Apprendre la gestion responsable en donnant la main aux collectivités

Les gestionnaires sont partout. À l’Université de Sherbrooke, on pense que ces personnes ont un rôle crucial à jouer dans l’avenir de notre planète puisque leurs décisions ont des impacts sur l’économie, mais aussi sur la société et l’environnement.

C’est pourquoi l’École de gestion de l’UdeS a décidé d’agir pour que les gestionnaires de demain participent au changement, en créant les conditions gagnantes de formation au sein même des communautés locales. Et pourquoi ne pas en plus aider les collectivités à atteindre leurs objectifs de responsabilité sociale et de développement durable?

« En 2013, alors que l’École de gestion déterminait ses nouvelles orientations stratégiques, la gestion responsable a été retenue comme un axe incontournable par l’ensemble des parties prenantes, autant les personnes enseignantes que les associations étudiantes et les ambassadeurs de l’École de gestion. On a eu aussi un bon son de cloche du milieu sur les orientations à prendre », explique Isabelle Létourneau, professeure en management et gestion des ressources humaines et membre du Centre Lemaire en gestion responsable.

Munie de cette louable thématique, Isabelle Létourneau a profité du renouvellement du baccalauréat en administration des affaires en 2016 pour mettre sur pied avec ses collègues un nouveau cours de tronc commun offert à l’ensemble des finissantes et finissants de l’École de gestion : Moi, gestionnaire socialement responsable.

Mais l’apprentissage de la responsabilité sociale peut difficilement se faire entre les quatre murs d’une classe, avec des exemples fictifs. C’est plutôt en pensant aux besoins des collectivités, des organismes communautaires, des entreprises d’économie sociale, des municipalités et des MRC qu’on a créé le Programme d’intervention dans la communauté, le PIC, comme tout le monde l’appelle, une formule unique d’apprentissage expérientiel.

On veut donner aux étudiantes et étudiants le goût d’un avenir commun. Ce n’est pas en leur faisant peur avec des discours catastrophiques qu’on en fera de bons et de bonnes gestionnaires. Au contraire, c’est en leur montrant des initiatives qui fonctionnent et des outils à mettre en œuvre dans leurs pratiques de gestion.

Professeure Isabelle Létourneau

Ce texte est le huitième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. L'approche pédagogique dont il est question dans le présent texte met en valeur l'ODD 11 – Villes et communautés durables.

Main dans la main avec les organisations dans la communauté

Au sein du PIC, les équipes étudiantes aident les organisations du milieu à prendre le virage de la gestion responsable et à développer leur responsabilité sociale. Avec toute la ferveur dont ils et elles sont capables, ces jeunes gestionnaires évaluent les forces des organisations, alimentent leur idéation, animent leur réflexion, trouvent des solutions innovantes à leurs défis de gestion actuels et futurs ou les accompagnent dans le diagnostic, la mise en place, le déploiement et l’ajustement de leurs projets ou de leurs pratiques.

Structurer une telle formule d’apprentissage expérientiel en continu, avec des partenaires locaux en Estrie et en Montérégie, c’était un défi colossal, qui a été relevé avec brio, comme en font foi les dernières données du programme : à la fin de l’année 2023, en 4 ans d’existence, le PIC aura fait travailler 1917 étudiantes et étudiants, soutenus par une équipe enseignante de 16 personnes, pour réaliser 356 mandats auprès de 155 organisations partenaires.

Les exemples sont multiples, mais ont tous pour point commun de faire grandir la responsabilité sociale des organisations et des personnes étudiantes. Comme cette Maison de quartier qui souhaitait faire construire une nouvelle bâtisse et qui a eu recours au PIC pour la recherche de financement. Ou la Ville de Sherbrooke qui a fait appel au PIC, entre autres, pour savoir comment s’y prendre afin d’aménager des espaces éphémères dans le centre-ville. Ou le petit village très dynamique de Saint-Camille qui se fait aider pour stimuler la participation citoyenne. Ou encore le Centre culturel Uplands qui a eu recours à une équipe étudiante pour trouver des stratégies de recrutement en vue de renouveler sa banque de bénévoles.

Zareena Amiri a participé au PIC à l’hiver 2023 pour un mandat avec Concertation Horizon, qui regroupe les cinq MRC de la Montérégie-Ouest. L’étudiante actuellement à la maîtrise en intervention et changement organisationnel considère que le PIC lui a ouvert l’esprit et l’a conscientisée aux défis contemporains de développement durable. L’expérience a influencé la gestionnaire qu’elle entend devenir.

C’est super important d’être un exemple et d’avoir des actions qui concordent avec notre discours. C’est pour cela que je veux, à travers mes propres actions en organisation, amener mes collègues, mon équipe et même l’organisation à s’impliquer et à prendre un virage réel vers la RSE (responsabilité sociale des entreprises). Ça peut se passer à travers le développement de pratiques de gestion, une implication dans les initiatives citoyennes et sociales, l’adoption de normes environnementales, etc.

