vraie immersion dans les contextes de conflits et de persécutions où les droits humains ne sont pas respectés.
Il y a aussi le Bureau d’assistance juridique international, où les personnes étudiantes supervisées par des juristes répondent à des mandats proposés par des organisations internationales ou non gouvernementales, des ministères, des collectivités ou des cabinets d’avocats.
Aux dires de la coordonnatrice des activités d'apprentissage expérientiel de la Faculté de droit, Jessie Courteau, c’est très « UdeS », cette propension à apprendre la pratique du droit sur le terrain, notamment auprès des plus démunis.
Cet apprentissage expérientiel prend diverses formes tout au long du baccalauréat en droit. Puis en troisième année, les personnes étudiantes peuvent s’inscrire à ce qu'on appelle les activités cliniques, c’est-à-dire environ 150 milieux d'activités très variés, dont beaucoup sont des OSBL, des centres de justice de proximité, des organisations de pédiatrie sociale, des cliniques d’information juridique gratuite pour la population, etc. Toutes ces activités visent l'accès à la justice.
Dans les cours théoriques, l'apprentissage n'est pas nécessairement dirigé vers l'interaction avec l'humain, on n'apprend pas à travailler avec une personne en détresse, on ne vit pas cette situation non plus. Donc ces activités cliniques permettent d'ouvrir ses œillères, de voir que le droit se pratique bien différemment à plusieurs endroits, ici et dans le monde, et qu’on peut adapter les différentes lois en fonction des réalités, des personnes ou de la communauté qu’on a devant soi et de la réalité politique.
Jessie Courteau, coordonnatrice des activités d'apprentissage expérientiel à la Faculté de droit
Justice pour les familles du Nunavik
C’est ainsi que bon an mal an, des dizaines d’activités se déroulent sur le terrain parfois tout près, et parfois pas mal loin.
Léa Turgeon-Tremblay en sait quelque chose. Diplômée en 2022, elle a terminé son baccalauréat en vivant une expérience d’accès à la justice hors des sentiers normalement battus par sa profession. Présentement inscrite au Barreau, Léa n’en revient toujours pas de la chance qu’elle a eu de passer une semaine à épauler une avocate en protection de la jeunesse à la Cour itinérante de Puvirnituq, au Nunavik.
J’ai été vraiment chanceuse de vivre ça. J’ai pu participer au processus de cour, assister toute la semaine aux procès, faire des recherches juridiques, prendre des notes pour l’avocate, rencontrer les intervenants. C’était vraiment génial que l’Université et le cabinet Cain Lamarre collaborent pour me faire vivre cette expérience.
Léa Turgeon-Tremblay, diplômée au baccalauréat en droit
Celle qui avait des idées de grandeur en s’inscrivant en droit a confirmé sa vocation auprès des familles et des peuples autochtones lors de ce séjour en territoire inuit.
« Ç'a été très enrichissant parce que c'était la première fois que j'étais autant incluse dans le processus judiciaire. J'avais déjà assisté à des procès. Mais pas en protection de la jeunesse. Là c'était une semaine complète, intensive, où j'ai pu vraiment, vraiment être confrontée à la pratique », poursuit la future avocate.
Une pratique souvent difficile, parfois poignante, qui a mis aussi à l’épreuve la patience de Léa. Une pratique où l’urgence des situations face à la lourdeur des procédures donne le goût d’agir pour changer les choses. « Ça m’a fait prendre conscience des changements qu’il faut apporter à la Cour itinérante parce que le nombre de dossiers en attente est hors de proportion. Dans les situations qui concernent des enfants surtout, c’est urgent de réformer les façons de faire. »
Un parti pris pour le respect
L’expérience de Léa avec les Autochtones n’est pas unique.
À la Faculté de droit, on multiplie les initiatives en collaboration avec les membres des Premiers Peuples. Comme cette opportunité d'activité clinique à Obedjiwan, qui devrait avoir lieu d'ici la fin du trimestre d'hiver 2023, durant laquelle les personnes étudiantes vont échanger de l’information avec la communauté en matière de droit de la famille. Ou cet autre projet d'activité clinique dans le Grand Nord, qui pourrait se tenir dans la prochaine année et qui porte spécifiquement sur l’enjeu de l’accès à la justice en matière de droit notarial pour les membres des Premiers Peuples.
« Ces activités cliniques font partie des opportunités uniques offertes à nos personnes étudiantes afin qu’elles puissent s’ouvrir aux différentes réalités et façons de pratiquer le droit au Québec », mentionne Jessie Courteau.
Une culture qui fait jurisprudence
Quand nos personnes étudiantes arrivent à la Faculté, si elles n'ont pas de juristes dans leur famille, leur perception de la profession peut être basée en partie sur ce qu'elles voient dans les séries télévisées, dans les films, alors que la réalité sur le terrain est bien différente. Elles arrivent presque toutes avec une mission d'aider les autres. Mais si on leur demande ″ Concrètement, on fait ça comment? ″, la réponse est plus difficile à obtenir.
Jessie Courteau, coordonnatrice des activités d'apprentissage expérientiel à la Faculté de droit
D'ailleurs, le Carrefour étudiant organisé par la Faculté de droit chaque année est une occasion extraordinaire pour constater toute l'importance de cette mission d'aider les autres. Les personnes étudiantes rencontrées lors de cet événement commençaient à mieux comprendre leur mission dans la société.
C'est le rôle du juriste d'assister les citoyens pour s'assurer que leurs droits sont respectés, pour les accompagner dans cet immense système qu'est l'État.
Rémi Desparois, étudiant en 2e année au baccalauréat en droit.
C’est gratifiant de savoir qu’on peut jouer ce rôle-là, déjà en 3e année. On a la formation, les connaissances et les compétences pour le faire, alors pourquoi pas le mettre en œuvre dans la communauté, être utile.
Daphné Huppé, étudiante en 2e année au baccalauréat en droit.
La bonne chose, c’est que changer et aider le monde, c’est plutôt bien ancré dans la culture de la Faculté, entre autres dans les préoccupations des membres du corps professoral. Comme l’explique la professeure Hélène Mayrand, vice-doyenne à la recherche et aux cycles supérieurs, il n’y a qu’à regarder les sujets de recherche en cours à la Faculté pour être déjà dans une perspective de changement.
Qu’on pense aux femmes victimes de traite, à la discrimination, à tous les objectifs poursuivis en prévention et règlement des différends, à l’intégration de codes de conduite dans les institutions, aux responsabilités liées aux écolabels, à la protection des droits humains dans le commerce, ce ne sont que quelques exemples de sujets qui occupent nos professeurs et nos professeures.
Professeure Hélène Mayrand, vice-doyenne à la recherche et aux études supérieures
Ces préoccupations de développement durable ne peuvent faire autrement que de s’infiltrer jusqu’aux personnes étudiantes, par l’offre de cours, dans les discussions et les conférences, dans les projets d’études supérieures... et finalement dans le cœur de ces juristes en herbe qui ne demandent pas mieux que de changer le monde.
À propos de l'ODD 16 - Paix, justice et institutions efficaces
Les conflits, l’insécurité, les institutions faibles et l’accès limité à la justice portent atteinte au développement durable. Cet objectif vise à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, à assurer l’accès de toutes et tous à la justice et à mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à toutes et tous.
Ne manquez pas la suite de cette série, en mai prochain!