Zareena Amiri, participante au PIC à l’hiver 2023

Le cours Moi, gestionnaire socialement responsable débute avec quelques cours en classe de mise à niveau des notions de développement durable et de responsabilité sociale. On forme les équipes et distribue les mandats. Les équipes étudiantes partent ensuite en mission avec pour bagage tous leurs acquis du baccalauréat. En cours de route, on fait le point à quelques reprises lors de séances de coaching en visioconférence avec les personnes enseignantes, lesquelles continuent aussi d'approfondir la matière en classe avec les équipes.

Des projets plus costauds

Le succès de ces missions bouclées en une session a tôt fait de générer des demandes de la part des partenaires pour des mandats plus costauds. C’est ainsi que huit organisations parmi les partenaires ont été sélectionnées pour une phase de projets pilotes selon une nouvelle formule : les Labos PIC. Les équipes étudiantes se relayent sur une période de deux ans pour mener à bien des projets qui vont plus loin que les mandats habituels, avec des enjeux aussi porteurs que l’intégration des arts comme ressource pédagogique, l’inclusion et la mixité sociale, la participation civique jeunesse, le développement de la capacité d’agir et de savoir des femmes en difficulté, le dynamisme démocratique des villages ruraux, etc. On est loin ici de la gestion d’une PME.

Je pense qu’on a été gagnant au bout du compte d’ouvrir l’esprit des étudiantes et étudiants pour qu’ils comprennent des modes de fonctionnement différents. De comprendre à quoi servent des structures comme les MRC, les municipalités, c’est aussi très utile lorsque tu travailles dans une entreprise privée.

Professeure Isabelle Létourneau

Un apprentissage essentiel : une nouvelle vision du monde

Si plusieurs croient au départ que la gestion responsable n’est qu’un des aspects à considérer dans une approche de gestion, au bout du parcours avec le PIC, on se rend compte que c’est plutôt le noyau autour duquel toutes les activités de l’organisation peuvent s’articuler.

Souvent peu habituées au contact des organisations du milieu, les personnes étudiantes voient maintenant d’un autre œil ces partenaires essentiels de développement. En fait, selon l’équipe responsable, en plus de les responsabiliser à l’égard du monde dans lequel on vit, le cours Moi, gestionnaire socialement responsable permet de développer une compréhension pratique de la responsabilité sociale des organisations et du développement durable.

Les personnes étudiantes apprennent à collaborer avec une diversité de parties prenantes et reconnaissent que les citoyennes et citoyennes ainsi que les organisations sont des agents de changement.

C’est aussi l’apprentissage des compétences à développer si on veut avoir un impact réel, même à petite échelle. Par exemple la prise de décision éthique, la reconnaissance des actions des autres collègues et équipes, l’humilité. J’ai pu voir ces compétences en action lorsque nous étions avec les gestionnaires associés aux projets. Ça fait la différence et c’est motivant. On voit que c’est possible et que les retombées sont positives. Donc c’est certain que je veux être en mesure de faire de même une fois en organisation.

Zareena Amiri, étudiante

Si certaines personnes étudiantes arrivent anxieuses, découragées par l'état de la planète, à la fin du cours, leur vision a changé.

Ils ont compris qu’il existe des outils qui peuvent les aider à prendre une position beaucoup plus active, peu importe le milieu de travail dans lequel ils vont se retrouver, qu’ils sont plus habilités à questionner les pratiques, puis à faire des propositions d'initiatives. Je vois aussi des étudiantes et étudiants qui sont plus sensibilisés aux enjeux locaux et à l’importance d’une économie plurielle.

Professeure Isabelle Létourneau

Des retombées exponentielles

Alors que le PIC est une formule où tout le monde gagne, son effet, lui, est exponentiel.

Ça fait doublement des petits. Ça fait des petits parce que ça change l’état d’esprit des étudiantes et étudiants au baccalauréat par rapport à la gestion, et je me dis qu’ils vont garder cette préoccupation dans leur profession ou aux études supérieures. Et ça fait des petits aussi dans notre milieu à nous avec la quantité de mandats qui sont réalisés, autour de Sherbrooke et en Montérégie.

Professeure Isabelle Létourneau

Et des petits, il s’en fait aussi parce que chacun et chacune qui participe au PIC change aussi dans ses activités professionnelles et personnelles la vision du monde chez les humains qui l’entourent.

À propos de l’ODD 11 : Villes et communautés durables
Cet objectif de développement durable vise à faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables, dans un contexte où, d'ici 2030, plus de 60 % de la population mondiale vivra en zone urbaine. Les milieux de vie tels que les MRC, les municipalités et les OBNL jouent un rôle essentiel afin de contrer la pauvreté, les problèmes sociaux et autres inégalités inhérentes au monde urbanisé. La mise en place de pratique durables et responsables dans les villes passent par les organisations, mais surtout les gens qui s'y impliquent.

Ne manquez pas la suite de cette série, en janvier prochain!